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Les maçons se mobilisent en masse

manifestation zurich
© Thierry Porchet

Quelque 18000 travailleurs de la construction sont venus de toutes les régions pour défendre leur Convention nationale et la retraite à 60 ans dans les rues de Zurich, ville où se trouve le siège de la Société suisse des entrepreneurs.

Plus de 18000 travailleurs de la construction ont manifesté à Zurich samedi. La grande majorité se dit prête à la grève cet automne

«Nous sommes plus de 18000! C’est la plus grande manif des maçons de Suisse! C’est un message fort!», hurle Serge Gnos, coresponsable du secteur de la construction d’Unia, sur la scène installée à l’Helvetiaplatz, point final du défilé.

Deux heures plus tôt, le cortège s’ébranlait lentement, ralenti par le nombre plus important que prévu de travailleurs de la construction mobilisés en ce samedi 23 juin à Zurich, où se trouve le siège de la Société suisse des entrepreneurs (SSE). Ils sont ainsi venus de toute la Suisse pour défendre leur Convention nationale (CN) et leur retraite à 60 ans. Malgré la colère sous-jacente des maçons, l’ambiance était bon enfant et la manifestation colorée de banderoles – «Des salaires corrects! C’est nous qui bâtissons la Suisse!» – , et de drapeaux d’Unia, de Syna, du Sit, des syndicats chrétiens valaisans et tessinois. Le niveau sonore était élevé entre les sifflets, les camions expulsant une musique festive et revendicative, les joueurs de tambour dont une formation majoritairement féminine en tête de cortège, et les slogans en français – «les patrons sont foutus, les maçons sont dans la rue!» –, en suisse-allemand, en italien,…

«Plus on est, plus on est fort», lance un maçon, content. «Je suis déçu en bien», rit Jean-Michel Bruyat, secrétaire syndical d’Unia Vaud qui relève la solidarité des échafaudeurs présents en nombre pour soutenir leurs camarades de chantier.

«Certains de mes collègues ne sont pas venus. Je crois qu’ils ont trop fêté la victoire de la Suisse au Mondial hier soir», relève un coffreur encore galvanisé, heureux d’avoir attrapé le train spécial pour participer à la mobilisation. Comme lui, la majorité des manifestants portait le maillot rouge et blanc footballistique d’Unia, le numéro 60 dans le dos, et une image d’ouvriers sortant du triangle de signalisation de chantier, sur le coeur. Belle métaphore pour ceux qui, le temps de quelques heures, ont investi la ville.

Dégradation des conditions de travail

«Certains ont la trouille de venir manifester. De notre entreprise, sur 200 employés, nous ne sommes que 10. Le patron nous regarde mal. Mais il paye mes mains, pas ma tête. J’ai le droit de penser ce que je veux», lance Andrea, maçon. «Je travaille en Suisse depuis 19 ans. C’est de pire en pire. Avant on était comme une famille, maintenant on n’est plus qu’un numéro. Il y a beaucoup de pression. On ne peut pas bien travailler. Beaucoup vont tomber en dépression si ça continue comme ça. C’est pas bon», ajoute le cinquantenaire avec calme, malgré son indignation. «Les temporaires sont les nouveaux esclaves. C’est dangereux pour la construction en Suisse. Ce sont les boîtes d’intérim qui y gagnent. Avant, il y avait davantage de droits.» Son collègue Simo, machiniste confirme: «On est vraiment stressé. Et avec les machines, c’est dangereux.»

Sous un soleil généreux, le cortège avance bruyamment, au milieu des boutiques chics, des hôtels de luxe zurichois et des chantiers, preuve – s’il en fallait encore – de la bonne marche des affaires.

Le plus difficile dans les métiers de la construction? «Pour moi, les changements de température. Cela fait plus de 30 ans que je travaille comme maçon. Nous sommes de moins en moins, pour de plus en plus de travail. En ce moment, nous sommes deux maçons sur un chantier, alors qu’on devrait être le double. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas», relève José, de la région de Bienne.

A 55 ans, Simo ne cache pas se réjouir de sa retraite. «Dans 5 ans, j’espère! Et pas une minute de plus!» Et pourtant il aime son métier, tout comme Andrea qui dit, en souriant: «J’aime voir se construire les choses, c’est beau!»

Grève!

A la question de savoir s’ils sont prêts à faire grève cet automne, les réponses affirmatives fusent, sans hésitation. Selon un sondage mené par Unia sur les chantiers, 93% des quelque 20000 travailleurs interrogés sont en faveur d’un arrêt de travail, si la Société suisse des entrepreneurs (SSE) ne s’engage pas à trouver des solutions avec les syndicats. Un résultat que Nico Lutz, responsable du secteur de la construction d’Unia et membre du comité directeur, a donné sur l’Helvetiaplatz en grande pompe, avec explosion de fumigènes rouges et de serpentins géants, en rappelant que celui qui attaque la retraite à 60 ans porte atteinte à la dignité des maçons!

A la tribune, la flexibilisation du nombre d’heures et le travail temporaire en hausse ont aussi été vivement critiqués dans les différentes langues parlées sur les chantiers. Eric Ducrey, vice-président de la construction d’Unia Fribourg a dénoncé: «A la semaine de 50h, je dis non! Ils veulent nous imposer plus de 200 heures supplémentaires l’été et nous laisser à la maison l’hiver quand nos enfants sont à l’école. Par notre présence, nous crions aux patrons notre dernier avertissement!»

La mobilisation s’annonce décidément forte en automne tant, sous les sourires bon enfant, le ras-le-bol et la colère étaient perceptibles.

 

Les raisons de la mobilisation

Dans un communiqué commun, Syna et Unia rappellent que «la Société des entrepreneurs veut démanteler la retraite anticipée, sous le prétexte de l’augmentation temporaire du nombre de travailleurs âgés. Elle veut soit relever l’âge de la retraite à 62 ans, soit réduire les rentes de 30% qui s’élèveraient dès lors en moyenne à 3300 francs. Plus personne ne pourra se permettre de partir à la retraite à 60 ans.» Pour pallier l’arrivée des baby-boomers à la retraite, les syndicats proposent une augmentation temporaire (jusqu’en 2024) des cotisations des employés et des employeurs. Sur la RTS, à la veille de la manifestation nationale, Flavio Torti, membre de la Société suisse des entrepreneurs (SSE), déclare s’opposer à ces mesures. Ce patron estime que ces augmentations de cotisation induiraient une distorsion de la concurrence, puisque les entreprises étrangères ne participent pas au financement de la retraite anticipée, et nuiraient à l’attractivité du métier pour les jeunes. Autant d’arguments paradoxaux puisque la SSE souhaite amoindrir la Convention nationale, notamment en réduisant les salaires des travailleurs âgés, en raccourcissant les délais de licenciement, en augmentant le nombre d’heures hebdomadaires à 50 heures (sans compter les heures supplémentaires et le temps de déplacement) et en bloquant les salaires.

«Les mêmes entreprises qui licencient à tour de bras les travailleurs dès 50 ans, et veulent réduire les salaires en raison de la baisse de productivité des travailleurs âgés, veulent maintenant faire travailler les ouvriers deux ans de plus. C’est absurde», souligne Nico Lutz, responsable du secteur de la construction d’Unia.

«Les travailleurs de la construction demandent en revanche des journées de travail moins longues en été, une limitation du travail temporaire en forte hausse et une meilleure protection en cas d’intempéries», rappellent les syndicats. Et enfin, après 4 ans de blocage salarial, une augmentation de salaire de 150 francs pour atténuer les augmentations du coût de la vie (primes des assurances maladies, loyers, etc.). Un juste retour pour les travailleurs, puisque le chiffre d’affaires dans le secteur de la construction a progressé de 30% ces dernières années. Or, parallèlement, le travail temporaire a aussi explosé. «Entre 2015 et 2016, la part du travail temporaire a augmenté de 20% chez les plus de 50 ans», indique Unia dans un communiqué à la veille de la manifestation nationale. La pression sur les chantiers a ainsi augmenté. Nico Lutz insiste aussi sur le besoin vital d’assurer la sécurité des ouvriers: «Un travailleur sur cinq est victime d’un accident chaque année. Au cours de ces cinq dernières années, plus de 100 travailleurs de la construction on perdu la vie sur les chantiers de Suisse.»

 

 

Genevois remontés

tronçon des Genevois à la manif © Lucas Dubuis

Samedi matin tôt, avant le départ pour la manifestation nationale à Zurich, quelque 600 maçons genevois se sont réunis pour se positionner sur les exigences des patrons de leur canton suite à leur proposition de rouvrir les discussions.

Pour rappel, début juin, les syndicats Unia, Syna et Sit, ont unilatéralement cessé les hostilités après sept mois d’actions sur les chantiers – suite au refus des entrepreneurs locaux de limiter le travail temporaire à 10% et d’accorder une participation de 150 francs au paiement des primes d’assurance maladie. Ils ont tendus la main au patronat pour reprendre les négociations sur la convention cantonale. Or les employeurs ont posé leurs conditions avant même d’entamer le dialogue. «Les patrons exigent notamment que les maçons genevois ne se mobilisent pas pour la CN ou la retraite à 60 ans!», s’insurge José Sebastiao, co-responsable du gros œuvre d’Unia Genève.

L’Assemblée des travailleurs a ainsi adopté une résolution qui précise notamment que les maçons genevois continueront de se mobiliser avec leurs collègues pour défendre le contenu de la CN et de la FAR (retraite anticipée). Elle demande aux patrons genevois de respecter ce premier point et de s’engager d’ici au 6 juillet à ouvrir des pourparlers à des conditions acceptables. «Ces négociations doivent dans tous les cas porter sur la limitation du travail temporaire, la participation au paiement de la prime de l’assurance maladie et la protection des travailleurs en cas d’intempérie». De surcroît, la résolution indique: «Si la partie patronale genevoise devait refuser ces négociations ou poser des conditions inacceptables, les syndicats devraient utiliser tout moyen de lutte utile pour obtenir satisfaction, y compris la grève des maçons genevois.»

 

Une assemblée des délégués efficace

Samedi matin avant de se rendre à la manifestation de la construction, l’Assemblée nationale des délégués d’Unia, exceptionnellement déplacée à Zurich, a débattu notamment de la prévoyance vieillesse, discuté des votations à venir, des mesures d’accompagnements et de la grande manifestation nationale pour l’égalité qui aura lieu le 22 septembre. Nous reviendrons dans notre prochaine édition sur les résolutions adoptées.

 

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