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Laissons un juge derrière chaque flic

Un référendum a été lancé la semaine dernière contre la Loi sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme que le Parlement vient de mettre sous toit. La Jeunesse socialiste, les Jeunes Verts, les Jeunes Vert’libéraux et le Parti pirate, qui composent le comité, s’opposent à un texte qui permettra à l’Office fédéral de la police d’agir sur la seule base d’indices d’une potentielle dangerosité et ce sans contrôle judiciaire. La police fédérale aura les mains libres pour, entre autres, soumettre des individus n’ayant commis aucun acte pénalement répréhensible à des interrogatoires, les obliger à porter un bracelet électronique, à pointer à un poste de police, les confiner sur un périmètre déterminé ou encore les assigner à résidence. Si cette dernière disposition sera applicable dès l’âge de 15 ans, les autres concerneront aussi les jeunes à partir de 12 ans. Il s’agit d’une violation de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et vaut à notre pays, qui abrite à Genève le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, de sévères critiques de l’ONU. Ceux qui seront pris dans les mailles de la police pourront bien déposer un recours en justice, mais il n’aura pas d’effet suspensif et il faudra faire la preuve devant un tribunal que l’on n’est pas coupable alors que l’on n’est officiellement accusé de rien… Ce qui est pour le moins kafkaïen. Dans une lettre ouverte, une soixantaine de professeurs de droit ont tenté d’alerter les parlementaires: en détruisant la présomption d’innocence, la nouvelle loi sape l’Etat de droit. En vain. Une majorité du Parlement a choisi d’ouvrir la porte à l’arbitraire.

La menace terroriste à l’encontre de notre pays est-elle si forte qu’il faille restreindre nos libertés? Faut-il combattre le terrorisme par l’Etat de droit et la démocratie, ou par l’Etat d’exception et un régime policier? Le référendum, s’il aboutit, aura le mérite de porter le débat sur la place publique.

Dans un pays qui a surveillé et fiché des centaines de milliers de ses citoyens durant des décennies, il y a de quoi être méfiant. Surtout que la définition du terrorisme donnée par la nouvelle loi entretient le flou: «On entend les actions destinées à influencer ou à modifier l’ordre étatique et susceptibles d’être réalisées ou favorisées par des infractions graves ou la menace de telles infractions ou par la propagation de la crainte.» On nous dit que ce sont les apprentis terroristes islamistes qui sont visés, mais il ne sera guère difficile, avec une telle base légale, de prendre des mesures à l’égard de tous ceux qui cherchent effectivement à «modifier l’ordre étatique», qu’ils soient militants de gauche, pour le climat ou syndicalistes. Avec cette loi des suspects, le pouvoir helvétique semble renouer avec ses vieux démons. Restons prudents, signons ce référendum afin de laisser un juge garder un œil sur chaque flic.