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Le punk du commerce équitable

Fondateur de la boutique Art-Henia à Lausanne Gonzalo Amaya s'est toujours laissé guider par les voyages

«Qui vivra verra» pourrait être son credo. Gonzalo Amaya n'a jamais fait de plan de carrière. Sa vie se résume à une succession de rencontres, d'échanges et d'opportunités qu'il a su saisir, ici ou là-bas. «Je ne suis pas "butiste", je vis au jour le jour et je fais les choses avec le cœur.» Sa boutique de commerce équitable, Art-Henia, voit le jour en 2001 dans un squat du quartier du Rôtillon à Lausanne. «J'ai commencé sur une table et, petit à petit, je me suis agrandi.» Après une période d'errance, la boutique s'installe en 2003 à la rue Pré-du-Marché. «J'ai tout de suite voulu créer un vrai circuit commercial éthique et solidaire. Pour moi, le commerce équitable doit permettre de vivre ici et là-bas: le bénévolat n'est pas la solution.» Autre particularité du magasin, Gonzalo Amaya est lui-même à l'origine des structures éthiques à l'étranger qui sont devenues ses partenaires. «Le but est de créer une entité autonome: on monte la chaîne de production, on crée des ateliers, on forme les gens sur place, souvent des jeunes en difficulté et, au final, on devient les clients de l'atelier qu'on a monté.» Aujourd'hui, Gonzalo Amaya travaille en lien direct avec cinq ateliers au Népal, en Inde, au Pérou, au Mexique et en Thaïlande qui fournissent 50% de la marchandise de son magasin: des vêtements, un peu d'artisanat, de la laine ou encore du café. Le reste de l'assortiment est composé de produits artisanaux de proximité ou issus du commerce équitable «traditionnel». «Ils ont tout pour réussir: la matière première et le savoir-faire, il suffit de les aider à se lancer.» Quatre à cinq mois par an, il leur rend visite. Une façon d'assouvir son besoin de voyager.

Citoyen du monde
Car tout a commencé par là, les voyages. Gonzalo Amaya est né au Chili il y a 47 ans, à Limache. A 13 ans, il débarque avec ses deux frères et ses parents en Suisse, réfugiés politiques fuyant la dictature. «Je me suis adapté assez rapidement.» Après trois ans d'école obligatoire, il veut devenir infirmier, mais en tant que fils de requérants d'asile, les portes des études supérieures lui resteront fermées. A 17 ans, le «curieux de la famille» part pour son premier voyage, et ne s'arrêtera plus jamais. «Je suis retourné au Chili pour la première fois, je devais partir deux mois, et puis le séjour s'est prolongé, j'ai voyagé dans toute l'Amérique latine.» A cette époque, Gonzalo Amaya participe à des projets associatifs et durables, notamment dans des orphelinats. Il fait des rencontres incroyables, part au contact des groupes ethniques, se laisse aller aux découvertes et repère déjà le potentiel de son futur projet. Vers 22 ans, il suit une formation en Suisse dans les magasins de chaussures Pompes Funèbres, tout en continuant à voyager. Et en 2000, il décide de se lancer. «J'avais 600 francs en poche, j'ai recontacté tous les gens que j'avais rencontrés au fil de mes aventures. Ils m'ont fait confiance et m'ont permis de démarrer.» Gonzalo Amaya n'a jamais rien programmé, et pourtant, c'est du solide. Certains projets durent depuis treize ans. Quant à ses partenaires, à l'image de ses quatre collègues au magasin lausannois, ce sont devenus des amis. «A la boutique, chacun a ses tâches et fonctionne en totale autonomie, et nous avons tous le même salaire.»

Touche-à-tout
Grand baroudeur, Gonzalo Amaya se passionne aussi très tôt pour l'art et l'artisanat, étroitement liés. «L'artisanat est très identitaire, et c'est aussi un savoir-faire qui se perd à cause de l'industrialisation.» Fan absolu d'art africain, il a fait de son chez-lui un musée d'art premier. Touche-à-tout, Gonzalo Amaya aime peindre, bricoler, rénover. C'est lui qui a conçu Art-Henia, un endroit coloré à l'accueil chaleureux où l'on se sent comme à la maison. C'est aussi un amateur de théâtre, de festivals et de musique. Et de ses voyages, il a ramené une formation de masseur, discipline qu'il exerce depuis moins d'un an. Vous l'aurez saisi, avec lui, il faut que ça bouge tout le temps. «Je suis un hyperactif.» Et si les voyages font partie de lui, revenir en Suisse, à la maison, auprès de son fils de 17 ans, est aussi source de joie. «Je suis chez moi ici. J'ai fait la demande de naturalisation. La Suisse est un merveilleux concentré du XXIe siècle, avec un brassage de nationalités inédit.»
Aujourd'hui, plusieurs défis se posent pour Gonzalo Amaya. D'abord, la reprise d'une école de 260 élèves en Inde où, au-delà de l'atelier, va se mettre en place un projet global social et culturel avec une structure théâtrale. «J'aime travailler avec les enfants, j'ai un côté gosse, le feeling passe bien avec eux.» Un retour en Afrique est également en préparation. Et puis continuer à faire ce qu'il aime. «Les lignes sont en train de bouger. Il y a une sensibilité de plus en plus grande pour le bio et le local, notamment chez les jeunes. Je suis très optimiste. Il n'y a pas de mystère, la clé, c'est la consommation. Il faut apprendre à mieux consommer.»


Manon Todesco

Art-Henia
Rue Pré-du-Marché 13, 1004 Lausanne
http://arthenia.info/wordpress4/
Tout ce qui se trouve au rayon épicerie peut également être consommé à La Cuisine, petit troquet bio et vegan attenant à la boutique.