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Interpeller par l'écriture

Il y a quelques années Lolvé Tillmanns a le courage de réaliser son rêve: écrire. Elle s'épanouit dans sa nouvelle vie

Elle-même n'aurait jamais pensé en arriver là. Après des études d'histoire économique et en sciences de l'environnement, Lolvé Tillmanns travaille de manière «classique». Active dans le marketing aux Services industriels de Genève puis chez Rolex, son poste est confortable. Une belle carrière s'ouvre devant elle. Mais cela ne suffit pas. A 29 ans, après une grande remise en question, elle décide de tirer un trait sur cette vie. «Je voulais écrire. Je me suis donnée six mois pour voir, et en quelques semaines j'étais convaincue.» A ce moment-là, il y a six ans, Lolvé Tillmanns n'a jamais vraiment écrit. «Quand je saute le pas, je sais que je suis à l'aise avec la langue française, avec l'expression écrite, mais je ne sais pas si je suis capable d'écrire un roman.» Jusqu'ici, elle «gribouillait». Elle avait des idées d'histoires, des bribes de choses qui tournaient dans sa tête, mais qu'elle n'avait jamais posées sur le papier. «Ecrire n'est ni facile, ni agréable, cela demande beaucoup d'énergie. Je me sentais incapable d'écrire des romans le dimanche après-midi.» De son ancienne vie, elle n'a aucun regret. Même si c'est plus compliqué financièrement, cette Genevoise d'adoption préfère son indépendance. Du coup, elle cumule les petits boulots, notamment des cours de français et d'alphabétisation pour adultes réfugiés ou expatriés. Et en parallèle, elle écrit. Après avoir démarché une vingtaine d'éditeurs, Cousu Mouche décide de la publier. En 2014, son premier roman «33, rue des Grottes» sort. Et ça s'enchaîne. «Rosa» sera publié en 2015 et «Les Fils» en 2016. Le prochain, «un Roméo et Juliette au bord du lac Léman», est prévu pour mars 2018.

Passionnée de lecture
Si Lolvé Tillmanns n'a pas suivi le parcours classique, tout la prédestinait à cet avenir. Des parents aux trajectoires artistiques, une enfance baignée de littérature et un prénom qui en dit long. Car non, Lolvé n'est pas un pseudo mais une référence au «Ravissement de Lol. V. Stein» de Marguerite Duras. «Avant tout, je suis une lectrice. Je lis beaucoup, tous les jours. Petite, ma mère m'emmenait souvent dans les librairies et je pouvais choisir ce que je voulais. C'était la seule chose sur laquelle il n'y avait pas de limite.» Plus tard, elle dévore les bouquins de sa mère, de la littérature russe classique aux romans. «Puis j'ai lu ce que moi j'aimais.» A savoir de la littérature nord-américaine, mais aussi chinoise, culture, pays et langue qu'elle affectionne particulièrement. Aujourd'hui, Lolvé Tillmanns lit de tout, elle adore Philip Roth, Edgar Hilsenrath ou encore Charles Bukowski; elle lit même des choses qu'elle n'aime pas forcément mais dont elle sait apprécier la qualité. «J'essaie de m'intéresser à tout afin de comprendre l'époque dans laquelle nous vivons.» Ce qu'elle préfère, et ce qu'elle reproduit dans ses propres romans, ce sont les livres qui secouent, qui montrent la complexité du monde et du genre humain, dans un style direct et contondant. «L'idéal pour moi serait d'écrire un livre dans lequel il n'y a pas un mot de trop, pas de mot compliqué. J'aime parler de la réalité, et pour moi, la réalité est directe et dure. Faire compliqué juste pour faire compliqué ne m'intéresse pas du tout, cela me paraît pédant et élitiste.»
Des grands yeux bleus, un teint de porcelaine, de longs cheveux blonds lâchés et juste un peu de rouge sur les lèvres. Un physique angélique qui contraste avec la noirceur humaine, qu'elle aime donner à voir. «Si vous cherchez à vous divertir, il ne faut pas me lire. En refermant le livre, je veux que mes lecteurs soient secoués, qu'ils réfléchissent, qu'ils se remettent en question. J'aime provoquer des questionnements, mais aussi porter un regard différent sur les choses en exposant des points de vue minoritaires, notamment ceux des femmes.»

Rigueur personnelle
Dans ses livres, si le contexte et les protagonistes changent, la jeune romancière, fan de Lars von Trier, traite de thèmes qui reviennent souvent, à savoir la gestion de la violence et du traumatisme, la mémoire ou encore l'interaction entre les différentes classes sociales. Avec des clins d'œil assez autobiographiques. «J'aime dire que tout ce que j'écris est vrai, et tout ce que j'écris est faux. C'est toujours moi et jamais moi... Mes histoires sont recomposées de mon vécu, des gens que j'ai côtoyés, elles passent par mes filtres et mes expériences, donc il y a forcément un peu de moi dedans.»
Rigoureuse, Lolvé Tillmanns tient à garder une certaine discipline. «Chaque moment que je consacre à l'écriture, je me force à travailler vraiment. Ce qui prend le plus de temps, c'est la phase de réflexion, de recherche. Une fois que le projet est ficelé dans ma tête, l'écriture est ce qui va le plus vite.» Et quand elle écrit, Lolvé Tillmanns s'impose un mode de vie quasi monacal. «Je mange sainement, je dors beaucoup et je vois peu de gens.» Idéalement, elle aimerait avoir plus de revenus liés à la littérature afin de pouvoir s'y consacrer davantage. «J'aimerais devenir écrivain au sens technique du terme, que cela représente au moins 60 à 70% de mes revenus, et non 10 ou 20% comme c'est le cas aujourd'hui...» Son rêve ultime: écrire une véritable œuvre d'art qui change le monde et qui soit encore lue dans 50 ans. «Il ne faudrait tout de même pas que je sois trop contente de moi trop vite, sinon je n'écrirai plus rien» s'amuse-t-elle.

Manon Todesco

http://www.lolvetillmanns.ch