Niché à la rue de Montbrillant, derrière la gare, le restaurant du Reculet a été sous les projecteurs des médias début octobre. Son exploitant, la société Sefinvest, occupe les lieux sans l’autorisation du propriétaire, la Ville de Genève. En outre, les employés ne seraient pas payés régulièrement ni déclarés aux assurances sociales, avait dénoncé l’Association romande des travailleurs (ART), une nouvelle organisation syndicale, qui défend quatre travailleurs réclamant près de 40000 francs de salaires impayés.
La semaine dernière, l’administrateur de Sefinvest a de nouveau été épinglé, cette fois par Unia. «En juin, trois anciens employés d’un stand de nourriture en sous-traitance à Manor ont pris contact avec le syndicat parce qu’ils ne disposaient pas des documents leur permettant de s’inscrire au chômage. Ils avaient, en outre, été payés en dessous du salaire minimum», raconte Camila Aros, secrétaire syndicale d’Unia Genève. Unia est d’abord intervenu pour obtenir les justificatifs pour la caisse de chômage, puis, cela fait, le syndicat a tenté de récupérer les salaires manquants. «Nous avons découvert que nous avions déjà eu affaire par le passé à cet employeur. En 2019, il était déjà l’administrateur d’une société sous-traitante de Manor, le Palais des Lys. Nous l’avions dénoncé pour détournements de cotisations sociales, paiement partiel des salaires et usure. Il s’était alors placé en faillite, laissant des centaines de milliers de francs impayés aux travailleurs. Dans cette nouvelle affaire, il a nié toute responsabilité. C’est pourtant lui qui a fait signer les contrats de travail et c’est lui encore qui livrait tous les matins la marchandise sur le parking de Manor.»
Manor entretient des rapports commerciaux avec la Sàrl Heping Group Saveurs Orientales et c’est cette raison sociale qui apparaît sur les fiches de salaire. Heping Group serait-elle une société écran permettant de poursuivre la collaboration avec Manor? La Sàrl est bizarrement domiciliée dans le même immeuble que le Reculet. Peut-être une coïncidence. Contacté par L’Evénement syndical, l’administrateur de Sefinvest, Omar Goumba, n’a pas répondu à notre invitation à présenter sa version des faits. «Le syndicat dit des mensonges, je n’ai rien à voir avec cette histoire», a-t-il déclaré à 20 Minutes.
500 francs pour un mois de travail
«Nous nous sommes alors tournés vers la direction de Manor, qui a fait pression, poursuit Camila Aros. Les trois travailleurs ont pu obtenir les salaires manquants, des sommes de l’ordre de 1600 à 1700 francs. Ils étaient très heureux de ce résultat, pendant plusieurs mois, les espoirs étaient assez minces, mais heureusement, Manor a joué le jeu. L’entreprise nous a informés qu’une communication avait été faite aux sous-traitants pour leur rappeler qu’ils sont tenus de respecter le salaire minimum. Reste que l’un des trois travailleurs avait au préalable été engagé par ce patron peu scrupuleux au Reculet. Il n’a touché que 500 francs pour tout un mois de travail dans ce restaurant avant de passer chez Manor. Dans ce cas, nous n’avons pas pu encore récupérer le salaire manquant.»
Même topo pour les autres ex-employés du Reculet. «L’administrateur de Sefinvest n’a jamais répondu à nos courriers et n’a pas cherché avec nous une solution pour les quatre travailleurs que nous défendons. Comme il fait le mort, nous avons déposé des requêtes auprès des Prud’hommes. Nos dossiers sont solides», indique Laurent Tettamanti, secrétaire syndical de l’ART. «Nous sommes par ailleurs en contact avec un autre travailleur qui se dit victime de Sefinvest. Mais comme il était employé dans une boucherie de l’autre côté de la frontière, nous n’avons pour l’heure pas pu faire grand-chose pour lui. Il semble que M. Goumba engage surtout des personnes migrantes en leur promettant de faire des démarches pour régulariser leur situation. Il leur donne un premier acompte sur salaire et, ensuite, ne les paie plus. C’est plutôt violent comme business plan!»