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Fausses priorités

Faut-il consacrer six milliards de francs à l’achat de nouveaux avions de combat? A la suite de l’aboutissement du référendum lancé par le PS, les Verts et le Groupe pour une Suisse sans armée, le peuple est appelé à trancher sur la question le 27 septembre prochain. Un sujet qui avait déjà été soumis au verdict des urnes. En 2014, les Suisses avait refusé l’acquisition de 22 Gripen suédois. La facture atteignait alors pourtant «seulement» les 3,1 milliards de francs. Pas de quoi décourager le département de Viola Amherd, qui est revenu à la charge avec une proposition deux fois plus chère. Et attend désormais des votants qu’ils signent un chèque en blanc, ceux-ci se prononçant uniquement sur une ligne de crédit non sur le nombre et le type d’appareils – plusieurs constructeurs et modèles sont en lice. Une flotte qui, selon les opposants, générera, tout au long de sa durée de vie, un coût total de 24 milliards de francs en calculant les frais d’exploitation et d’entretien. Moins, affirment ses partisans, articulant plutôt le montant de 18 milliards. Mais au-delà de la bataille des chiffres, on peut franchement douter de la pertinence de l’acquisition de luxueux jets alors que les menaces ont largement changé de nature entre terrorisme, cyber-attaques et espionnage. Une guerre traditionnelle aérienne dans une Europe centrale pacifiée paraît pour le moins improbable. Un espace placé de surcroît sous le bouclier de l’Otan. Certes, la Suisse, souveraine, doit être en mesure d’assurer les capacités de sa police du ciel. Mais cette dernière doit être proportionnelle aux risques encourus. Des appareils moins chers, plus légers et plus écologiques, le prolongement de la vie des modèles existants et le développement au besoin de la défense sol–air feraient largement l’affaire.

Quoi qu’il en soit, au-delà de l’adhésion ou non à cette vision militariste et guerrière, le moment pour de telles dépenses est particulièrement mal choisi. Après les efforts consentis par la Confédération pour atténuer les graves conséquences financières de la crise liée au coronavirus et une récession économique annoncée. L’acceptation de ce projet pourrait bien aussi priver indirectement d’autres départements de ces précieux deniers publics, le budget fédéral n’étant pas extensible à souhait, martèlent les partisans du moins d’Etat. Il serait pourtant aujourd’hui nettement plus judicieux d’investir dans des domaines essentiels comme ceux de la santé – le système sanitaire a clairement montré ses limites – de la formation et de la transition écologique. Le réchauffement climatique et ses corollaires sur la vie présentent un péril autrement plus sérieux et urgent qu’une potentielle attaque de nos voisins. Et aucun avion de combat ne pourra nous en protéger. Bien au contraire. Les nouveaux jets contribueront encore à aggraver la situation en raison de leur impact environnemental catastrophique. A titre d’exemple, en une seule heure de vol, un F-A/18 consomme 4850 litres de kérosène. Soit, en matière de CO2 rejeté dans l’atmosphère, l’équivalent des émissions engendrées par une voiture parcourant 2,5 fois le tour de la planète. La fonte du permafrost générera, elle, d’autres épidémies...

De quoi laisser songeur quant aux priorités que se fixent le Conseil fédéral et des parlementaires qui semblent n’avoir toujours pas vu le train passer en se positionnant en faveur du renouvellement d’une flotte polluante et disproportionnée. Des avions de combat appartenant à un scénario d’anticipation d’un autre temps.