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«Je suis un homme de passions»

Portrait de David Perez, alias Sid, devant sa fresque de caissière.
© Thierry Porchet

Clin d’œil reconnaissant aux travailleurs œuvrant en première ligne dans le contexte de crise sanitaire actuel. David Perez, alias Sid, devant sa fresque de caissière.

Graffeur professionnel, David Perez, alias Sid, a choisi de rendre hommage aux personnes qui, dans le contexte de crise sanitaire actuel, œuvrent en première ligne. Un artiste au grand cœur

Le rendez-vous est fixé dans un passage souterrain au nord de la ville de Gland. Un espace où David Perez donne libre cours à son art avec l’accord de la municipalité. Sur un pan de mur, une infirmière et une caissière, protégées par un masque, évoquent la pandémie de coronavirus et leur difficile mission. Le regard grave, intense, elles interpellent les spectateurs. «J’ai voulu rendre hommage aux personnes œuvrant en première ligne dans cette crise sanitaire», explique le graffeur professionnel qui envisage, à travers de nouvelles fresques, de remercier encore d’autres catégories de travailleurs comme les éboueurs. «J’ai reçu de nombreux retours positifs», poursuit l’homme de 35 ans d’origines suisse et espagnole qui, à la suite d’un reportage effectué par une agence de presse mondiale, a vu son œuvre médiatisée dans une centaine de pays. «Cette démarche me paraissait pourtant naturelle», souligne l’artiste toujours incrédule face à cette flambée d’audience. Et d’expliquer que ses tableaux urbains, signés Sid – Suisse, ibérique et déterminé – lui permettent de faire passer des messages sociaux mais aussi écologiques. «La planète est fragile», soupire l’artiste, qui espère sensibiliser la population à la problématique et susciter des émotions. Aux côtés de kangourous – remémorant en filigrane les dramatiques feux de forêts en Australie – on peut ainsi admirer toute une série d’animaux témoignant de l’amour que l’artiste leur porte. Sans oublier des personnages de bandes dessinées.

A cause d’une araignée...

«Je peins beaucoup pour les enfants. Ils adorent», note, ravi, David Perez alors que des gosses, se promenant dans le coin, font halte pour le saluer et échanger quelques mots. Ces contacts réguliers, aussi avec des passants de tous âges, sont très appréciés de l’artiste. «Souvent les gens s’arrêtent pour discuter, me donner leur avis. Un atout quand on peint dans l’espace public.» Pour gagner sa vie, ce sympathique Vaudois réalise des graffitis, des tableaux, des logos, du body painting, etc., au gré des commandes d’entreprises et de privés. Sprays, pinceaux, stylos, aérographes... L’artiste recourt à toutes les techniques, lui qui s’adonne au dessin depuis son plus jeune âge. «Gamin, je passais des heures devant l’aquarium de mon oncle à recopier les poissons», sourit cet homme jovial qui n’a pourtant pas toujours exercé son art de manière professionnelle. «J’ai effectué un apprentissage de pâtissier, surtout parce que j’aimais la finesse, la précision des décorations. Et également par gourmandise.» David Perez travaillera une dizaine d’années dans les métiers de bouche avant d’être arrêté par... un insecte. «Il y a six ans environ, j’ai été piqué à la cheville par une araignée. J’ai fait une mauvaise réaction. La morsure a entraîné une infection. Je n’arrivais plus à rester des heures durant debout. Parallèlement, j’ai eu un début d’allergie à la farine. J’ai décidé d’entamer une reconversion professionnelle.»

Sur fond de rap

Le pâtissier, qui a réalisé ses premiers graffitis urbains en 2003, décide alors de se vouer à sa passion. Ses fréquentes virées dans la péninsule Ibérique l’incitent aussi à choisir cette voie. «A Malaga, où je vais chaque année visiter des membres de ma famille, cette pratique est très courante. J’ai vu des fresques exceptionnelles», note le binational qui a gardé un lien étroit avec sa seconde patrie. Et alors qu’il s’estime particulièrement chanceux de vivre dans nos frontières. «Bien qu’issu d’un milieu modeste, je n’ai jamais manqué de rien par rapport à la pauvreté sévissant en Espagne», souligne celui qui, tout jeune, s’est aussi lancé dans le rap «conscient». Et continue à écrire des textes et à chanter alors que des amis composent la musique. «Mes sources d’inspiration? La vie», répond le trentenaire également féru... de photographie. Autant d’expressions artistiques qui, affirme Sid, se nourrissent mutuellement. «Je suis un homme de passions. Mais s’il fallait en retenir une seule, ce serait quand même les graffitis qui font battre mon cœur», précise le touche-à-tout qui peut passer des heures à se balader en forêt, prêt à immortaliser la nature dans son objectif. Ou à réaliser des œuvres éphémères sur cellophane décorant notamment des arbres.

Pas de petits gestes

«Je dessine alors volontiers des animaux qu’on ne trouve pas chez nous avec l’idée de créer un effet de surprise. J’enlève ces supports une à deux semaines plus tard. Mais parfois, ils ont déjà été vandalisés par des promeneurs.» Pas de quoi toutefois le mettre en colère. Une émotion que ce natif des Gémeaux ne connaît guère, quand bien même il peut se montrer irrité par «la bêtise humaine» et certains choix politiques. Affilié à aucun parti, David Perez préfère s’en référer aux lois divines, lui qui se définit comme croyant. Et prône des valeurs de respect, d’amour et de paix non sans confier sa peur du futur. Entre destruction de la planète et extinction de masse des espèces: «Trop de mépris motivé par le seul profit. Le monde doit donc passer par la case catastrophe...» Un constat qui n’entame pas pour autant son optimisme et sa capacité à être heureux, estimant que le bonheur, «c’est vivre, partager, dialoguer avec toutes les générations et les cultures». Au chapitre de ses rêves, Sid aimerait décorer la façade d’un immeuble où il rendrait hommage à la beauté de l’existence. «Une fresque géante avec des humains et des animaux cohabitant en harmonie», imagine David Perez qui, questionné sur un de ses graffitis les plus marquants, reste sur cette même lignée: «L’an dernier j’ai été appelé à réaliser une fresque sur le thème des superhéros pour orner le mur d’un collège à El Provencio, un petit village au centre de l’Espagne. J’ai peint une petite fille portant secours à un écureuil blessé. Une manière de dire que nous pouvons tous être des superhéros. Il n’y a pas de petits gestes.»

Site de l'artiste: graffisid.com