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«Je ne supporte pas les injustices»

Angélique Jaquier
©Thierry Porchet

Fervente militante genevoise d’Unia, Angélique Jaquier s’est toujours battue pour ses idées, avec l’espoir d’offrir un monde meilleur à ses enfants.

Angélique Jaquier est une grande gueule, et elle assume. «J’aime dire les choses en toute franchise, que ça plaise ou non.» Jeune maman de 33 ans, la Genevoise a gardé cette spontanéité et cette hargne qu’elle avait ado, quand elle était batteuse dans un groupe de punk. Aussi loin qu’elle s’en rappelle, elle s’est toujours mobilisée pour défendre ses droits et ses idéaux. Révoltée par les injustices, elle commence toute jeune à battre le pavé lors des manifestations. Adepte de la débrouille, Angélique Jaquier s’en est souvent sortie par ses propres moyens. Jusqu’à un certain point. Vendeuse depuis l’âge de 19 ans dans une enseigne de chaussures, des tensions commencent à se créer au bout de douze ans de service. «Je me suis sentie dépassée, je ne pouvais plus avancer toute seule, je me suis donc syndiquée à Unia et j’ai intégré le comité vente.» Elle trouve au syndicat une écoute attentive et bienveillante, mais aussi des conseils. Deux ans plus tard, elle est licenciée. «On m’a reproché d’être trop revendicatrice et de ne pas respecter ma hiérarchie alors que je ne faisais que réclamer une augmentation de salaire qui me revenait de droit.» Déterminée, elle attaquera son ancien employeur pour licenciement abusif et obtiendra gain de cause. «La vente, c’était fini pour moi. Bien que j’aie adoré la relation avec les gens, c’est un métier difficile dans lequel il faut toujours être de bonne humeur. On est sans cesse épié par notre supérieur. Et puis je ne supportais pas la société de consommation capitaliste que la vente représentait.»

Donner du sens

A compter de ce moment, Angélique Jaquier part en croisade pour trouver le job de ses rêves. Elle veut défendre les gens, se sentir utile. Elle se forme en autodidacte, suit des cours avec Movendo. Elle participera quelques mois à la permanence Papyrus à Unia Genève. «Cela m’a confortée dans le fait que j’étais sur le bon chemin.» Elle espère un poste de secrétaire syndicale, et puis, finalement, tombe sur une annonce pour une place d’inspectrice paritaire dans l’industrie mécatronique. Elle postule, passe trois entretiens d’embauche, «les plus durs de ma vie», et se fait engager en juillet 2017. «Je m’assure de la bonne application de la convention dans les entreprises de la branche et auprès des travailleurs.» En parallèle, tout récemment, elle a prêté serment en tant qu’inspectrice de l’Inspection paritaire des entreprises (IPE) pour la partie syndicale. «Je n’ai plus l’impression de ne servir à rien. Après avoir moi-même vécu la sous-enchère et les abus sur mon lieu de travail, je peux enfin faire valoir les droits des travailleurs mais aussi empêcher les entreprises malhonnêtes de pratiquer de la concurrence déloyale, c’est ce pour quoi je suis faite.»

La mécatronique, ce n’est pas une branche qui la dépayse. Avant d’être vendeuse, Angélique Jaquier a fait des études d’électronique en multimédia. «Je voulais réparer les téléviseurs, mais le métier était en perte de vitesse et ce qu’il était devenu ne m’intéressait pas.» Un monde de mecs, qui colle avec son côté «garçon manqué». «J’ai toujours été hors cadre. Petite, je jouais aux voitures et je grimpais aux arbres avec mes cousins, du coup j’étais la risée de mes trois sœurs qui étaient, elles, très fifilles.» Elle est d’ailleurs la seule fille de sa classe en électronique. «J’ai eu le droit à des réflexions sur mes tenues vestimentaires.» Tout un parcours qui a forgé son caractère et son militantisme féministe.

Famille et éducation

Son autre cheval de bataille, c’est sa famille. Maman d’un garçon de 11 ans et d’une fille de 9 ans, elle entend leur transmettre ses valeurs. «J’essaie au mieux de leur donner une éducation égalitaire. J’aime aussi les emmener aux grands rendez-vous qui me tiennent à cœur, comme le 1er Mai, pour leur montrer que rien n’est gravé dans la pierre et qu’il faut oser se battre et dire les choses pour obtenir des avancées.» Angélique Jaquier désire aussi leur offrir une vie simple. Etre bien entourée, partager de bons moments entre amis et des vacances en camping «à l’arrache».

Par la force des choses, elle est aussi très engagée dans le monde associatif pour l’inclusion scolaire. Elle a d’ailleurs intégré la commission ad hoc du Département de l’instruction publique. Son fils, diagnostiqué hyperactif, a été renvoyé de son école du jour au lendemain, à 6 ans. «C’est un enfant agité qui a de la peine à se concentrer, mais nous n’avions de loin pas tout essayé, ils voulaient clairement s’en débarrasser.» Après avoir passé huit mois à lui faire l’école à la maison, elle obtient une place dans une école privée subventionnée. «Je ne m’arrêterai pas là, car pour moi, la solution c’est l’école inclusive. Elle est prévue par la loi genevoise, mais dans les faits, c’est une vitrine publicitaire. L’intégration des enfants en difficulté dans les écoles dites traditionnelles reste au bon vouloir des directeurs d’établissement.» Pour Angélique Jaquier, il reste encore beaucoup à faire. Mais notre militante est confiante. «Je suis une utopiste, je l’ai d’ailleurs tatoué sur ma peau. La vie m’a appris que chaque petit changement est une victoire, et j’ai l’espoir de voir changer les choses pour mes enfants.»