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Mai 68

Vice-président des Jeunesses socialistes suisses en 1968, j’ai suivi avec beaucoup d’intérêt et de sympathie la semi-révolution de Mai 68 en France et à Paris en particulier. De loin. Avec le recul, me sont venus, tout de même, quelques regrets. Si l’on pouvait défendre la volonté de laisser la jeunesse développer ses potentialités en dehors des cadres antérieurs trop étriqués, il est vite apparu que cette nouvelle génération n’avait plus aucun respect pour les valeurs collectives, bien peu de références à des valeurs universelles, un grand attachement à un égoïsme maladif, une culture de la liberté individuelle absolue. D’où les regrets évoqués ci-dessus.

Deux informations récentes me font nuancer ces regrets. Nous vivions vraiment dans une société coincée, étriquée pour ne pas dire asphyxiée. Bertil Galland publiait Maurice Chappaz dans les Cahiers de la renaissance vaudoise. Or, il a dû arrêter cette collaboration parce que Chappaz avait écrit, dans un ouvrage de grande qualité, trois lignes qui déplurent à Maître Regamey: une scène amusante où des bergers valaisans comparaient la vigueur de leur sexe en érection. A la télévision, hier soir, j’ai appris que Les jolies colonies de vacances, la chanson fétiche de Pierre Perret, était interdite d’antenne en France parce qu’il était expliqué que ces enfants avaient fait pipi dans le lavabo.

Là encore, avec le recul, on se dit qu’une révolution était effectivement nécessaire. Que Ma France de Jean Ferrat fût interdite d’antenne parce qu’il chantait: «La France des travailleurs, celle qui construisit vos usines», on ne s’étonne pas trop. Mais aller jusqu’à interdire la diffusion des Jolies colonies de vacances… il était temps de secouer la maison.

Pierre Aguet, Vevey