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«Ce label, c’est un non-respect des travailleurs!»

Manifestation devant Hilcona avec un panneau sur lequel on peut lire "destruction santé suisse".
© Neil Labrador

Lundi en début d’après-midi, des salariés d’Hilcona ont dénoncé, devant l’entreprise à Orbe, le label obtenu alors que leurs conditions de travail mettent à mal leur santé et leur sécurité.

Réputée pour ses mauvaises conditions de travail, Hilcona Gourmet SA a reçu un label de qualité de Promotion Santé Suisse. Lundi, des employés soutenus par Unia ont demandé son retrait

A l’heure du bouclage de L’Evénement syndical, lundi, les travailleuses et les travailleurs d’Hilcona à Orbe manifestaient devant leur usine, anonymement par peur des représailles, avant de se rendre au siège de Promotion Santé Suisse à Lausanne pour décerner leur prix «Harmful Work Space» (Espace de travail nocif), au nom de Destruction Santé Suisse, à leur employeur. Dans le cadre de ces deux actions, les employés ont demandé la reconnaissance des délégués syndicaux, la tenue immédiate de véritables négociations avec la délégation syndicale pour améliorer les conditions de travail et de vie des salariés et le retrait du label «Friendly Work Space» décerné par Promotion Santé Suisse à Hilcona, le 22 octobre dernier.

«Ce label, c’est un non-respect des travailleurs!» tempête Nicole Vassalli, secrétaire syndicale d’Unia. Une décision incompréhensible d’un organisme financé par les assurés au travers de leurs primes maladie, alors que règnent des conditions de travail «calamiteuses», selon le syndicat et les nombreux employés de l’usine alimentaire sise à Orbe qui produit sandwichs, pizzas, hamburgers… Le personnel de la société qui appartient au groupe Bell – filiale du groupe Coop – a dénoncé cette situation il y a une année déjà. Médiatisés, les mobilisations et les témoignages relatant des conditions de travail indignes ont eu un impact sur la direction, mais les conditions restent extrêmement difficiles pour les travailleuses et les travailleurs.

Jeudi 12 décembre, dans les locaux d’Unia à Yverdon, des employés témoignent de leurs difficultés. Ils auraient dû être quatre, mais ne sont plus que deux, pour cause de changements de planning. «Il y a des modifications une à deux fois par semaine maintenant. Avant c’était beaucoup plus», lance l’un des travailleurs présents. Si les horaires sont, depuis la mobilisation du personnel et du syndicat, donnés trois semaines à l’avance, les changements sont toujours possibles en fonction des commandes. «Avant, c’était impossible pour eux d’organiser leur vie. Depuis 2019, au niveau du personnel fixe, l’entreprise essaie de stabiliser les horaires, mais les temporaires, eux, continuent de vivre des modifications incessantes. Et tous les travailleurs ne savent jamais quand leur journée de travail se termine», résume Nicole Vassalli qui regrette que l’inspection du travail ait refusé de transmettre son dernier rapport au syndicat, malgré la demande écrite de ce dernier.

Maigres améliorations

«A la suite des actions de dénonciation, notamment de mobbing et d’abus de pouvoir, plusieurs chefs ont été licenciés. Depuis, nous avons un tout petit peu moins de stress. Mais dès que j’arrive au travail, je n’ai qu’une envie, c’est rentrer chez moi. On est pratiquement tous issus de la migration. Personne n’ose parler, par peur de perdre son emploi. Il arrive même que des gens se mettent en danger. Il est arrivé qu’un travail d’entretien à faire à trois soit mené par un seul employé, au péril de sa vie.» Les deux travailleurs estiment qu’il y a peut-être un peu moins d’accidents qu’avant. Mais les gestes répétitifs, les charges lourdes à porter, les horaires difficiles (l’usine tourne 24 heures sur 24), des températures qui peuvent friser les 2 degrés, et la pression des délais pèsent sur les corps et les têtes des travailleurs.

En cas d’arrêt maladie, les entretiens restent de mise. «Si tu tombes malade deux fois en l’espace de six mois, tu as droit à une rencontre avec les RH», explique un employé.

Autres griefs avancés: la sous-enchère salariale, alors que les revenus sont déjà très bas, des jours de congé et des vacances fixés unilatéralement par l’employeur et une inégalité persistante de traitement entre personnel fixe et personnel temporaire (statut qui peut durer des années), sans compter une pression antisyndicale. Au printemps dernier, une travailleuse temporaire payée 15,69 fr., et licenciée illégalement au cours de sa grossesse, a obtenu justice. Unia, dans un courrier adressé à Promotion Santé Suisse, indique que «de manière générale, le recours important au travail temporaire que pratique Hilcona ne nous semble pas conciliable avec les critères de la bonne gestion de la santé en entreprise ni à ceux de la responsabilité sociale tels qu’exposés dans les différents documents relatifs à votre label».

10 000 sandwichs par jour

«Je me suis dit: “C’est injuste!ˮ» relate une salariée de la production, en apprenant que son employeur Hilcona avait reçu un label de qualité de Promotion Santé Suisse. «A la suite des démarches d’Unia, il y a eu des changements, mais je continue à ne pas savoir exactement quand je vais terminer mon travail, car il faut finir la production. Prendre par exemple un rendez-vous chez l’ostéo ou le physio, c’est compliqué.» L’exemple qu’elle choisit éclaire une situation largement partagée, celle de travailleuses et de travailleurs dont le corps souffre. «Je suis en bonne santé, mais j’ai régulièrement mal au dos. Donc je préfère aller consulter pour éviter que ça empire. Je vois à quel point mes collègues plus âgées sont usées. Après avoir fait 10 000 sandwichs environ, dans le stress et avec des mouvements répétitifs très rapides, je rentre fatiguée physiquement et mentalement, pour un salaire vraiment bas.» Prévenir plutôt que guérir, estime celle qui a, depuis qu’elle a été engagée chez Hilcona, aussi dû prendre un congé pour éviter de justesse le burn-out.

Promotion Santé Suisse répond

Lundi matin, Promotion Santé Suisse nous répondait sur les raisons de l’octroi du label «Friendly Work Space» à Hilcona. Elle précise que «les critères évalués par le label se concentrent exclusivement sur les mesures prises par les entreprises sur une base volontaire. Ils ne concernent donc pas des éléments relevant du respect du cadre légal, car la fondation n’a pas pour mandat le contrôle de l’application des lois et des ordonnances relatives aux conditions de travail et à la prévention des accidents. Ce contrôle est de la responsabilité des inspections cantonales du travail.» La fondation poursuit en indiquant que le processus de certification, défini en accord avec le Seco, prévoit que l’entreprise labellisée «s’engage à respecter les normes légales». Cette dernière doit aussi informer Promotion Santé Suisse «en cas de procédure juridique concernant la gestion du personnel. Si l’entreprise est condamnée, le label peut lui être retiré». La fondation précise que, sur les 83 entreprises labellisées en dix ans, cela n’a jamais été le cas. Et de conclure: «Les faits dénoncés par le syndicat Unia nous sont parvenus par courrier le 13 décembre dernier et ont retenu toute notre attention. Comme le prévoit la procédure, nous avons transmis le courrier à l’entreprise Hilcona afin qu’ils nous fournissent rapidement des explications. Dans l’attente de leur réponse, nous ne sommes pas en mesure de nous prononcer sur ce cas précis.»

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