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Acteur à découvert

Comédien engagé Fabian Ferrari se plaît à défendre des textes de portée sociale

Singulière trajectoire que celle suivie par le Lausannois Fabian Ferrari, 52 ans. Un parcours professionnel qui se divise en trois actes. Le premier met en scène un jeune employé de commerce qui, après une formation de courtier en Bourse et un poste de trader, change radicalement d'orientation pour devenir administrateur au sein du CICR. Ce choix professionnel conduit le Vaudois au Kenya, au Liberia, en Iran puis en ex-Yougoslavie. «J'ai adoré ce travail dans l'humanitaire qui m'a permis de découvrir le monde, les autres, même s'il m'a confronté à la misère, la détresse, la cruauté des guerres», relève Fabian Ferrari qui voyagera beaucoup tout au long de sa vie. Un attentat sur la route de Sarajevo et la mort de collègues incitent toutefois l'expatrié à demander sa mutation au siège de l'organisation où il demeure encore quelque temps avant d'être recruté par un chasseur de têtes. Levée de rideau sur le deuxième acte.

Coup de théâtre
Fabien Ferrari part travailler à Anvers en Belgique pour une banque spécialisée dans le commerce de diamants. «J'ai accepté cette place pour me rapprocher de ma grand-mère qui vivait à Ostende», explique celui qui a perdu sa mère d'origine belge à l'âge de 12 ans. S'ouvre alors pour le nouveau banquier un monde dans lequel il évoluera une vingtaine d'années. Gravissant les échelons dans différentes institutions bancaires de renom. Changeant de postes directeurs au gré des contrats qui lui sont proposés. Cumulant les cours de management dans lesquels «on décortique votre personnalité dans un camembert». «Au début, je me suis piqué au jeu. Puis ce procédé m'a poussé à me questionner. Je me suis demandé quel sens je donnais à ma vie. Qu'est-ce qui me motivait vraiment?» Brèche ouverte dans l'existence lisse de Fabian Ferrari qui se remémore alors ses premiers amours voués au théâtre et au chant. A 43 ans, il ose un virage à 180 degrés et décide de tout plaquer pour s'adonner à sa passion. «J'étais un peu inconscient. Frondeur. J'ai idéalisé mais c'est tant mieux.»

Cerise sur le gâteau
Dernier acte. Le costard et la cravate tombés, Fabian Ferrari effectue un stage au Cours Florent à Paris. Il s'inscrit ensuite à l'Ecole de théâtre Claude Mathieu trois ans durant conscient que, prévenu par ses professeurs, seuls 10% des élèves vivront de leur art. «J'avais néanmoins confiance en moi», raconte l'artiste qui, proactif, déterminé - un des traits de sa personnalité - n'aura de cesse de se démener pour décrocher des rôles. «C'est ce qui m'épuise. Désespérant», soupire le comédien et metteur en scène contraint de diversifier les activités pour parvenir à un minimum vital: enseignement, voix off, animations, modérations de débats, publicités - sous réserve qu'elles ne s'opposent pas à ses valeurs, etc. «Quand on joue, c'est la cerise sur le gâteau. Il faut se battre en permanence. C'est un métier compliqué.» Pas de quoi décourager Fabian Ferrari qui a fait le choix de l'indépendance. Sans regret. «La liberté n'a pas de prix.» Alors que son travail lui offre aussi l'occasion de défendre des textes de portée sociale, en phase avec ses idées. Consumérisme à outrance, impact de l'agro-alimentaire dans nos assiettes, marginalisation, rejet des personnes âgées, injuste répartition des richesses... Autant de problèmes de société qui nourrissent la démarche de cet artiste engagé.

Jamais sans sa calcédoine
«Je n'ai pas fait tout ce chemin pour me limiter au divertissement», précise, posé, le quinquagénaire, partisan de la décroissance, de l'écologie, d'une politique au service du bonheur national brut. Et espérant, via ses spectacles, générer interrogations et prises de conscience face à un système fondé sur le seul profit. «J'en ai fait partie. Je ne renie pas mon passé. Mais il m'a permis de devenir ce que je suis aujourd'hui», poursuit l'acteur, vivant en partenariat enregistré. Un homme doté d'une grande sensibilité, fustigeant toutes formes de discrimination, détestant les idées toutes faites, qui trouve dans le théâtre un moyen de libérer ses émotions. Un être allant volontiers au bout des choses - «J'aime quand il y a un os à ronger» - aussi exigeant à son égard qu'il essaie de comprendre et d'écouter les autres. Et toujours ravi de monter sur les planches. «Difficile de décrire alors cette adrénaline. Ce ressenti. Ça me prend aux tripes», note Fabian Ferrari qui vérifie toujours, avant d'entrer en scène, avoir bien glissé dans sa poche la calcédoine offerte par sa filleule. Une jolie pierre bleuâtre qu'il montre... «Il paraît qu'elle possède des vertus propices aux comédiens», sourit-il, relevant avoir aussi souvent une pensée pour sa mère avant le début du spectacle. Une maman dont la disparition précoce aura douloureusement marqué l'enfance du Vaudois. Une souffrance filtrant entre ses mots alors que, interrogé sur sa définition du bonheur, il hésite... «C'est une notion difficile.» Fabian Ferrari préférera évoquer les moments qu'il savoure particulièrement, comme une balade en forêt, la lecture d'un bon texte, les échanges avec les autres... Ou encore toutes formes de réflexion lui inspirant de la sérénité. Un état auquel il aspire par-dessus tout, lui qui confie encore sa peur face à toutes formes de violence. «Le mot de la fin? Je le laisse à Louis Jouvet: "Le comédien vaut l'homme et tant vaut l'homme, tant vaut le comédienˮ.» A juger sur pièce...

Sonya Mermoud