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«Restons unis, pour des luttes victorieuses»

Assemblée générale des travailleurs de l'industrie de l'arc lémanique.
© Olivier Vogelsang

Face aux salariés de nombreuses entreprises de l’arc lémanique, le responsable de l’industrie d’Unia Vaud, Noé Pelet (debout à gauche), et Abdeslam Landry, secrétaire syndical, sont revenus sur le rôle du syndicat et son fonctionnement. Ils ont invité les membres à prendre la place qui leur revient pour décider des revendications et des orientations du syndicat.

Les travailleurs de l’industrie de l’Arc lémanique d’Unia Vaud ont tenu leur première assemblée générale consacrée principalement à l’importance du syndicat et au travail temporaire

Une bonne quarantaine de salariés, membres Unia de diverses entreprises de la région, se sont retrouvés ce jeudi de la mi-septembre à Lausanne pour la première assemblée générale annuelle du secteur de l’industrie de l’Arc lémanique. A distance sanitaire réglementaire dans la grande salle de la Maison du peuple, les salariés de Bobst, Vetropack, Boston Scientific, GSK, Matisa, Tesa, Sapal, Maillefer, Bombardier, Heraeus, Claessens, DFSA Tôlerie industrielle ou encore Bell, Cremo, les Salines de Bex ainsi que des travailleurs et des travailleuses de l’horlogerie, ont débattu de la situation dans leur branche. Mais auparavant, à la demande du comité de l’industrie, un premier point était fixé à l’ordre du jour: «Pourquoi le syndicat?»

«Le syndicat, c’est vous, ce sont les membres actifs qui viennent aux assemblées et qui définissent la ligne sur laquelle nous, secrétaires, allons effectuer notre travail», lance Noé Pelet, responsable de l’industrie à Unia Vaud. Son collègue Abdeslam Landry propose deux définitions du syndicat: «La première dit que c’est une association qui défend les intérêts matériels et moraux des salariés. Et la deuxième que c’est une force appartenant aux travailleurs qui en font partie et qui la contrôlent eux-mêmes», précise-t-il, tout en disant sa préférence pour la seconde. «Qui prend les décisions? Qui dirige? Là est toute la question. C’est votre présence dans les instances qui fait le syndicat.»

Ne pas se désunir

«Très souvent, on oublie le lien entre le syndicat et la protection des ouvriers», lance un employé de l’entreprise Bobst. Il prend l’exemple de ce collègue croisé à la machine à café, qui lui dit qu’il va se retirer d’Unia, car celui-ci n’a jamais rien fait pour lui. «Je lui ai expliqué que, sans le syndicat, il travaillerait deux heures de plus par semaine aujourd’hui, qu’Unia s’est battu face au patronat contre cet allongement et pour améliorer la protection contre le licenciement des salariés âgés de 55 ans et plus dans la Convention collective de l’industrie des machines (MEM). Le syndicat travaille dans l’ombre, et c’est de plus en plus difficile. Notre société nous invite à nous désunir pour que le patronat puisse mieux régner. On l’a vu avec le télétravail à cause du Covid-19. J’en étais un fervent défenseur, mais j’ai changé d’avis, le travail à distance est bon pour le patron car il nous sépare. Pour défendre les acquis gagnés par nos parents, nous devons rester unis.» Et le militant de conclure, avec conviction: «Si le syndicat est fort, la CCT sera forte, si le syndicat perd ses membres, si nous sommes divisés, le patron sera fort.»

Délégué chez Sapal, Mike Nista approuve: «J’ai présidé les négociations de la convention MEM l’année passée. C’est vrai, pendant six mois nous nous sommes battus contre le patronat qui voulait augmenter le temps de travail. Et contre les autres syndicats prêts à accepter… Il y a cinq ans, nous avons dû rompre les négociations, les patrons voulaient instaurer un salaire minimum de 2600 francs dans notre CCT!» Celui qui est aussi président de la région Vaud d’Unia insiste sur la nécessité d’une bonne représentation de l’industrie dans le syndicat pour que le secteur ait son poids dans les décisions prises: «On a fusionné dans le passé deux organisations, de l’industrie et du bâtiment. Si on n’est pas là, demain Unia ne représentera plus que les gens du gros œuvre et des magasins. Motivez vos collègues à venir à nos assemblées!» En fin de séance, il présentera également les nouvelles structures proposées pour Unia Vaud, avec le transfert du pouvoir des sections aux secteurs. Un projet lancé l’an dernier déjà, qui sera soumis aux prochaines assemblées des sections.

Travail temporaire préoccupant

Après avoir été interpellée par une ouvrière sur ses conditions de travail (voir ci-dessous), l’assemblée a fait le bilan de l’année écoulée. Un sujet s’est imposé: le travail temporaire. «Le constat de 2020, c’est qu’il y a beaucoup de précarité. Nous avons reçu des critiques sur la CCT de location de services qui ne ferait que valider cette précarité. Mais attention, on ne peut pas la jeter, il y a des protections, même si elle doit être améliorée», souligne Abdeslam Landry, faisant remarquer que le travail temporaire est en plein essor, passant de 282000 salariés en 2008 à 406000 en 2018. «Cela a un impact dans l’ensemble des entreprises. Aujourd’hui, Swissstaffing, l’association patronale, menace de ne pas renouveler la CCT parce que l’on dénonce cette précarité. Ils disent que le travail temporaire rend service aux entreprises et à l’économie. Le vrai constat, c’est que le chiffre d’affaires des entreprises temporaires a presque doublé en dix ans.» Convertis en emplois plein temps, les 406000 intérimaires représentent à peine 95000 postes. «Cela veut dire que seule une petite partie des temporaires est à 100%, note Noé Pelet. Les gens ont très peu pour vivre. Ça doit nous éclairer sur une réalité: “On prend, on jette.” Et dans l’industrie, c’est encore plus compliqué d’opérer un contrôle des rémunérations vu que les salaires minimums de la CCT location de services ne s’appliquent pas à ce domaine d’activité. Dès lors, il est du ressort de la tripartite vaudoise de déterminer le salaire d’usage de la branche, comme ça a été le cas pour Hilcona dans l’alimentaire, ce qui n’est pas une mince affaire. C’est très difficile de défendre les intérimaires, les gens ont peur de voir leur mission non reconduite. Les entreprises de location de services profitent de cette réalité pour baisser les salaires.» Et le syndicaliste de parler de ces travailleurs de Bobst qui, après vingt ou trente ans de boulot, ont été mis à la porte dans les années 2010, et reviennent aujourd’hui dans l’entreprise comme temporaires, avec 1500 ou 2000 francs de moins par mois. «C’est une injustice atroce!»

Durant la crise du coronavirus, beaucoup d’intérimaires se sont retrouvés sur le carreau, ajoute Noé Pelet, qui appelle à leur syndicalisation. Et d’avertir les fixes: «Comme le montre l’exemple de Bobst, vous devez prendre conscience que vous êtes les temporaires de demain. Il y a un remplacement à long terme des fixes par les intérimaires. Chez Bombardier, il y avait 270 fixes et 700 temporaires.»

Mêmes droits pour tous

«Que faire?, interroge un travailleur. Quels sont les liens du syndicat avec l’Etat, alors que ce dernier permet d’exploiter des gens en intérim à des salaires de 30% ou 40% inférieurs?» Mike Nista rappelle la position occupée il y a quelques années par les Assises de la place industrielle vaudoise mises sur pied par le groupe industrie d’Unia et offrant une discussion régulière avec l’Etat. Des assises disparues depuis. Il appelle à se battre partout pour que les temporaires aient les mêmes droits que les fixes.

L’assemblée a encore évoqué plusieurs luttes récentes, comme les neuf jours de grève chez Thermo Fischer et d’autres victoires obtenues par les travailleurs, soutenus par Unia, même s’il est difficile pour les secrétaires syndicaux de répondre dans l’urgence à toutes les demandes. Et Abdeslam Landry de conclure: «Certaines entreprises, notamment du domaine de la pharma, ont doublé leurs productions durant cette crise sanitaire, d’autres utilisent cette situation du coronavirus pour restructurer et licencier des centaines de travailleurs, alors qu’elles ont bénéficié des indemnités RHT. N’oubliez pas que le syndicat est là pour vous, que vous pouvez faire appel à nous, pas seulement quand il y a de la casse mais bien avant, nous sommes là pour ça.»

Exploitation et précarité dans l’alimentaire

Durant la discussion, une ouvrière, active dans le conditionnement de produits agricoles, interroge: «Est-ce normal de travailler six jours sur sept, de ne pas être payée pour les heures supplémentaires et de ne pas toucher de 13e salaire?» La réponse vient de Noé Pelet: «Dans ce domaine, les conditions de travail sont extrêmement précaires. Les employeurs savent que, si ces gens perdent leur travail, toute leur famille est en danger. De plus, certaines entreprises de ce type, qui devraient être soumises à la Loi sur le travail, ont été placées dans ce canton sous le contrat-type de l’agriculture (CTT). C’est deux mondes diamétralement opposés! Avec ce CTT, le patron prend des migrants, les fait bosser extrêmement dur et, quand ils sont foutus, il les jette. C’est d’une violence extrême, à 3400 francs brut par mois pour 52 heures par semaine!» Le syndicaliste invite l’ouvrière à rejoindre le syndicat, seul moyen de ne pas rester seule dans l’entreprise, et à faire acte de prudence pour que le patron n’en sache rien. «Chez Hilcona, les travailleurs sont venus chercher le syndicat et nous avons obtenu une hausse des salaires», poursuit Noé Pelet. Sur proposition d’un militant, l’assemblée mandate le comité de l’industrie pour qu’il agisse par rapport à cette entreprise.

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