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Hold-up sur la démocratie

En 2000, l’Etat de Genève a été amené à voler au secours de sa banque cantonale (BCGE) au bord de la faillite à la suite d’investissements spéculatifs dans l’immobilier. Le canton a alors injecté 5 milliards de francs et repris les actifs douteux. Grâce à la revente de ceux-ci, il a pu récupérer par la suite 2,7 milliards. Mais 2,3 milliards sont restés à la charge des contribuables car, jusqu’à présent, la banque n’a remboursé que… 65 pauvres millions! La Banque cantonale vaudoise (BCV) a connu les mêmes déboires, mais a pourtant remboursé l’Etat de Vaud. Idem pour UBS, que la Confédération a sauvée en 2008 de la crise des subprimes. Cherchez l’erreur...

Ensemble à gauche a déposé en octobre dernier une initiative populaire proposant que la BCGE s’acquitte de sa dette, qui s’élève avec les intérêts à 3,2 milliards, sur une période de trente ans. Comme l’explique la formation politique, cet argent serait bien utile alors que les besoins de la population en prestations publiques augmentent. La direction de la BCGE est, de son côté, farouchement opposée à cette idée, qu’elle juge «inconstitutionnelle et inexécutable». «La banque a établi une position solide et documentée devant conduire à l'invalidation de cette initiative», a-t-elle indiqué dans un communiqué envoyé lors du dépôt de l’initiative. Cet argumentaire, consultable sur le site de l’établissement bancaire sous le titre «Une initiative pour rien», semble avoir bien inspiré le Conseil d’Etat, qui en février dernier a décidé d’invalider le texte. Le gouvernement genevois a pris cette fâcheuse habitude d’écarter les questions gênantes; en 2018, il a cassé entièrement ou partiellement quatre initiatives. Mais cette fois, il a fait très fort en écrivant pour se justifier que «l’électeur ne peut se rendre compte de la portée de l’initiative au moment d’exprimer son vote»… L’exécutif a au moins le mérite de l’honnêteté: il prend les citoyens pour des imbéciles sans s’en cacher.

La BCGE n’aurait pas les moyens de sortir 3,2 milliards sur trente ans, elle risquerait le surrendettement, voire la faillite, si l’on en croit sa direction et le Conseil d’Etat. Il est alors frappant d’apprendre que le directeur de l’institution, Blaise Goetschin, a vu son salaire augmenter de 10% en 2018 pour atteindre près de 1,8 million de francs par an. Une «maladroite générosité» dans ce contexte, a relevé Le Temps. Et même un abus de pouvoir, dans la mesure où la rémunération de la direction n’est pas soumise aux actionnaires. Contrairement à la BCV, dont le CEO par ailleurs touche 1,4 million pour diriger une banque deux fois plus grande que la BCGE. Une BCV qui, rappelons-le, n’a pas laissé une telle douloureuse aux contribuables. Mais on le sait bien, de bleu, les Genevois peinent à regarder plus loin que la Versoix... Ensemble à gauche a déposé un recours contre l’invalidation de son texte. Une longue bagarre juridique débute.