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Pêchers capitaux…

Image tirée du film Nos soleils.

Avec "Nos soleils", la cinéaste catalane Carla Simón raconte une touchante histoire de famille et questionne sur la place que nous donnons à l’agriculture dans les sociétés actuelles. Lumineux et pessimiste…

Dans le petit village d’Alcarràs, au fin fond de la Catalogne, la famille Solé cultive les arbres fruitiers, et notamment des pêchers, de génération en génération. Exploitant des terres sur la base d’un accord informel, ils sont soudainement avisés que la récolte de cette année pourrait bien être la dernière. Le clan est en effet menacé d’expulsion, le propriétaire du terrain ayant décidé d’y installer un vaste parc de panneaux solaires. Au fil de la saison, les Solé assistent, impuissants, à l’arrivée des premiers camions de construction. Confrontés à un avenir incertain, ils se déchirent alors sur fond de tensions intergénérationnelles. Habituellement si unie, la famille risque soudainement de perdre ce qui faisait sa plus grande force…

S’inspirant de sa propre histoire, la réalisatrice catalane Carla Simón propose un film tant lumineux dans sa capture de cette smala aimante et de cette sublime campagne, que sombre dans son sujet. Nos soleils rend par ailleurs hommage à son grand-père, véritable clé de voûte et personnage le plus touchant du film face à un monde qu’il ne reconnaît plus.

Récompensée par l’Ours d’or au Festival de Berlin, la jeune cinéaste s’est entourée de comédiens non professionnels originaires de la région au cœur de son récit. Et ce dans un souci de réalisme: «Je voulais que mon film soit interprété par des agriculteurs qui travaillent la terre, qui comprennent ce que cela signifie de la perdre», explique-t-elle.

 

Pressions sur les prix et spéculation

Car l’attachement de cette famille à ses vergers est bien le point central de l’œuvre. Le propriétaire a beau leur proposer un job dans l’installation de panneaux solaires – «On travaille moins et on gagne plus», argumente-t-il –, les Solé vivent au rythme de leurs pêchers auxquels ils sont fondamentalement liés. Et ce, bien qu’ils aient conscience que l’agriculture qu’ils pratiquent ne soit plus viable dans les sociétés actuelles où la course aux profits semble devenue l’unique préoccupation.

Le film pointe ainsi du doigt les pressions sur les tarifs exercées par la grande distribution. Avec pour conséquence une spéculation insoutenable, ainsi que l’analyse Carla Simón: «De grands groupes rachètent les terrains pour les cultiver de façon intensive, le prix bas des fruits les incite à remplacer les arbres fruitiers par des productions plus rentables, et les jeunes arboriculteurs se voient contraints d’abandonner leur maison et de chercher un autre travail.» Une dénonciation qui vient également questionner le spectateur sur sa manière de consommer. Mais malgré un discours plutôt pessimiste face à ce cercle vicieux, la cinéaste ne peut s’empêcher d’espérer un avenir radieux pour ceux qui veulent continuer à cultiver en petits groupes: «Nous sommes nombreux à penser que la terre devrait appartenir à ceux qui la cultivent», affirme-t-elle, comme une évidence.

Nos soleils, de Carla Simón, sortie en Suisse romande le 18 janvier 2023.

Séance spéciale mercredi 18 janvier à 20h au cinéma Pathé Les Galeries de Lausanne, suivie d’une discussion avec la coopérative Le panier bio à deux roues.