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Les jeunes se désintéressent de la politique

Entre fake news et crise des médias

Moins d’un jeune sur deux se captive pour la politique suisse. Un désamour en progression depuis 2014 où ils étaient encore 56% à manifester leur intérêt pour la question. Une régression mise en lumière dans l’étude, troisième du genre, commandée par la Fédération suisse du Parlement des jeunes et  publiée le 9 avril dernier. Réalisé par l’institut gfs.bern, le sondage a été effectué en octobre et novembre passés auprès de 1277 élèves âgés en moyenne de 18 ans. Si les sujets helvétiques n’ont guère passionné la population cible, les événements internationaux ont en revanche bénéficié de davantage d’audience. Du moins ponctuellement. Avec un pic lors de la campagne présidentielle américaine et l’ahurissante ascension de Donald Trump. Un trublion antisystème d’autant plus intriguant que personne, en début de course, n’aurait misé un kopeck sur son élection. Quoique, libellé dans cette monnaie... Mais des figures comme un Erdogan et un Macron ont aussi, selon l’analyse, retenu l’attention des jeunes Suisses. Les profils forts et atypiques de ces trois personnalités, la virulence des polémiques, les charges émotionnelles comme le facteur de proximité avec le candidat français et l’avancée lepéniste expliquent l’intérêt suscité. «Parenthèses» qui n’auront toutefois suffi à maintenir le soufflet auprès de la nouvelle génération d’adultes qui cite néanmoins encore parmi les thématiques ayant compté pour elle celles relatives aux réfugiés et étrangers. Rien d’étonnant, ces questions même hors actualité étant constamment poussées sur le devant de la scène par un certain parti ne manquant pas, à défaut d’arguments, de moyens...

Si l’école était par le passé mentionnée comme le principal lieu d’information, l’enquête révèle qu’elle connaît un net recul. Autant dire que l’institution doit revoir sa copie et améliorer clairement l’offre en la matière. Un impératif sur lequel elle ne saurait faire l’impasse, la formation à la citoyenneté et le suivi de débats sociétaux jouant un rôle clef dans le devenir des jeunes et leur participation aux votations. Comme dans l’éducation aux médias et le décryptage indispensable des campagnes d’affichage des partis, ces dernières demeurant une source d’information des sondés, toutefois loin derrière celle parentale...

Autre conclusion importante de l’étude: non seulement les jeunes tendent moins à élargir leurs connaissances sur les questions politiques mais ils se montrent toujours plus sceptiques face aux médias traditionnels. Selon l’enquête, seuls 17% des sondés leur accordent encore crédit. Les journalistes arrivent ainsi en fin de liste des sources jugées fiables. Derrière les patrons et les politiciens. A l’exception des membres du Conseil fédéral qui tirent leur épingle du jeu. Le pouvoir, à son plus haut niveau, conserve une certaine aura... Cette crise de confiance dans la presse n’est pas étrangère aux «fake news» et post-vérités, aux réalités alternatives à la Trump, qui ont instillé le doute et entraîné une perte de repères particulièrement importante dans cette tranche d’âge. A l’ère numérique, la pluralité des réseaux sociaux avec lesquels ont grandi les jeunes font aussi office de canaux d’informations. Reste à savoir si leur sens critique opèrera là, ces relais colportant leur lot de rumeurs et de mensonges, sans oublier les risques avérés de détournement à des fins politiques... Quadrature du cercle.

Quoiqu’il en soit, la relative dépolitisation des jeunes plonge certainement également ses racines dans une Suisse qui ne va pas trop mal. Un pays aussi paradoxalement victime de la vivacité de sa démocratie directe, avec des appels réguliers à voter. Souvent sur des sujets difficiles. Techniques. Jugés peut-être ennuyeux. Qui méritent de prendre du temps pour les comprendre et en maîtriser les enjeux, à l’encontre du phénomène exacerbé de l’immédiateté caractéristique de notre temps. Et alors que cette génération ne se sent pas nécessairement toujours concernée par les objets soumis aux urnes. Plus simplement, il y a aussi nombre de jeunes qui préfèrent consommer du fun plutôt que de se prendre la tête. Qui privilégient une forme d’insouciance ou d’indifférence alors que d’autres affichent peut-être ainsi leur scepticisme face au système et à un monde sans boussole. Bien loin, à la veille de célébrer le cinquantième anniversaire de Mai 68, de l’esprit contestataire qui poussa nombre d’étudiants dans la rue, remettant en cause l’autorité de l’Etat et une société de consommation dans laquelle ils ne se reconnaissaient pas...