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L’Europe, oui, mais pas à n’importe quel prix!

Pierre-Yves Maillard, président désigné de l’USS qui entrera en fonction le 6 mai prochain, Vania Alleva, présidente d’Unia, et Manuela Cattani, secrétaire générale du Sit, ont participé à un débat animé par Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d’Unia Genève, sur les enjeux pour le mouvement syndical de l’accord-cadre institutionnel entre la Suisse et l’Union européenne, en cours de consultation.
© Neil Labrador

Pierre-Yves Maillard, président désigné de l’USS qui entrera en fonction le 6 mai prochain, Vania Alleva, présidente d’Unia, et Manuela Cattani, secrétaire générale du Sit, ont participé à un débat animé par Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d’Unia Genève, sur les enjeux pour le mouvement syndical de l’accord-cadre institutionnel entre la Suisse et l’Union européenne, en cours de consultation. 

Lors d’un débat organisé par Unia à Genève, les syndicats ont confirmé leur volonté de se battre contre le nouvel accord-cadre entre la Suisse et l’Union européenne

«Nous refuserons toute tentative de baisser les salaires en Suisse.» Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d’Unia Genève, s’est montré catégorique lors d’un débat sur la libre circulation organisé le 25 janvier dernier. «L’accord-cadre institutionnel négocié entre la Suisse et la Commission européenne représente une attaque très claire contre les salariés et les conditions de travail, et malgré les pressions que nous subissons, nous ferons de cette lutte l’une des priorités de 2019.»

Pour rappel, cet accord-cadre, négocié en catimini entre l’Union européenne (UE) et le Conseil fédéral et salué par les milieux patronaux, comporte quatre grands axes. D’abord, celui qui concentre toute l’attention des médias – au grand dam des syndicalistes –, le passage de huit à quatre jours du délai d’annonce du personnel détaché venu travailler en Suisse, entravant la surveillance de leurs conditions de travail; l’affaiblissement du système des cautions imposées aux entreprises décrochant un marché en Suisse afin de prévenir les cas de dumping; la baisse de la protection contre les faux indépendants qui ne jouent pas le jeu; et enfin, la reprise à terme des directives européennes en matière de détachement, soumettant ainsi nos dispositifs de contrôles à la Cour de justice de l’Union européenne, qui pourrait exiger leur démantèlement si cette instance estime que la libre concurrence est entravée. En résumé, cela consiste à démanteler toutes les protections obtenues à travers les mesures d’accompagnement afin de rendre pérenne la libre circulation des personnes.

L’humain avant le profit

«Nous sommes pour la libre circulation des personnes, qui est un acquis positif, pour entretenir une bonne relation avec l’UE, et pour un accord-cadre, mais pas celui-ci, insiste Vania Alleva, présidente d’Unia. Nous ne pouvons pas accepter un accord mettant en danger la protection de nos salaires, nos mesures d’accompagnement ainsi que tout notre système de CCT. Il y a des lignes rouges à ne pas dépasser.» Les syndicalistes autour de la table, qui prônent une Europe d’abord sociale et unie, se réjouissent des nombreux soutiens reçus par les autres syndicats européens. Et ils insistent: ils ne sont pas dans une position de fermeture. «On nous met dans le même camp que l’UDC et on nous accuse de faire du nationalisme, regrette Pierre-Yves Maillard, président désigné de l’USS. L’UDC est pour la libéralisation des services publics, la hausse de l’âge de la retraite et contre les mesures d’accompagnement. Nous, syndicats, pensons que nous avons des intérêts à coopérer à l’international, mais que ceux de nos membres et des travailleurs de ce pays passent en priorité. L’Europe comme projet n’est pas un dogme absolu. Soit la libre circulation se met au service des travailleurs chez nous, de quelque nationalité qu’ils soient, soit elle les affaiblit et, dans ce cas, on doit oser dire non!» La devise syndicale reste celle de toujours: à travail égal, salaire égal.

Mépris de classe

Une position ferme dont se réjouit Manuela Cattani, secrétaire générale du Sit à Genève. Cela dit, cette dernière pense que si on en est arrivé là, c’est parce que les syndicats au niveau suisse ne se sont pas assez battus contre l’initiative sur l’immigration de masse. «A Genève, notre campagne offensive a permis de faire refuser l’initiative de l’UDC à 60%. Le positionnement syndical au niveau national a été, lui, insuffisant, et aurait dû être bien plus offensif...» Un sentiment loin d’être partagé par Vania Alleva qui rappelle que les syndicats ont mené une «bataille claire» et que, depuis ce fameux 9 février, «nous n’avons jamais lâché dans nos revendications».

«On le voit actuellement en Europe, les populations souffrent de politiques néolibérales très concrètes qui créent violence et insécurité sociale, ajoute Alessandro Pelizzari. Les Gilets jaunes en France ne sont qu’un exemple de cette souffrance et du mépris de classe de la part des dominants. On ne peut que constater que ceux qui décident ne sont pas ceux qui subissent.» Pas question, donc, de faire le jeu des patrons, qu’ils soient suisses ou européens, de baisser le coût de la main d’œuvre en Suisse. «Quand on regarde en détail la directive sur le travail détaché pour les travailleurs de l’UE, ajoute Manuela Cattani, on se rend compte que c’est le droit des entreprises de circuler et de se développer qui prime, pas celui des travailleurs.» En effet, le texte stipule que le travailleur détaché doit être payé au salaire minimum du pays, et pas de la branche. Quant aux cotisations sociales, elles doivent être payées selon les normes du pays d’origine et non pas du pays d’exercice. «L’accord-cadre est influencé par cette vision et on ne peut pas laisser l’Europe décider à notre place.»

Quelles réponses syndicales?

En conclusion, le «non» syndical à l’accord-cadre en l’état sera clair. Alessandro Pelizzari constate toutefois qu’il reste à faire de ce «non» non pas un «non» individualiste et de repli identitaire ou natioanaliste, mais un mouvement social progressiste et internationaliste. Partant, comment construire une réponse syndicale unitaire face à ces attaques contre les salariés? Selon Vania Alleva, il est capital d’informer le public et de défendre les acquis durement obtenus. «Pour construire un mouvement, nous devons être proches des gens, montrer que ceux qui veulent précariser les travailleurs aujourd’hui sont les mêmes qui ne voulaient pas des mesures d’accompagnement il y a quelques années. Nous devons continuer à nous battre pour renforcer davantage les droits et la protection des salariés et montrer que nous ne faisons pas de différence entre les travailleurs indigènes et les suisses.» Pour Pierre-Yves Maillard, c’est le travail syndical patient et méthodique de toujours qui fera la différence. «Nous devons aussi continuer à écouter nos membres et rester unis.»

Manuela Cattani mise sur une campagne idéologique forte afin d’élargir le débat. «A Genève, nous avons lancé notre initiative pour un salaire minimum cantonal qui rappelle que l’ennemi n’est pas l’immigration mais les abus patronaux. Nous devrons aussi nous emparer de cette lutte en créant des emplois sociaux et écologiques en lien avec le mouvement des jeunes qui émerge.»

Dans tous les cas, les syndicalistes sont unanimes: si l’accord-cadre ne respecte pas les exigences syndicales, un référendum sera lancé.

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