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Un bilan canicule catastrophique

Maçons sous un soleil de plomb.
© Neil Labrador/archives

Selon les syndicats, l’organisation du travail pour protéger les travailleurs a clairement été inexistante.

Unia, le Sit et Syna tirent la sonnette d’alarme sur les conditions de travail des ouvriers de chantiers à Genève durant cet été caniculaire

«Faut-il avoir des morts sur les chantiers, comme dans d’autres pays, pour que la protection des travailleurs soit une priorité avant l’avancement des travaux? L’Etat peut-il continuer à ne pas prendre ses responsabilités et à permettre que les routes soient goudronnées pendant la période caniculaire? Les organes de contrôle ont-ils continué à ne pas sanctionner les entreprises qui mettent en danger les travailleurs?» Après un été caniculaire, trois syndicats genevois actifs dans le secteur de la construction alertent sur la situation qui prévaut sur les chantiers.

Devant les médias dans la ville du bout du lac, le 25 août dernier, et dans un communiqué, Unia, le Sit et Syna tirent à boulets rouges sur l’absence de mesures prises par le patronat pour protéger la santé des travailleurs, et sur l’inaction des organes de contrôle. Ils soulignent, une fois encore, les obligations légales des employeurs comme assurer des pauses régulières, fournir de l’eau fraîche et un équipement adéquat, organiser les chantiers différemment en programmant des travaux plus légers les après-midi, voire en donnant congé.

Mise en danger des travailleurs

Après avoir visité des centaines de chantiers cet été, les trois syndicats dénoncent: la grande majorité des entreprises n’ont pas formé ni informé les travailleurs sur les risques liés à la canicule et sur les mesures à prendre pour se protéger, certaines n’ont pas distribué d’eau fraîche comme le prévoit la loi, ni fourni de la crème solaire, ni des vêtements légers, ni des lunettes de soleil, ni de protège-cou, ni mis à disposition des lieux frais pour les pauses. «Manifestement, les entreprises concernées, et cela est particulièrement grave, n’ont toujours pas compris qu’il incombait aux employeurs d’assurer la protection du personnel», soulignent les syndicats qui ont dû insister notamment sur l’importance des pauses durant l’après-midi. Et d’ajouter: «Les entreprises n’ont également pas organisé les activités de telle manière que le travail le plus pénible soit effectué le matin et le plus léger l’après-midi. L’organisation du travail pour protéger les travailleurs a clairement été inexistante. Certaines entreprises du génie civil, dans le cadre de travaux publics, ont même maintenu le goudronnage de routes dans l’après-midi, par une chaleur extrême, mettant en danger la santé et la sécurité des travailleurs, alors que les pics de canicule étaient connus de toutes et tous. Il faut remarquer que certaines de ces entreprises sont récidivistes.»

«La question des travailleurs temporaires est aussi importante, car les entreprises de construction et les agences de placement se renvoient la balle concernant la mise en place des mesures de protection», renchérit José Sebastiao, secrétaire syndical d’Unia Genève, qui précise: «Ce ne sont pas des critiques, mais des constats.»

Des dénonciations restées lettre morte?

Du 13 juillet au 12 août, les syndicats sont intervenus directement auprès de 25 entreprises et ont effectué 50 dénonciations auprès des organismes de contrôle: l’OCIRT (Office cantonal de l’inspection et des relations du travail) et l’IPE (Inspection paritaire des entreprises). «Si nous savons que l’IPE a effectué quelques contrôles sur le terrain, selon nos informations, l’OCIRT effectue les contrôles par courrier, en demandant aux entreprises si elles ont mis en œuvre les mesures, pointent les syndicats. La tendance qui prédomine est plutôt à la mansuétude à l’égard des entreprises qui dysfonctionnent alors que les infractions commises constituent, au sens du Code pénal, de véritables mises en danger de la santé et de la vie des travailleurs.» Dès lors, ils appellent les associations patronales à assumer leurs responsabilités; les organes de contrôle à être plus réactifs et fermes dans leurs interventions qui doivent se conclure, au besoin, par des sanctions exemplaires; et l’Etat a une plus grande responsabilité sur ses propres chantiers, même si le délai des travaux dû aux intempéries ou à la canicule doit être rallongé. «Si rien ne bouge l’été prochain, on déposera des plaintes pénales pour mise en danger de la santé des travailleurs», assène José Sebastiao. Enfin, les syndicats exigent un fonds Intempéries-canicule avant l’hiver. «Ce fonds est discuté depuis quinze ans avec le patronat, sans résultat. Et depuis le début de l’année avec l’Etat de Genève. Il est temps de passer à l’action pour aboutir à ce fonds avant l’hiver. Les critères d’arrêt des chantiers doivent être clairs», ajoute le secrétaire syndical, pour qui ces interruptions doivent être ajoutées aux délais pour éviter les pénalités. Il complète: «Ce fonds alimenté par le patronat et l’Etat devrait être actionné dès le premier jour, sans délai de carence.» Car si le Canton de Vaud possède déjà son fonds Intempéries, le délai de carence de deux jours, ou de quatre demi-journées, reste un frein à l’arrêt des chantiers. «Je crois que la situation est la même partout, dans tous les cantons», résume Sébastien Genton, secrétaire syndical d’Unia Vaud. Pendant ce temps, la Société suisse des entrepreneurs, au niveau national, préconise une flexibilisation du temps de travail et donc la possibilité de prolonger les horaires l’été…

Pour l’OCIRT, le bilan est positif

Face aux critiques des syndicats, l’OCIRT (Office cantonal de l’inspection et des relations du travail) répond aux questions de L’Evénement syndical par l’intermédiaire de la porte-parole du Département de l’économie et de l’emploi (DEE), Esther Mamarbachi.


Quel bilan tire l’OCIRT concernant la situation sur les chantiers durant cet été caniculaire?

Le bilan est positif. La collaboration entre l’inspection paritaire des entreprises (IPE) et l’Inspection du travail (IT – un des services de l’OCIRT) a très bien fonctionné. Il a notamment été convenu – et communiqué aux syndicats – que l’IPE fournissait une équipe de terrain qui pouvait intervenir pour effectuer des constats sur place tandis que l’Inspection du travail se chargeait principalement de la prise de mesures sur la base des constats effectués par l’IPE.

L’OCIRT n’effectue-t-il ses contrôles que par courrier comme le regrettent les syndicats?

Comme déjà dit précédemment, il y a répartition de travail entre l’IT et l’IPE. L’IT peut aussi effectuer des contrôles de terrain en cas d’urgence ou d’indisponibilité d’inspecteurs IPE. Ce qui a notamment été fait cet été.

Que deviennent les dénonciations des syndicats auprès de l’OCIRT?

Toute dénonciation est traitée. Mieux elle est étayée, plus rapide sera son traitement. Ainsi, les dénonciations effectuées cet été auprès de l’OCIRT n’ont pas toutes pu être suivies d’effets, car les dénonciations syndicales étaient peu documentées, voire lacunaires. Si la dénonciation est trop générale, l’OCIRT et l’IPE doivent préalablement démarrer un contrôle, ce qui prend bien évidemment plus de temps.

Avez-vous fermé ou suspendu des chantiers? Avez-vous vu des améliorations entre le début et la fin de l’été?

Cet été, nous avons procédé à une interdiction préventive d’activité sur le chantier de Pictet-de-Rochemont (pose de revêtement phono-absorbant). Entre le début et la fin de l’été, la situation s’est évidemment améliorée au gré de nos interventions, lorsque des mesures ont été demandées par l’IT.

Qu’en est-il du projet de fonds Intempéries-canicule?

Nous n’avons pas attendu la période caniculaire de cet été pour nous pencher sur la situation, parfois critique des employés, notamment sur les chantiers. Les syndicats le savent, puisqu’ils font partie du groupe de travail «Intempéries-canicule» mis sur pied par le Conseil de surveillance du marché de l'emploi (CSME) au début de l’année, à leur demande. Il s’agit d’un groupe de travail tripartite (syndicats, associations patronales et Département de l’économie et de l’emploi). Les discussions sont en cours et le DEE est bien sûr favorable à ce qu’une solution soit trouvée, par exemple avec la création d’un fonds Intempérie-canicule.

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