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L’émerveillement sur le chemin

Portrait de Jean-Denis Borel.
© Thierry Porchet

Les activités plurielles de Jean-Denis Borel forment une mosaïque colorée avec, pour dénominateur commun, une quête de liens.

Réalisateur audiovisuel, kinésiologue et boulanger: trois activités qui permettent à Jean-Denis Borel de mettre du cœur dans sa vie

Si la plupart des personnes se définissent généralement par leur profession, Jean-Denis Borel préfère évoquer les activités qui l’épanouissent. Qui le font vibrer. Et sa nature, curieuse, comme sa quête de sens l’ont amené à explorer différents domaines. Réalisateur audiovisuel, ce Vaudois de 41 ans, diplômé en sciences sociales, a participé à la création d’émissions pour la RTS. Aujourd’hui, il continue de remplir des mandats ponctuels pour l’Université de Lausanne dans cette discipline, mettant en forme des modules d’enseignement à distance. De quoi faire bouillir la marmite et payer les factures. L’homme s’est aussi parallèlement formé à l’aromathérapie à Monthey. Une démarche entreprise, précise-t-il, après avoir passé six mois devant un ordinateur pour monter un documentaire sur un échange musical entre une chorale de Lutry et une du Bénin. Nouveau projet, nouveau coup de cœur: «J’ai alors découvert la richesse olfactive du monde végétal propre à ouvrir des portes sensorielles. Des symphonies pour le nez», affirme le quadragénaire tout en soulignant les vertus thérapeutiques des huiles essentielles. De fil en aiguille, Jean-Denis Borel se tourne vers la kinésiologie. Au terme d’un cursus de cinq ans, de 2011 à 2016, il devient instructeur certifié en Santé par le toucher. Et signale «les outils fabuleux» qu’offre cette approche holistique prenant en compte le patient dans son environnement, son monde intérieur, ses émotions... «Cet apport m’a permis de répondre à des questions essentielles», affirme le praticien qui refuse toutefois de prodiguer des soins à la chaîne. D’autant plus que, entre-temps, le touche-à-tout a encore appris à faire... du pain. Bien plus qu’un hobby.

«Le pain me fait vibrer»

«En 2013, je vivais dans une vieille ferme à Palézieux avec d’autres personnes. L’une d’entre elles possédait un fascicule expliquant comment faire son pain au levain. J’ai essayé.» Une expérience «magique». Fasciné, Jean-Denis Borel commence à cuire du pain pour la maisonnée, puis pour des amis, avant d’élargir encore le cercle des bénéficiaires. «Aujourd’hui, je mets la main à la pâte une fois par semaine. Le pain me fait vibrer», précise le boulanger autodidacte qui peut s’appuyer sur une clientèle fidèle pour couvrir ses frais. Alors qu’il organise également des stages sur la fabrication des miches, dans un souci de promotion d’une «alimentation saine et respectueuse». Même souci de transmission en matière de kinésiologie qu’il enseigne aussi. «Je ressens le besoin de communiquer mes émerveillements tout en invitant chacun à trouver les siens.» Autant de pièces d’un puzzle qui dessinent le quotidien de Jean-Denis Borel formant une image cohérente... «Leur association est complémentaire. Je recherche l’authenticité. Le moyen de me connecter au Vivant, avec un grand V. Toutes ces activités visent à créer du lien. Un lien à soi, aux autres, à la nature. Toutes sont des chemins pour mettre du cœur dans l’existence. De la chaleur dans une société plutôt froide.»

Révolte créative

La dimension du collectif occupe une place majeure dans la trajectoire du Vaudois qui insiste encore sur l’importance du mot «ensemble». Et rêve de pouvoir contribuer à créer un monde comprenant une multitude «d’îlots de résilience» basés sur le partage, les relations humaines. Une vision à laquelle n’est certes pas étrangère la disparition de ses parents alors qu’il était enfant. «Je suis entré dans la vie avec un sens aigu de la perte», confie celui qui, avec sa sœur cadette, partira vivre avec des cousins en Valais avant de suivre l’université à Lausanne. «Violent. Il m’a fallu métaboliser tout ça...»

Attentif aux autres comme à «mettre du beau dans sa vie», l’orphelin n’en dresse pas moins des constats sévères sur notre monde. «Bien sûr, il y aurait de nombreuses raisons de désespérer. La crise climatique, la dureté du monde professionnel, les jobs dénués de sens, les exigences d’une société pour le moins stressante... Je ressens très fortement cette situation. Elle me révolte et me pousse, justement, à réagir. A ne pas céder au défaitisme», note cet optimiste pragmatique associant l’enfer à l’isolement qu’il distingue clairement de la solitude, susceptible d’être ressourçante. Comme la méditation, qu’il pratique. Dans cet ordre d’esprit, on ne s’étonne pas du mode de logement choisi par Jean-Denis Borel, habitant dans une coopérative à Corcelles-sur-Chavornay. Un espace à proximité de la campagne dans laquelle le marcheur aime s’immerger, aussi avec son appareil photo, concrétisant alors son regard contemplatif.

Se sentir complet

«Ce qui m’irrite ou plutôt m’attriste? Notre déconnexion à la nature, à nous-mêmes, à nos sensations, à nos semblables. Malsain», poursuit ce touche-à-tout sensible qui, à travers ses différents métiers, s’est justement forgé une vie visant à contrer cette situation. Un parcours qu’il n’imagine pas sans dimension spirituelle. «J’ai besoin de cette profondeur, d’intégrer du sacré dans le quotidien. Qu’il s’exprime dans le chêne géant croissant dans le jardin ou dans un pain gonflant dans le four.» Questionné sur sa définition du bonheur, cet homme posé, yeux bleus rêveurs, réfléchit quelques instants, une tasse de thé fumé à la main... «C’est se sentir complet», finit-il par répondre. Un état auquel il tend, accède et qui, parfois, se dérobe. «Je suis en marche. Debout. Sur mes deux pieds. Dans une dynamique et un jeu d’équilibrisme constants», précise Jean-Denis Borel qui associe un jour sans pain à une journée où il ne serait pas parvenu à percevoir de la beauté. A se sentir vivant. Une journée sans levain...