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Complices de la violence libyenne

La France prévoit de livrer six bateaux, gratuitement, aux gardes-côtes libyens pour faire face aux «problèmes de l’immigration clandestine», selon sa cheffe des armées. Si l’Hexagone, tout comme ses voisins, a pris l’habitude de fermer les yeux sur les violences inconcevables subies par les personnes migrantes dans cet Etat de non-droit, aujourd’hui elle encourage donc les pratiques barbares de la Libye en lui fournissant des moyens logistiques. Huit ONG – Amnesty International France, Médecins sans frontières, Asgi, Avocats sans frontières, Gisti, Cimade, Ligue des droits de l’homme, Migreurop – dénoncent une France «complice des atteintes commises». Pour cette raison et en invoquant la violation des embargos onusien et européen sur la livraison de matériel militaire à la Libye, elles ont saisi la justice le 26 avril pour demander la suspension de cette décision.

Ces ONG rappellent que les gardes-côtes libyens ont, à plusieurs reprises et délibérément, mis en danger la vie et la sécurité des personnes en détresse sur leurs embarcations d’infortune, en les repoussant à l’eau, en les menaçant de leurs armes, en tirant des coups de feu… Depuis deux ans, près de 30000 êtres humains ramenés en Libye ont été placés dans des centres de détention, indéfiniment et arbitrairement, sans accès à un avocat. Viols, tortures, famine et surpeuplement constituent leur enfer quotidien. Des enfants sont détenus dans les mêmes conditions sordides. Dans un rapport, l’ONU parle d’«horreurs inimaginables»: «Dans toute la Libye, des corps non identifiés de migrants et de réfugiés portant des blessures par balle, des marques de torture et des brûlures sont fréquemment découverts dans des poubelles, des lits de rivière asséchés, des fermes et le désert.»

Pendant ce temps, l’Union européenne continue d’externaliser le contrôle de ses frontières et de multiplier les entraves aux navires de sauvetage tels que l’Aquarius – le Gouvernement suisse n’a de surcroît pas voulu lui accorder un pavillon – ou le Sea Watch. L’Italie refuse l’accès à ses ports, Malte a mis sous séquestre un bateau. Et même l’Espagne qui avait ouvert le port de Barcelone au navire Open Arms, l’a ensuite bloqué pendant 100 jours. Le 25 avril, l’embarcation a enfin pu reprendre la mer pour amener du matériel humanitaire dans des camps de réfugiés en Grèce, mais avec l’obligation de n’effectuer aucune étape intermédiaire – en d’autres termes, avec l’interdiction de secourir des embarcations en détresse – sous peine d’une amende pouvant aller jusqu’à 900000 euros. Depuis 2014, au moins 18000 personnes sont mortes en Méditerranée, devenue cimetière marin; 2300 victimes rien qu’en 2018, dont la moitié près des côtes libyennes! Cette augmentation des naufrages est en corrélation directe avec la réduction des moyens de sauvetage voulue par l’UE, dès lors coupable de la mort d’enfants, de femmes et d’hommes qui ont préféré risquer leur vie en mer plutôt que de périr à petit feu en Libye.

SOS Méditerranée a lancé une campagne le 15 avril: «Soyez humains, sauvez des vies en mer et respectez le droit!»: sosmediterranee.ch