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La France en grève

Mobilisation à Annecy le 5 décembre 2019.
© Thierry Porchet

A Annecy, en France voisine, 7500 personnes selon la CGT ont défilé pour dire Non au nouveau système de retraite à points du gouvernement Macron.

Le 5 décembre, 1,5 million de personnes ont battu le pavé dans tout l’Hexagone pour s’opposer à la réforme des retraites. La grève a paralysé une partie du pays

Pour les syndicats français, le 5 décembre aura été un succès. La grève a été massivement suivie dans les transports, les aéroports, l’enseignement, les raffineries, chez les gaziers et les électriciens, la fonction publique, mais aussi dans le privé. Temps forts de la journée, les quelque 245 cortèges ont rassemblé dans tout le pays plus de 1,5 million de personnes selon les syndicats, 800000 selon le gouvernement. Cheminots, étudiants, retraités, profs, Gilets jaunes, pompiers, policiers, professions libérales ou encore industrie, le mouvement a ratissé large et une vraie convergence des luttes a eu lieu. Les raisons de leur colère? La réforme des retraites concoctée par le gouvernement d’Emmanuel Macron, qui devrait être présentée au Parlement début 2020. Sur la table depuis 18 mois, cette réforme propose de mettre fin aux 42 caisses de retraite, et donc aux régimes dits spéciaux (SNCF, RATP, mines, fonction publique, Banque de France, etc.) afin de mettre en place une retraite universelle avec un système par points, mais aussi de repousser l’âge de la retraite. Autrement dit, au lieu de calculer la rente sur les meilleures années d’activité du travailleur, l’ensemble de sa carrière sera pris en compte. Tous les temps morts tels que chômage, temps partiel imposé, congé parental ou encore les périodes de bas salaires joueront en sa défaveur. Les contours définitifs de la réforme sont encore flous, mais ce dont les syndicats sont sûrs, c’est qu’elle ne fera que des perdants. Ces derniers appellent plutôt à un ajustement du système actuel, qu’ils jugent le meilleur du monde. Quant au problème du financement des retraites, ils exigent que les femmes soient enfin payées comme les hommes, ce qui permettra de faire rentrer des cotisations supplémentaires dans les caisses de l’Etat et de résoudre le problème de la misère qui touche les retraitées. A l’heure où nous mettions sous presse, alors que le gouvernement maintenait le cap et restait déterminé à introduire cette réforme, les syndicats appelaient à la poursuite du bras de fer. Lundi, Jean-Paul Delevoye, ministre en charge du dossier, recevait les syndicats pour leur présenter ses conclusions. Il devait, dans la foulée, s’exprimer pour «préciser l’architecture de la réforme».


7500 manifestants à Annecy

«L’Evénement syndical» s’est rendu en Haute-Savoie, à Annecy, pour prendre le pouls de la grève. Ville riche qui recense beaucoup de travailleurs frontaliers, elle a quand même rassemblé plus de 7500 manifestants selon la CGT (4500 selon la police) de tous les horizons. Signe que le malaise est profond, et va au-delà de la question des retraites. Témoignages

Philippe, 54 ans, employé de Carrefour

«Déjà que nos salaires sont bas et n’évoluent plus, maintenant on veut nous imposer des retraites de misère, c’est inadmissible! Cela fait 24 ans que je travaille chez Carrefour, et je gagne 1400 euros par mois sans les primes. Quand on sait qu’elle fait partie de ces entreprises nourries par le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et les aides de l’Etat, c’est scandaleux.»


Rachid, 52 ans, délégué syndical CGT Carrefour

«De nombreux collègues qui ont entre 20 et 25 ans d’ancienneté sont juste au-dessus du SMIC. D’ailleurs, beaucoup ne peuvent pas être là aujourd’hui, car ils ne peuvent pas se permettre financièrement de faire la grève. On est tous nivelés vers le bas, on ne fait que s’appauvrir. Avec la nouvelle réforme des retraites, on sera tous perdants, ceux du privé comme ceux du public: chez nous, une caissière perdrait jusqu’à 200 euros de pension par mois.»


Pierre, 82 ans, retraité de la Direction départementale de l’équipement (DDE)

«J’ai toujours été un militant de gauche et, aujourd’hui, je suis là en solidarité avec les travailleurs, mais aussi pour m’opposer à la politique du président Macron. Il est en train de détruire notre société démocratique et républicaine, et veut nous imposer un libéralisme financier débridé et inhumain. Il veut nous construire une société à l’américaine, dans laquelle les patrons et la finance sont rois et dans laquelle on détruit les services publics et la protection sociale, mais qui est une vision déjà dépassée.»


Karelle, 43 ans, professeure des écoles

«La réforme va toucher tous les salariés et tous les fonctionnaires, mais nous, enseignants, sommes les grands perdants de cette réforme. Notre retraite ne sera plus calculée sur les six derniers mois de notre carrière mais sur son ensemble. De plus, notre pension sera calculée sur la base de nos salaires, sans prendre en compte nos primes. Selon nos calculs, on pourra perdre jusqu’à 1000 euros par mois. Quant aux femmes, ce seront aussi les grandes lésées, car beaucoup ont des carrières échelonnées et il leur manquera des trimestres pour toucher une retraite complète. Sans parler de la volonté du gouvernement d’augmenter l’âge de la retraite à 64 ans… La retraite est un droit pour lequel nos grands-parents se sont battus et on veut avoir des prestations dignes. De l’argent, il y en a dans les caisses de l’Etat!»


Ode, 59 ans, Gilet jaune

«Nous, on est tous les jours dehors. On se bat pour un meilleur pouvoir d’achat, pour que les hôpitaux obtiennent plus de moyens et pour le bien-être de tous en général. On lutte aussi pour maintenir l’accès de tous aux services publics. Aujourd’hui, on se mobilise évidemment contre cette réforme des retraites, et c’était important pour nous d’être présents dans la rue, surtout en Haute-Savoie où la mobilisation est faible en général. Il faut être nombreux pour marquer les esprits.»


Célia, Mathilde, Gaïa, Inès et Andy, entre 22 et 23 ans, enseignants stagiaires

«C’est maintenant ou jamais qu’il faut se bouger. Nous commençons tout juste notre carrière mais nous tenions à être solidaires du mouvement. Nous sommes évidemment contre ce projet, notamment car la valeur du point pourra varier et on se doute bien que, dès que la situation économique sera compliquée, la valeur du point sera gelée, et donc les retraites affectées. Plus largement, nous sommes là car nous sommes souvent entendus mais pas écoutés, et qu’il est urgent que notre métier soit revalorisé.»


Vincent, 52 ans, sapeur-pompier, membre du conseil syndical du SNSPP-PATS

«Aujourd’hui, nous avons droit à un régime spécial qui nous permet de partir à la retraite à 57 ans, même si de nombreux collègues rempilent pour des questions financières. D’après notre ministre Christophe Castaner, celui-ci ne serait pas impacté par la réforme, mais nous n’avons pas plus de détails. Au vu de notre métier, il arrive un âge où il est compliqué d’intervenir en toute sécurité pour la population et nous-mêmes. On demande donc à vraiment pouvoir partir à 57 ans, et on est aussi là en soutien des autres corps de métiers.»


Jeannette, 80 ans, retraitée, Gilet jaune et militante d’Attac

«Je suis contre la privatisation des services publics, mais aussi des aéroports de Paris. En France, tout ce qui est public est en train de disparaître, et nous, citoyens, on nous taxe toujours plus. Aujourd’hui, tout le monde est là derrière les syndicats, et c’est beau à voir.»


Bertrand, 48 ans, cheminot membre de la CGT

«Nous sommes contre cette réforme, on en veut une qui soit vraiment juste. Avec la fluctuation du point, et les possibles baisses de pensions, on ne pourra plus se projeter. Nous allons tous y perdre! Je pense que le gouvernement dramatise la situation financière et que l’objectif est, comme toujours, de baisser le coût du travail. Quant au rail, on veut un vrai développement du ferroviaire pour être dans les clous des exigences de la COP21, mais aussi un vrai service public: les usagers veulent des renseignements et du service, pas des machines! Moi, par exemple, je travaille à l’entretien de l’infrastructure et de plus en plus de tâches sont sous-traitées alors que la direction a reconnu que celle-ci coûtait entre 10 et 15% plus cher et que le travail était moins bien fait...»

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