Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

Quatre grévistes licenciés avec effet immédiat

La grève de salariés d'Electricité 2020 à Echallens avait repris le patron n'ayant pas tenu ses engagements

Un premier débrayage avait abouti à la signature d'une convention de paiement pour des arriérés de salaire. Mais l'employeur a fait machine arrière. Le conflit s'est durci il y a 15 jours à Yverdon-les-Bains. Les grévistes ont été congédiés et la police est intervenue pour briser leur piquet de grève. L'affaire a été portée devant l'Office de conciliation.

Licenciement avec effet immédiat des grévistes, intervention de la police, agression contre un syndicaliste. La tension est montée d'un cran il y a une quinzaine de jours dans le conflit opposant des travailleurs à l'entreprise Electricité 2020 d'Echallens. Un premier débrayage en janvier avait pourtant permis de conclure une convention de paiement, le patron reconnaissant devoir à six grévistes et à un ancien électricien ayant quitté l'entreprise la somme de 85000 francs net pour le paiement d'indemnités repas, de temps de déplacement et d'heures supplémentaires (voir L'ES du 31 janvier).
Une première tranche de 30000 francs devait être honorée le 7 février. Or ce jour-là, le patron n'avait versé que la moitié de la somme. Le vendredi 9 février, une rencontre entre le syndicat, les travailleurs et le patron a eu lieu afin de trouver une solution, les salariés concernés étant prêts à discuter d'un rééchelonnement du paiement. Face à l'échec de cette rencontre, une nouvelle grève était organisée le lundi suivant, sur un chantier de Treycovagnes. «Nous n'étions plus que quatre, nos deux autres collègues avaient subi des pressions de la part du patron durant le week-end», ont relevé les travailleurs lors d'une conférence de presse le 14 février. Ces derniers ont été frappés par la foudre patronale, leur employeur les ayant licenciés avec effet immédiat parce qu'ils avaient repris la grève le 12 janvier et le lendemain matin sur un autre chantier à Yverdon-les-Bains.

Double attaque contre le droit de grève
«Le patron a licencié les quatre grévistes pour violation de la paix absolue du travail. Or cette clause de la CCT suisse des électriciens n'est pas étendue. Elle ne s'applique donc pas à Electricité 2020, qui n'est pas membre de l'association patronale», a souligné Lionel Roche, responsable de l'artisanat à Unia Vaud, devant les médias le 14 février. Il a également dénoncé l'attitude de la police yverdonnoise, venue déloger les grévistes le mardi matin, alors qu'un piquet avait été organisé devant le chantier du garage où deux salariés non-grévistes devaient se rendre. «Nous leur avons demandé d'appeler le patron pour qu'il les affecte sur un autre site, ce qu'ils ont fait. Mais l'employeur et le maître d'ouvrage ont sollicité la police, et c'est encadrés par elle que ces deux collègues sont allés travailler. C'est scandaleux que la police intervienne pour briser un piquet de grève. On ne peut pas assimiler un piquet à une manifestation publique soumise à autorisation», s'est indigné le syndicaliste, avant d'insister: «La police n'a pas été neutre en remettant en question le droit constitutionnel de faire grève.» Son collègue Laurent Tettamanti, agressé la veille par le maître d'ouvrage du bâtiment, a relevé un autre cas de présence policière pour protéger un employeur du second œuvre à Vucherens en décembre. «La police était intervenue en masse alors que rien ne le justifiait en termes de sécurité ou de troubles de l'ordre public. Il y a une véritable volonté de casser les grèves», a-t-il déploré.
Pour Lionel Roche, cette double atteinte au droit de grève que constituent les licenciements représailles des quatre travailleurs d'Electricité 2020 et le rôle partial de la police est inquiétante alors qu'il s'agit de faire respecter les dispositions de la convention collective. «Cette entreprise trouve les moyens depuis des années de pratiquer une forme de dumping salarial. Pour nous, syndicalistes, il est essentiel de lutter contre ce genre de pratiques et de protéger les travailleurs qui les subissent. Car des entreprises comme celle-ci pullulent sur le marché, et cela va s'accroître si aucune campagne sérieuse n'est engagée. Tout cela se déroule dans un contexte plus général d'attaques frontales contre la CCT. Les patrons veulent notamment augmenter le temps de travail et remettre en cause de nombreux acquis.»

Grévistes confiants
Face à cette situation, Unia a interpellé le syndic d'Yverdon-les-Bains au sujet de l'intervention policière et envisage de déposer une plainte pour violation du droit de grève garanti par la Constitution. Le syndicat va également agir devant le Tribunal des Prud'hommes contre les licenciements abusifs et les violations conventionnelles. Quant aux électriciens concernés, dont certains sont pères de famille, comment envisagent-ils l'avenir? «Nous cherchons du travail. Le patron nous faisait peur, il nous disait qu'on ne trouverait rien ailleurs, mais nous sommes confiants, nous retrouverons un emploi.»
L'affaire se poursuit devant l'Office cantonal de conciliation et d'arbitrage. L'employeur, qui récuse la convention signée et conteste les décomptes, a saisi cet organe chargé de statuer sur les conflits de travail. Une première séance était prévue hier, mardi 27 février, alors que ce journal était déjà sous presse.

Sylviane Herranz