Depuis sa mise en ligne fin novembre, nous avons été des millions à tester ChatGPT, à nous étonner de voir ce générateur de textes aligner des phrases bien construites et des synthèses qui tiennent la route. Dans les professions intellectuelles, avouons-le, nous sommes nombreux aussi à avoir vérifié si le programme de la société californienne OpenAI, nourri de millions de textes, pouvait nous aider dans notre travail… Et cherché, par la même occasion, à savoir si l’intelligence artificielle (IA) est susceptible de prendre notre place dans un proche avenir.
«La menace technologique est réelle», prévient l’économiste Daniel Susskind. L’essai de ce professeur à Oxford et au King's College, Un monde sans travail, vient d’être publié en français aux Editions Flammarion et ça tombe à pic. Qu’on ne se méprenne pas: le travail ne va pas disparaître, mais il pourrait, en raison du recours à l’IA, aux robots et à l’automatisation, se raréfier. «Cessons de sous-estimer les machines», écrit le Britannique, elles «sont de plus en plus puissantes et accaparent des tâches jusqu’ici réservées aux hommes». Il faut donc s’attendre dans les décennies qui viennent à un «chômage technologique» de masse et ne pas trop espérer des nouveaux emplois créés. Une grande partie des tâches qu’elles laissent à la charge des humains sont, en effet, «synonymes d’emplois mal rémunérés, situés en bas de l’échelle». Que pense de tout ça ChatGPT? Je lui pose la question, réponse: «L’IA peut entraîner une réduction de la main-d'œuvre dans certains secteurs, une augmentation du chômage et une baisse des salaires pour les travailleurs qui conservent leur emploi.» Si même lui le dit! Les activités administratives et de support, de vente et de services à la clientèle, les métiers du secteur manufacturier ou encore les services financiers et juridiques sont menacés. Pour faire face, Daniel Susskind plaide pour une redistribution des richesses, le droit à un revenu, une revalorisation des emplois dans les soins, la santé, le social et l’éducation, ainsi que la mise au pas des Gafam.
Quelle doit être l’action des syndicats? Là encore, la réponse de ChatGPT n’est pas inintéressante: «Les syndicats jouent un rôle important», ils peuvent notamment «négocier des contrats collectifs de travail protecteurs», ainsi que «sensibiliser les décideurs politiques aux impacts négatifs de l'IA sur l'emploi et plaider en faveur de politiques qui protègent les travailleurs». C’est noté. Bon, maintenant, ChatGPT, pourrais-tu m’aider à terminer ce papier? «Alors que l’IA peut apporter des améliorations considérables à notre vie quotidienne, elle peut également avoir des conséquences dévastatrices pour les travailleurs. Les emplois sont menacés, les travailleurs sont exposés à la précarité et les conditions de travail se détériorent.» Pas mal, mais sois un peu plus positif et combatif pour conclure, S. T. P. «Ensemble, nous pouvons faire en sorte que l'IA soit un atout pour les travailleurs, pas une menace. Levez votre poing avec nous pour défendre nos emplois, nos droits et notre avenir!»