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Les femmes mettent la pression

manifestation 14 juin gare neuchâtel
© Neil Labrador

Le 14 juin, des milliers de femmes se sont réunies dans toute la Suisse pour protester contre l’inégalité salariale. La mobilisation ne fait que commencer…

De Genève à Zurich, en passant par Berne, Lausanne, Neuchâtel et Delémont, des milliers de femmes se sont mobilisées le 14 juin dernier en faveur de l’égalité salariale, vingt-sept ans après la célèbre grève des femmes qui paralysait le pays et trente-sept ans après l’introduction du principe d’égalité dans la Constitution fédérale. Stands d’information, tractages, pique-nique, débats, actions symboliques ou encore cortèges, les syndicats – dont Unia – et les organisations de femmes ont mis le paquet pour faire entendre leurs revendications.

Alors que le 14 juin marquait aussi le coup d’envoi de la Coupe du monde de football, les femmes ont sifflé l’arrêt de jeu. Dans le Jura, Unia a symboliquement remis au directeur de la Chambre du commerce et d’industrie un ballon découpé. «Les inégalités salariales sont un mauvais tacle aux femmes, méritant un carton rouge! Un écart salarial situé entre 15 et 20% est tout aussi absurde que de vouloir jouer un match avec un ballon dégonflé.»

A Genève, les femmes des syndicats de la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) ont distribué des cartons rouges aux abords de la fan zone de Plainpalais et adressé une lettre aux parlementaires genevois à l’Assemblée fédérale pour les enjoindre à défendre comme il se doit les droits des femmes. Pour rappel, le Parlement débat actuellement d’une révision de la Loi sur l’égalité et le Conseil des Etats a refusé d’entrer en matière sur un contrôle systématique de toutes les entreprises, une correction obligatoire des salaires discriminatoires et des sanctions pour les employeurs en cas d’infraction. «Personne n’accepterait aujourd’hui que les entreprises reconnues coupables de violation de la Loi sur le travail aient simplement à en informer leurs employés, s’indigne Audrey Schmid, du syndicat Unia. Cela doit être la même chose pour la Loi sur l’égalité!»

10 milliards envolés

Ce 14 juin est l’occasion de répéter, encore et toujours, que l’inégalité salariale entre femmes et hommes est une réalité, dans le monde mais aussi en Suisse. Selon Eurostat, cette différence serait de 17%, au-dessus de la moyenne de l’Union européenne. Chaque année, les femmes se font voler près de 10 milliards de francs de revenu, soit 303 000 francs en moyenne au cours d’une vie professionnelle. Ces montants échappent également aux assurances sociales, ce qui génère un plus grand risque de pauvreté chez les femmes, notamment au moment de la retraite. Deux cinquièmes de ces 17% sont purement de la discrimination salariale puisqu’ils ne s’expliquent pas par des facteurs objectifs tels que la différence de formation, la position hiérarchique ou encore les profils de tâches. L’Union syndicale suisse (USS) relève également d’autres raisons à ces écarts de salaire: la parentalité et l’environnement social sont déterminants. «Plus l’activité professionnelle des mères est acceptée par la société et meilleure et plus abordable est l’offre de structures d’accueil extrafamilial des enfants, moins le “malus de maternitéˮ, les désavantages entraînés par cette dernière, sont importants. C’est pourquoi l’USS s’engage pour que l’offre de telles structures soit développée et que le travail non rémunéré soit mieux réparti entre les sexes.»

Une campagne, une manif et une grève

Afin de sensibiliser la population à la question de l’égalité salariale, l’USS porte le débat dans les bistrots avec une campagne ayant pour slogan: «Egalité salariale: mettons la pression!» Lors de la journée d’action du 14 juin, la «bière de l’égalité» brassée par la brasserie vaudoise La Nébuleuse était vendue pendant les manifestations organisées, et elle est, dès à présent, servie dans certains restaurants et bars de Lausanne, Genève, Aarau, Bâle, Berne, Lucerne et Zurich.

Les femmes ne s’arrêtent pas là. Une grande manifestation nationale «Pour l’égalité salariale et contre les discriminations sexistes» aura lieu à Berne le 22 septembre prochain. Et pour dépasser la seule question de l’égalité salariale et remettre largement en cause le sexisme de nos sociétés, un mouvement de plus grande ampleur sera nécessaire selon la CGAS. C’est pour cela qu’une journée d’action et de grève aura lieu le 14 juin 2019. «Le 14 juin 1991, les femmes s’étaient mobilisées sous le slogan ‘Mieux qu’un rêve, une grève’. En 2019, on ne rêve plus, on grève!» conclut Anne Michel, du Syndicat des services publics à Genève. K

Plus d’infos sur fb.me/mettons-la-pression et sur www.mettons-la-pression.ch

 

Palme d’or de la discrimination salariale…contestée

palme de l'inégalité salariale

Unia région Neuchâtel a remis une palme d’or de l’inégalité salariale à l’entreprise Melet Schlœsing Pharmaceuticals SA à La Chaux-de-Fonds. L’entreprise pharmaceutique, en place depuis près de vingt ans dans la zone, a engagé un couple d’opérateurs polyvalents rémunérant monsieur à hauteur de 3000 francs brut par mois à plein temps, et madame à 1000 francs brut pour un mi-temps. Pour Unia, l’entreprise a violé le principe de l’égalité salariale (- 33.33 %), l’interdiction de sous-enchère salariale (- 48 % environ) ainsi que le salaire minimum légal neuchâtelois (jusqu’à - 41,65 %) pour la période travaillée depuis l’entrée en vigueur du salaire minimum neuchâtelois en août 2017. «Le cas va être dénoncé à la Commission tripartite neuchâteloise de l’observation du marché du travail, précise Isabel Amián, secrétaire syndicale au groupe d’intérêts femmes. Nous porterons également l’affaire devant le Tribunal des prud’hommes pour demander un rétroactif salarial cumulé de 11 042,60 francs. Pour Unia, c’est un cas d’école qui prouve aux parlementaires bourgeois que des contrôles automatiques dans toutes les entreprises, et des sanctions pour ceux qui ne jouent pas le jeu, sont indispensables. »

Contactée par nos soins, l’entreprise ne nie pas les salaires versés mais livre une toute autre version. «José (prénom d’emprunt) était dans une situation financière compliquée et il avait besoin de travailler, raconte François Melet, patron français du groupe de passage en Suisse ces derniers jours. Comme nous avions éventuellement besoin d’une personne en plus, je l’ai moi-même embauché, chose que je ne fais jamais, fin 2016.» José est payé 3000 francs pour son mois d’essai, puis est augmenté à 4000 francs. «Au bout de quelques semaines, José me dit qu’il est marié, que sa femme déprime seule à la maison, et me demande de l’embaucher.» Ne parlant pas français, l’administrateur refuse dans un premier temps. «José était prêt à tout pour avoir sa femme à ses côtés et il m’a prié de bien vouloir baisser son salaire à 3000 francs et de l’embaucher elle à 1000 francs par mois avec un contrat flottant à mi-temps étalé sur six mois. La condition était qu’elle vienne travailler quand elle voulait.» Après avoir donné son feu vert de principe, la fiduciaire qui gère les contrats « met sur pied un montage », « à la demande de José ». Tout le monde est content et l’arrangement ne coûte pas plus cher à la société. L’épouse de José, « qui n’est finalement pas venue souvent travailler », finira par faire un burn-out. «J’ai agi par sentimentalisme en voulant aider ce couple, mais on ne m’y reprendra plus», regrette François Melet, qui assure que tous les autres collaborateurs sont correctement payés et que les postes clés de son groupe sont principalement aux mains de femmes. «Pour moi, cette palme est une insulte. »

Selon Isabel Amián, non seulement les propos de François Melet sont faux, mais en plus, cela ne change rien: les salaires versés ne respectant pas les usages, ils restent illégaux. Aujourd’hui, le couple a quitté l’entreprise. MT

 

 

 

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