Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

Assez d’hypocrisie!

L’inhumanité de l’Europe portée au grand jour. Il aura fallu un gigantesque incendie pour que le sort des réfugiés du camp de Moria, sur l’île grecque de Lesbos, secoue enfin l’opinion publique et quelques politiques. Depuis des années, les conditions de non-existence de ces êtres humains entassés dans ce camp étaient dénoncées par des ONG et par Médecins sans frontières. Organisation inquiète pour de très nombreux enfants, survivants de la misère ou des guerres, qui tentent de mettre fin à leurs jours. Des conditions terribles, où la faim, la soif, le froid mordant en hiver, la violence, le manque d’hygiène et d’accès aux soins apportaient leur lot de désespérance à des dizaines de milliers d’êtres humains, entassés dans un camp prévu pour 3000 personnes.

Une situation attisant la colère de ces réfugiés, amplifiée par le confinement strict imposé dès la mi-mars alors qu’aucun cas de coronavirus n’avait été détecté jusqu’à début septembre. Une situation explosive. L’étincelle d’une révolte, conjuguée à des attaques présumées de mouvements d’extrême-droite, a mis le feu à la poudrière. Dans la nuit du 8 au 9 septembre, le 80% du camp est parti en fumée. La nuit suivante, les flammes ont anéanti les quelques tentes et containers épargnés. Plus de 12500 personnes ont été jetées sur les chemins et collines alentours. Parmi elles, 4000 enfants. Des êtres humains dans l’attente du traitement de leur demande d’asile, parfois depuis de longs mois.

Il aura fallu des flammes dévastatrices pour que le monde réagisse aux cris de détresse lancés par ces réfugiés à qui l’Union européenne dénie tout droit, toute dignité. Et contre lesquels elle érige des murs, des barbelés, des camps mortifières et surpeuplés. Cette réaction est encore bien trop faible. Officiellement, seul l’accueil, par dix pays européens, dont la Suisse, de 400 mineurs non accompagnés a été annoncé. Vendredi passé, le Conseil fédéral confirmait qu’il accueillerait une vingtaine de ces enfants et jeunes en danger, tout en expliquant qu’«à ce stade, une répartition de l’ensemble des migrants de Moria n’est pas prioritaire au niveau de l’Union européenne»… Un aveu clair que les hotspots ne sont qu’illusion et que ces camps ne sont pas, comme il était prétendu, destinés à enregistrer les réfugiés pour les orienter ensuite vers un pays d’accueil, mais bien à les refouler ou à les jeter dans la clandestinité.  

A cette réaction timorée et hypocrite des gouvernements, s’oppose un réveil de villes prêtes à accueillir des migrants de Moria. En Allemagne, plus de 200 communes et plusieurs Länder l’ont fait savoir. En Suisse aussi, où, après Zurich, les villes de Berne, Lucerne, Genève, Lausanne ou encore Delémont se mobilisent. Elles appellent à la tenue d’une conférence nationale entre la Confédération, les cantons et les communes pour mettre en œuvre «un accueil immédiat». Comme le disent Genève et Lausanne dans leur communiqué: «La Suisse peut et doit faire plus.» C’est une évidence. Et c’est possible comme en témoigne l’Allemagne qui, il y a cinq ans, a ouvert ses frontières à 900000 réfugiés.

A l’heure où le Conseil fédéral se dit prêt à dépenser des milliards pour de nouveaux avions de combat, à l’heure où des villes et des citoyens s’engagent pour accueillir des migrants, le gouvernement doit prendre ses responsabilités. Et investir l’argent de son «aide humanitaire» – qui risque de participer à la reconstruction d’un nouveau camp, prometteur d’autres drames – dans l’accueil des réfugiés de Moria en Suisse. L’hypocrisie doit cesser. Et la solidarité s’imposer.