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Le bonheur c'est la simplicité

Projecteur sur le parcours d'exception de Jean-Claude Rudaz

Pilote d'avion à la retraite, ancien champion de courses automobiles, œnologue diplômé et aujourd'hui apprenti: projecteur sur le parcours d'exception de Jean-Claude Rudaz

Sa vie ressemble à un roman. Avec tous les ressorts qui rendent une existence passionnante, faite de défis, de courage, de situations rocambolesques, d'adrénaline, d'échecs et de succès. Un parcours qui a conduit le pilote d'avion Jean-Claude Rudaz, 75 ans, à effectuer plusieurs fois le tour du monde. A se frotter à différentes cultures et mentalités. A s'émouvoir devant la beauté de paysages africains, de fabuleuses aurores boréales ou de sublimes tableaux contemplés aux Pays du Matin calme. A tutoyer les étoiles dans la solitude de son cockpit. A côtoyer des stars comme un Gérard Depardieu ou un Philippe Noiret transporté lors du tournage en Mauritanie du film Fort Saganne. A régater, jeune, avec les plus grands sur des circuits automobiles. Avant de prendre sa retraite dans son Valais natal, aussi cher à son cœur, donnant raison à un de ses derniers employeurs qui disait: «chaque oiseau retourne un jour dans son nid».

Virage congolais
L'histoire de Jean-Claude Rudaz, marié à Paulette, débute à la Grande Dixence, où il voit le jour un 23 juillet 1942. «Un coin reculé, désert, sans route ni médecin, à 2200 mètres d'altitude», relate l'homme persuadé que cet environnement particulier aura influé sur sa destinée. Et, déjà déterminé, jeune, à suivre la route qu'il a choisie. Pressenti pour reprendre le commerce de vins familial, l'œnologue diplômé d'alors lui préfère l'ivresse des circuits automobiles. Jean-Claude vend l'affaire pour se lancer dans des compétitions internationales qui l'amèneront plusieurs fois sur les plus hautes marches du podium, en particulier dans les courses de côte. «J'aimais l'idée de déplacement, la vitesse», relève l'ancien champion dont la carrière va toutefois s'interrompre brusquement suite à un accident. Son bolide détruit, le Valaisan est ruiné. Et disparaît des unes des médias. «Certaines personnes changeaient de trottoir en m'apercevant», se souvient le coureur qui prend alors un virage radical et part pour le Congo, à la période où les Blancs préfèrent plutôt quitter ce pays, en pleine révolution. «Pourquoi cette destination? C'est l'énigme de ma vie», sourit l'aventurier qui, dans l'intervalle, a effectué une licence privée de pilote au côté d'un certain Hermann Geiger.

Otage de mercenaires
Au Congo, Jean-Claude Rudaz commence par travailler comme mécanicien dans une entreprise de transport routier et continue à se former dans un aéro-club. Persévérance payante: une compagnie de génie civil l'engage pour effectuer des vols. «J'ai toujours eu de la chance avec les patrons», relève le Valaisan, yeux azur et prestance naturelle, avant de relater un événement qui restera à jamais gravé dans sa mémoire. Le 7 juillet 1965, le pilote est pris en otage à Kisangani par des mercenaires en rébellion contre Mobutu. Il est contraint à amener leur chef et d'autres de ses compagnons d'armes, blessés, en Rhodésie. Pluie de tirs. Navigation de nuit dangereuse. L'avion finit par poser à Kariba, le réservoir quasi vide... C'était moins une ou presque. Jean-Claude Rudaz passera ensuite par la case prison avant d'être rapatrié. Pas de quoi décourager l'intrépide à revenir dans ce pays qu'il chérit et où il deviendra pilote de brousse durant cinq ans pour Air Congo. «Une belle période de ma vie. Le Congo m'a donné ma chance», résume le septuagénaire qui écrira aussi un chapitre capital de sa carrière dans nos frontières, créant la compagnie d'avions-cargo Transvalair active durant sept ans. A cette époque, il effectue également deux missions au Tchad pour le CICR. Un autre temps fort dans l'album des souvenirs que dévoile Jean-Claude Rudaz, à son domicile sédunois, avec cette humilité qui rend sa personnalité si attachante. Et laissant sourdre, au cours de son récit, d'autres traits de son caractère comme la rigueur, l'importance de la parole donnée, la détermination, le courage, l'intuition, la discrétion et parfois aussi un brin d'autorité...

Du pilote à l'apprenti
«L'ONG m'a demandé d'acheminer de la nourriture et de ramener des femmes et des enfants qui avaient été fait prisonniers au nord du pays.» Bondé, le DC4 accueillera plus d'une centaine de détenus dont, juste avant le décollage, in extremis, encore un bébé. «Une femme a couru sur la piste et demandé qu'on amène aussi son enfant» raconte, ému, Jean-Claude Rudaz plus ébranlé par ce souvenir que par la dangerosité de l'expédition.
L'aviateur travaillera ensuite pour la compagnie de charters TEA avant d'être engagé par Asiana Airlines où il sera promu commandant de Boeing 747-400. «Jamais je n'avais rêvé de cette possibilité... Le plus bel avion du monde» lance celui qui garde de cette page coréenne de lumineux souvenirs, séduit aussi par la mentalité des gens du pays présentant, affirme-t-il, des similarités avec les Valaisans. Le pigeon voyageur terminera ses ascensions en travaillant encore 16 années durant pour un jet d'affaires, jusqu'à l'âge de 74 ans.
Aujourd'hui, Jean-Claude Rudaz se présente comme un apprenti - titre figurant sur sa carte de visite. «Je me forme en mécanique, dans mon atelier et j'apprends aussi à vivre, en société, à la maison.» Une feuille de route à la portée de cet homme solitaire qui a effectué 24000 heures de vol en maintenant le cap sur la simplicité synonyme, pour lui, de bonheur. La marque des belles âmes...

Sonya Mermoud