Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

Pas de convention au rabais pour le second œuvre

Unia et Syna n'entendent pas brader la nouvelle convention collective romande du second œuvre

Le dialogue se tend entre Unia, Syna et les organisations patronales du second œuvre romand. Négociant depuis le début de l'année une nouvelle convention collective de travail de la branche, les partenaires sociaux se heurtent aujourd'hui sur une pierre d'achoppement cruciale: l'augmentation de salaire réclamée par les syndicats qui, pourtant, ont déjà revu leurs revendications à la baisse. Etat des pourparlers avec Aldo Ferrari, vice-président d'Unia et responsable du secteur de l'artisanat.

«On s'oppose à la proposition patronale. Ce n'est vraiment pas sérieux, pas correct. Un manque de respect total des travailleurs.» Vice-président d'Unia et responsable du secteur de l'artisanat, Aldo Ferrari ne décolère pas. Dans le cadre des négociations en vue du renouvellement de la Convention collective de travail (CCT) du second œuvre romand entamées au début de l'année, l'épineux sujet des augmentations de salaire est arrivé sur la table. Et autant dire que ça coince. Et pour cause. Les employeurs n'entendent accorder que des miettes. Les syndicats réclamaient pour leur part une majoration mensuelle des revenus de 120 francs avant de revoir leurs revendications à la baisse. «Nous sommes descendus à 100 francs à répartir sur deux ans. Les patrons ont proposé de leur côté 17,50 francs de plus par mois, soit 10 centimes de plus par heure! Ils entendent aussi plafonner la revalorisation des salaires», s'étrangle le représentant d'Unia. «Ce montant ne permet même pas de compenser la hausse des primes d'assurance maladie. Aucune discussion n'est possible sur cette base», poursuit-il, non sans préciser que les syndicats ont fait une toute dernière suggestion, le 17 octobre dernier, pour tenter de débloquer la situation. «Nous sommes passés à 70 francs, sur deux ans, et une indexation des salaires en cas d'inflation. Nous attendons la réponse de nos interlocuteurs. S'ils entrent en matière sur cette offre, nous devrons toutefois encore la soumettre aux délégués de la conférence professionnelle.» Cette ultime concession syndicale s'explique par la volonté de parvenir à la signature de la nouvelle CCT qui, le cas échéant, entrerait en vigueur en 2019, l'accord actuel ayant été prolongé d'une année. «Nous avons tous à y gagner», relève Aldo Ferrari, avant de détailler les progrès envisagés dans la nouvelle mouture.

Barrage au dumping
«Nous avons notamment progressé sur la question du risque de sous-enchère salariale et de travail au noir. Et obtenu que des contrôles réguliers soient effectués. Tous les ouvriers devront bénéficier d'un contrat écrit avant d'entamer leur activité. Ils devront être annoncés aux institutions sociales paritaires pour éviter que des employeurs malhonnêtes ne puissent se soustraire à leurs obligations.» Dans ce même esprit, la reconnaissance des diplômes et de l'expérience acquise à l'étranger est également prévue dans l'accord en discussion, comme la limitation du nombre de personnes non qualifiées sur un chantier, avec un seuil qui reste encore à définir. «Ces mesures nous permettront de combattre la sous-enchère salariale pratiquée par les entreprises qui détachent des salariés et par ceux qui cassent les prix. Un combat pour le respect de la convention collective de travail et des contrôles renforcés pour réduire la pression sur les salaires et revaloriser la formation professionnelle sont préférables à des négociations pour des miettes.»
Une autre avancée est à signaler sur la question de la retraite anticipée, objet d'une convention différenciée (elle couvre aussi les salariés de Bâle et du Tessin) arrivant à échéance l'an prochain, et qui devrait être reconduite pour dix ans. «Nous avons négocié sa consolidation et, partant, garanti la pérennité du système avec l'arrivée des baby-boomers - en clair une hausse des bénéficiaires. Nous sommes parvenus à un accord sur un financement ad hoc. Assorti, au besoin, d'une marge d'adaptation du taux des cotisations de 1,8% à 2,2%. Reste encore un pas à franchir avec notre revendication pour une participation aux charges sociales qui augmentent chaque année pour les préretraités du second œuvre.»

«Nous cesserons d'être raisonnables»
Autant de points positifs que le représentant d'Unia espère voir validés avec la conclusion de la CCT concernant quelque 25000 employés. Mais pas question de signer à n'importe quel prix. «Les patrons doivent accorder des augmentations dignes de ce nom. Un nouveau refus serait inacceptable. Les syndicats se sont montrés largement raisonnables», relève encore Aldo Ferrari. Pour le syndicaliste, la revendication est plus que légitime, les travailleurs n'ont obtenu qu'une seule revalorisation de leur salaire au cours de ces cinq dernières années et les chantiers tournent à plein régime. «Actuellement, nous informons le personnel et les entreprises sur l'état des pourparlers. Nous distribuons des tracts et invitons les salariés à se mobiliser. Les premières réactions sont bonnes, ou plutôt outragées. Ils comprennent bien qu'avec la hausse des primes maladie et l'augmentation proposée de 10 centimes, la délégation patronale veut s'attaquer à leur pouvoir d'achat. Ils trouvent cela injustifiable et irrespectueux. Surtout au regard de la bonne conjoncture économique des branches du second œuvre romand et des efforts supplémentaires qu'ils fournissent pour tenir les délais. Une nouvelle séance de négociation aura lieu le 10 novembre. On verra sur quoi elle débouche et les mesures de lutte éventuelles à mettre en œuvre. Si nos revendications ne figurent pas dans la nouvelle CCT, une phase douloureuse pourrait s'ouvrir pour tous. Nous cesserons d'être raisonnables», prévient Aldo Ferrari, au terme d'une période qui s'est déjà révélée compliquée. Rappelons que l'actuelle convention avait en effet été résiliée par les patrons l'automne 2016 avant qu'ils ne fassent marche arrière, suite à une journée de mobilisation des travailleurs. «Nous n'avons pas alors sauvé la convention pour nous retrouver, deux ans plus tard, dans la même situation.» Pas de risque que les patrons renoncent une nouvelle fois à la CCT et envoient tout balader? «Si certains d'entre eux veulent jouer les apprentis sorciers et dénoncer l'accord, ils en porteront la responsabilité. Un jeu assurément dangereux.»

Sonya Mermoud