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Nous sommes soulagées et fières de nous

Le conseil d'Etat genevois a approuvé la modification réglementaire limitant la sous-traitance dans les EMS

L'Etat a tranché: à partir de maintenant, plus aucune prestation délivrée en EMS ne pourra être confiée à une entreprise privée, hormis le traitement du linge plat et du linge de forme et les prestations de cuisine. Une victoire pour Unia qui a soutenu les grévistes dans leur combat. Ces dernières se sont mobilisées pour leurs conditions de travail, mais avant tout, pour les résidents. Réactions.

Désormais, seules les prestations de repas et une partie des activités de lingerie (linge plat et linge de forme) pourront être externalisées dans les Etablissements médico-sociaux (EMS) genevois. Après plusieurs mois de réflexion et une forte mobilisation du personnel, le Conseil d'Etat a suivi les recommandations du ministre en charge de la Santé, Mauro Poggia, et a approuvé le 28 février la modification du règlement d'application de la Loi sur la gestion des établissements pour personnes âgées. Celle-ci prévoit que l'ensemble des prestations délivrées en EMS ne pourront plus être sous-traitées (les soins, l'hôtellerie, l'animation, l'administration, ou encore le traitement du linge des résidents) afin de garantir la stabilité et la qualité de prise en charge des personnes âgées. «La qualité et la proximité des relations humaines en lien avec la mission des établissements doivent primer sur l'économicité», s'est exprimé Mauro Poggia. Quant à la préparation des repas et à certains travaux de buanderie (linge plat et linge de forme), ils ne pourront être sous-traités qu'à condition que les prestataires fournissent des garanties quant à la couverture sociale de leurs employés et au respect des règles usuelles dans la profession concernée. Les EMS auront trois ans pour se mettre en conformité.
Rappelez-vous, tout a commencé lorsque le personnel des résidences Notre-Dame et Plantamour s'est mis en grève à l'automne 2017 contre la sous-traitance des services hôteliers à l'entreprise Adalia. Un groupe de travail avait alors été mis sur pied afin de cadrer et de limiter plus précisément les prestations pouvant être externalisées ou sous-traitées par les établissements médico-sociaux dans un double objectif: garantir de bonnes conditions de travail aux employés et proposer une prise en charge globale des résidents. Maintenant c'est chose faite, à la grande satisfaction d'Unia qui a soutenu la grève. «C'est une avancée énorme, se réjouit Giulia Willig, secrétaire syndicale à Unia. Cette grève a permis à tous les employés de conserver leur poste de travail mais aussi de limiter fortement la sous-traitance pour l'ensemble des EMS du canton.» Petit bémol quand même, l'impossibilité de revenir en arrière en matière de lingerie et de repas. «L'idéal aurait été d'interdire l'externalisation de toutes les prestations, mais ce sont deux secteurs qui sont largement sous-traités, et ce depuis des années.»

Manon Todesco

 

La parole aux grévistes des EMS Notre-Dame et Plantamour

Alexandra*
«La situation était tellement injuste pour nous et pour les résidents que cela a été une évidence de se mobiliser. Au début, nous avions peur des conséquences que la grève pourrait avoir, mais une fois lancées, nous avons décidé d'aller jusqu'au bout et de ne rien lâcher. Le soutien qu'on a reçu de l'extérieur était aussi très réconfortant et très chaleureux. Aujourd'hui, je me sens soulagée mais je ressens aussi de la fierté. Nous avons réussi une chose à laquelle peu de gens croyaient. Je suis heureuse de cette fin et du travail accompli. Quand j'ai recommencé à travailler, il y avait des petites tensions avec celles qui n'ont pas suivi le mouvement, mais aujourd'hui, tout va mieux. Certains résidents se sont posé des questions, je les ai rassurés et ils m'ont dit qu'ils étaient de tout cœur avec nous et qu'il fallait que nous luttions pour nos droits.»

Carla*
«Nous nous sommes posé beaucoup de questions avec les collègues. Nous avons d'abord eu peur des représailles. Prendre la décision de cesser le travail n'a pas été facile. Pendant la grève, il y a eu un moment où on n'y croyait plus, et quand on a vu le résultat, cela a été une grande joie. Cette victoire est une revanche face à l'injustice que les employés et les résidents ont subie. Aujourd'hui, on ne regrette absolument rien. On tient aussi à remercier tous ceux qui nous ont soutenues et aidées, notamment les collègues des autres EMS. Nous étions prêtes à continuer le combat, mais je suis heureuse que le conflit prenne fin. Je me sens beaucoup plus apaisée pour l'avenir.»

Melina*
«Avant d'entamer la grève, nous avons essayé de discuter avec notre direction, qui n'a rien voulu savoir. C'est là que nous nous sommes adressées à Unia et nous avons vite compris que si nous ne nous battions pas, nous n'aurions rien. Aujourd'hui, nous avons gagné, mais je ne suis pas encore complètement soulagée. Il y a encore du travail à faire pour nos résidents de Notre-Dame: ils sont mécontents de la nourriture proposée, ils aimeraient avoir quelqu'un qui cuisine sur place au lieu de plats réchauffés. Nous faisons notre travail par passion et avec beaucoup d'amour, et c'est très dur pour nous de ne pas pouvoir satisfaire nos résidents dans cette période difficile qu'est la fin de vie. Pareil avec le traitement de leur linge personnel: si ce service venait à être délocalisé dans un autre EMS, ce serait une catastrophe pour eux. Les résidents sont ma priorité et je me battrai jusqu'au bout pour eux.»

Propos recueillis pas MT

*Prénoms d'emprunt

 

 

Quelques chiffres
Aujourd'hui, sur 53 EMS recensés dans le canton de Genève, 44 sous-traitent leur cuisine et seuls 9 produisent encore leurs repas. 51% des établissements sous-traitent les activités de buanderie pour le linge plat, 34% pour le linge de forme et seulement 17% pour le linge des résidents. Enfin, un peu plus de 10% des EMS sous-traitent des prestations directement en lien avec les résidents (cafétéria et restauration: 7 établissements, nettoyage: 6 établissements), et devront donc y renoncer dans les trois années à venir.
MT