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«Nous sommes déterminés à défendre notre honneur»

manifestation avec banderole
© Neil Labrador

Les syndicalistes poursuivis étaient intervenus lors de la grève de travailleurs polonais exploités par Alpen Peak International et soutenus par Unia.

Deux secrétaires syndicaux d’Unia sont accusés d’avoir insulté la compagne du patron d’Alpen Peak, la société qui exploitait des travailleurs polonais

Grosse embrouille la semaine dernière au Tribunal de police d’Yverdon. Deux secrétaires syndicaux d’Unia Vaud, N. et L.T., y répondaient d’injures et voies de fait à la suite d’une plainte pénale déposée par Patricia De Giorgi, épouse du directeur d’Alpen Peak International. Pour rappel, cette entreprise de second œuvre exploitait des travailleurs polonais payés 8 à 9 euros de l’heure sur ses chantiers des cantons de Vaud et de Neuchâtel. En septembre 2016, après une grève de seize jours et une occupation d’un chantier à Sainte-Croix, Alpen Peak avait dû verser 62000 francs aux ouvriers.

Distribution de tracts

Dans le cadre de cette lutte, de nombreuses actions furent menées par les syndicalistes. L’une d’entre elles consista en une distribution de tracts dans les boîtes aux lettres de Mauborget, commune de résidence de la famille De Giorgi. A cette occasion, les deux secrétaires syndicaux se retrouvèrent nez à nez avec les époux De Giorgi, le père de la plaignante et deux employés de la société. Selon l’acte d’accusation, N. aurait, entre autres, lancé une dizaine de tracts à la figure de Mme De Giorgi en s’écriant: «Tiens, vas-y, prends ça et lis!», puis il aurait refusé de les ramasser en lançant un «va ch… Madame» avant de la gratifier d’un «va te faire f…!» L.T. aurait ajouté qu’elle devrait sans doute penser à «b…» un peu plus souvent, tout en mimant des gestes évocateurs. En repartant, les prévenus auraient encore fait des doigts d’honneur depuis leur voiture.

Dans un premier temps, la plainte avait été classée. Les témoignages des cinq personnes opposées aux syndicalistes se révélant contradictoires et sujets à caution vu les liens les unissant. La procédure a été relancée après un recours de la partie plaignante. L’un des employés avait filmé tout ou partie de la scène. Mais il a refusé de fournir la vidéo malgré trois réquisitions. Mme De Giorgi a expliqué au juge que ce téléphone était depuis cassé et qu’il n’est par conséquent plus possible de visionner la scène. Tiens donc.

«Nous étions encerclés»

A l’audience, soutenus par une dizaine de syndicalistes, les deux prévenus ont nié en bloc l’ensemble des accusations. «Je n’ai jamais insulté Madame. Je n’étais pas menaçant. Je ne faisais que distribuer des tracts. Madame ne me paraissait pas effrayée, elle était agressive, elle nous a dit: “Dégagez!ˮ et que l’on est des “c…ˮ», a assuré N.. Au cours de l’altercation, des tracts sont bien tombés à terre, mais sans être jetés au visage de la plaignante. Version confirmée par L.T.: «On nous accuse d’être des agresseurs alors que nous étions encerclés par cinq personnes dont quatre hommes. Notre but en nous rendant à Mauborget était d’informer la population des méfaits de ce Monsieur. Notre priorité était de défendre les travailleurs exploités. Si nous avions voulu faire une expédition agressive, nous serions allés en nombre. Ça ne tient pas debout. Je n’ai jamais fait un seul doigt d’honneur de ma vie à personne ni utilisé les termes rapportés envers quiconque, encore moins en faisant des gestes évocateurs.»

Interrogée, Mme De Giorgi a décrit le «regard haineux et déterminés à faire du mal» des accusés, reconnaissant toutefois qu’elle n’était pas «effrayée au point de rentrer» chez elle. «Ils n’avaient rien à faire chez nous, nous n’avions rien à nous reprocher.» Détail piquant, la plaignante a prétendu que ce n’était pas N. qui avait jeté les tracts à son visage, mais L.T. «Vous vous rendez compte que cela ne correspond pas à l’acte d’accusation?» lui a demandé le juge. «Je sais très bien qui a dit et fait quoi», a-t-elle répondu. Ce 15 janvier, le Tribunal d’Yverdon ressemblait plus à une cour d’école qu’à une cour de justice.

Règlement de comptes

«Ce qui me choque dans cette affaire, c’est une inversion des rôles. On a l’impression que les victimes sont les De Giorgi et non les travailleurs polonais», a aussi dit L.T. en ajoutant à l’adresse de la plaignante: «Vous utilisez la justice pour régler vos comptes. Mais vous avez dit quelque chose de juste, que nous étions déterminés. Nous étions en effet déterminés à récupérer l’argent des Polonais et, aujourd’hui, nous sommes déterminés à défendre notre honneur!»

Avocate d’Unia, Me Charlotte Iselin, a souligné le «tissu d’incohérence et de fausseté» de cette plainte, qui constitue à ses yeux un «abus de droit», et plaidé l’acquittement des inculpés. Affaire à suivre.

Pour mémoire, il s’agit du second procès lié à la grève d’Alpen Peak. Secrétaire syndical d’Unia Vaud, Lionel Roche a été poursuivi pour diffamation à l’encontre d’un administrateur de l’entreprise. A l’automne dernier, le Tribunal de police de Lausanne, dans un verdict alambiqué*, a exempté de peine le secrétaire syndical.

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