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Sans grève pas de Convention nationale

Réunis le 15 février en assemblée à Martigny plus de 25 travailleurs de la construction ont été informés de la lutte à mener

La Convention nationale de la construction arrivera à échéance à la fin de l'année. Une bataille difficile s'annonce pour préserver les acquis et négocier des salaires à la hausse. Dans cette optique, les délégués de la construction ont discuté samedi dernier à Olten de la stratégie à adopter. Des assemblées syndicales sont parallèlement organisées dans les régions pour informer les maçons des menaces et des enjeux liés au renouvellement de l'accord. Et surtout pour les préparer à la lutte. Projecteur sur l'une de ces réunions, à Martigny, en Valais...

Réunis le 15 février en assemblée à Martigny, plus de 25 travailleurs de la construction ont été informés de la lutte à mener pour préserver leurs acquis et arracher une augmentation de salaire

Ambiance grave jeudi 15 février dernier au Centre culturel portugais à Martigny. Plus de 25 ouvriers de la construction ont écouté, dans un silence religieux ou presque, les risques qui pèsent sur leurs acquis. Ouvrant la séance Manuel Leite, secrétaire syndical, a rappelé que la Convention nationale (CN) arrivait à échéance à la fin de l'année et fait part de la position patronale à ce stade des négociations. Une ligne dure... «Bien que vos salaires n'aient pas été augmentés depuis quatre ans, les employeurs refusent d'entrer en matière sur une hausse. Ils se justifient par des prévisions négatives. C'est faux!» Et le syndicaliste d'argumenter sur les gains patronaux qui ont pris l'ascenseur, les travaux étant exécutés toujours plus rapidement et avec moins de personnel. «On ne cesse d'augmenter les cadences. On vous demande toujours davantage de disponibilités. Et on ne vous donne rien de plus au final.» Si l'approbation se lisait sur les visages, aucune réaction des participants, dont une majorité d'origine portugaise, ne s'est faite entendre... Conséquence d'une longue et pénible journée de travail? Résignation? Sans attendre, Manuel Leite a poursuivi avec force. «Il faut absolument que l'on parvienne à renouveler la CN. Il en va de la préservation des salaires minimums, des vacances, du 13e, du paiement des heures supplémentaires, de la protection contre les licenciements, etc.» Et le syndicaliste d'appuyer une nouvelle fois où ça fait mal: «Les représentants patronaux estiment que les salaires sont trop élevés en Suisse. Ils veulent couper dans les rémunérations de ceux qui débutent, réduire celles des travailleurs âgés, estimant qu'ils ne sont plus assez productifs, augmenter les heures de travail sans compensation... On ne peut pas accepter de telles conditions. On demande 150 francs d'augmentation de salaire, davantage de protection pour les travailleurs de 50 ans et plus, l'assurance du maintien de la retraite anticipée...»

Appel à la lutte
Dans ce contexte, l'orateur a appelé les ouvriers à se préparer à la lutte. En d'autres termes à être prêts à mener des actions, des pauses d'avertissement et des grèves, «seul moyen pour faire contrepoids aux patrons». Un premier carton rouge sera délivré à la Société suisse des entrepreneurs le samedi 23 juin à Zurich où elle a son siège, à l'occasion d'une manifestation nationale des maçons. Et Manuel Leite de marteler: «Réservez cette journée. Parlez à vos collègues. Engagez-vous. Si vous ne défendez pas vos acquis, personne ne le fera pour vous. Le syndicat, c'est vous tous. Isolé, le travailleur ne peut rien, mais collectivement, on ne peut vous effacer d'un coup de pelle.» Un discours alarmiste qu'est venu encore corroborer Jeanny Morard, secrétaire régional d'Unia. «Voilà plus de 30 ans que je travaille à Unia, ce renouvellement conventionnel est le plus difficile que j'ai jamais connu jusqu'alors. Nous sommes proches du clash définitif. Sans mobilisation, sans grèves, pas de Convention.» Et le responsable syndical de noter encore que le Valais ne pourra espérer tirer son épingle du jeu via un arrangement cantonal sur les salaires. Jeanny Morard a par ailleurs informé l'assemblée sur la situation des retraites anticipées.

Avis partagés
Si les travailleurs n'ont posé aucune question ni fait de commentaire durant la réunion, certains ont accepté, à son issue, de s'exprimer anonymement. «La grève? Oui, je peux l'imaginer», affirme un machiniste qui, toutefois, prendra sa retraite à la fin de l'année. Même son de cloche d'un collègue qui estime lui aussi qu'il faut se battre et note, après 45 ans passés dans le bâtiment, que les cadences n'ont cessé de s'accélérer. Beaucoup plus pessimiste, un contremaître, 39 ans, relève: «Les ouvriers sont encore trop bien payés pour se mobiliser - il n'y a qu'à voir ce soir, la salle est loin d'être pleine. Ils ne se rendent pas vraiment compte. Il faut qu'une crise véritable éclate pour qu'ils se bougent.» Un chef d'équipe, la cinquantaine, estime dans tous les cas la lutte légitime. «Nos salaires stagnent depuis quatre ans. On travaille de plus en plus vite, avec toujours moins de personnes. On traite les gens n'importe comment. On menace de les licencier s'ils ne sont pas contents. Il y a beaucoup de monde pour faire le job avec l'explosion des temporaires. On prend. On jette. J'ai vu jusqu'à trois machinistes se succéder sur un chantier. C'est de pire en pire», lance le travailleur qui n'en apprécie pas moins sa profession - «J'aime construire». Et pense que ses collègues suivront, comme lui, un éventuel mouvement de grève. «Ils viendront. Beaucoup de manœuvres sont mal payés. Certains rentrent même au pays. On est confronté à des conditions difficiles. Le travail est dur. On bosse sous la neige. Et à la fin, il n'y a pas assez d'argent.» Un avis que ne partage pas un autre de ses compatriotes portugais, 56 ans, casquette vissée sur la tête et verve critique. «Tout le monde a peur. Ils ne viennent même pas au syndicat. Moi, ça m'est égal. Je ferai grève pour les salaires, pour les retraites... enfin, si je ne suis pas tout seul...»

Sonya Mermoud



Valais: «Vos rentes ne sont pas en danger!»
L'assemblée a aussi été l'occasion de faire le point sur la santé de la caisse valaisanne de retraite anticipée de la construction gérée par la Fondation Retabat et qui permet aux ouvriers du secteur d'arrêter leur activité à 60 ans. Cette dernière - qui a, pour pendant national, la FAR (Fondation pour la retraite anticipée) - prévoit d'augmenter les cotisations de 6 à 7,5%. «Ce taux sera maintenu jusqu'à ce qu'on obtienne une couverture acceptable. Après, il devrait s'aligner sur celui de la FAR, soit 7%», a relevé Jeanny Morard, précisant que chaque rente annuelle de 50000 francs doit faire l'objet d'une provision sur cinq ans soit 250000 francs (jusqu'à 65 ans). Une première hausse avait déjà été introduite en 2014 - de 5 à 6% - pour faire face à la génération des baby-boomers, en clair aux nombreuses personnes arrivant à la retraite entre 2019 et 2024. Parallèlement aux mesures prises, les assurés ne touchent désormais la première année qu'une demi-rente. Là encore, il s'agit d'une disposition provisoire, le temps d'assainir les finances. «Vos rentes ne sont pas en danger. Le retour à la normale est garanti. La Fondation dispose aujourd'hui déjà d'une fortune inégalée par le passé», a rassuré à plusieurs reprises Jeanny Morard qui a aussi souligné l'avantage de Retabat sur la FAR. «Les rentes Retabat sont calculées sur l'année. Elles ne tiennent pas compte du chômage saisonnier de deux mois l'hiver. C'est un avantage énorme.» Et le responsable régional de se réjouir que rien ne pourra jamais arrêter le système de retraite anticipée, «sinon, il faudrait rembourser des millions aux personnes ayant déjà cotisé. Impensable. Voilà notre force!»
SM

 

Prêts à se défendre
Attaques frontales contre les salaires, les conditions de travail et la retraite anticipée: hors de question de se laisser faire! Réunis samedi dernier en conférence professionnelle à Olten, quelque 300 délégués de la construction ont affiché leur détermination à se battre pour préserver leurs acquis et une bonne Convention nationale, l'actuelle arrivant à échéance à la fin de l'année. Ils ont précisé être prêts à descendre dans la rue pour défendre leurs droits. Et dénoncé «les plans de démantèlement massifs des entrepreneurs» qui entendraient réduire les salaires des maçons qualifiés, tailler dans les rémunérations des travailleurs âgés arguant une baisse de rendement et introduire la semaine de 50 heures! La Société suisse des entrepreneurs remet aussi en question la retraite anticipée à 60 ans. «Elle dit que le modèle actuel coûtera trop cher ces prochaines années et demande la retraite à 62 ans ou 30% de rente en moins par mois. Cela représenterait une rente mensuelle moyenne d'environ 3000 francs. Avec une tel montant, pratiquement plus personne ne pourra se permettre d'anticiper sa retraite», a dénoncé Unia dans un communiqué. Inacceptable pour l'assemblée qui a promis de lutter pour le maintien du statu quo. Elle a exigé en outre une majoration générale des salaires. Et pour cause, ceux-ci n'ont pas été augmentés depuis quatre ans et ce quand bien même, observe encore le syndicat, le secteur connaît un boom et que le coût de la vie, lui, a pris l'ascenseur. Et Unia de dénoncer les «exigences radicales incompréhensibles» des patrons, non sans rappeler la situation prévalant sur les chantiers: «Alors que l'activité dans le secteur a progressé de près de 30% au cours de ces dix dernières années, le nombre de travailleurs a reculé. En outre, le travail est toujours plus souvent externalisé et confié à des entreprises sous-traitantes douteuses qui pratiquent le dumping salarial. Le travail temporaire précaire fait concurrence aux emplois stables.» Autant dire que les mois à venir pourraient s'annoncer particulièrement houleux dans la branche. A noter que la Convention qui la régit est l'une des plus importante du pays et couvre quelque 100000 travailleurs.
SM