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«Nous ne sommes pas fiers de travailler pour Dnata»

Flot de voyageurs à l'aéroport de Genève.
© Neil Labrador

Le flot de passagers à l’aéroport de Genève croît, alors que les conditions de travail du personnel au sol sont extrêmement précaires et pénibles. Seule la moitié des 783 employés de Dnata a un contrat fixe. La charge de travail est énorme, avec du matériel défectueux. Au tri-tagages, un employé manipule 700 valises par jour en moyenne, soit 14 tonnes…

Sous-effectif, matériel vétuste, accidents et contrats précaires: les syndicats dénoncent les conditions de travail chez Dnata et exigent que des négociations s’ouvrent urgemment à l’aéroport de Genève

Dnata est dans le viseur des syndicats genevois. Lors d’une conférence de presse le 22 mai, Unia a dénoncé plusieurs dysfonctionnements au sein de l’entreprise de handling active à Cointrin. Sous-effectif chronique, contrats ultraprécaires et matériel mettant en danger le personnel: les travailleurs sont à bout de souffle. «Tout cela n’est pas nouveau, rappelle le secrétaire syndical Yves Mugny. Les employés ont déposé une plainte auprès de l’OCIRT en janvier dernier, mais il n’y a eu aucune avancée. Au contraire, la situation n’a fait qu’empirer.»

Plus en détails, le syndicaliste dénonce des équipes sous dotées et des absences non remplacées. «Les employés doivent passer d’un service à l’autre, sans être formés correctement au poste.» Le syndicat pointe également un «management très agressif». «Dnata a cassé les conditions de travail en limitant le personnel fixe, désormais à temps partiel.» Sur les 783 personnes employées sur le site aéroportuaire, 416 sont en contrat fixe: 47% ont donc un statut précaire d’auxiliaires, de CDD ou de contrat «zéro heure garantie», une création signée Dnata devenue maintenant la norme. Sans oublier les pauses légales qui sont payées, mais non respectées, et des locaux littéralement délabrés. Enfin, il semblerait que la sécurité ne soit pas assurée sur le lieu de travail. Chariots à bagages ancestraux et peu maniables, freins défectueux, absence de ceintures de sécurité sur les tapis: la liste est longue et les accidents sont courants. «Au tri-bagages, une seule chute de bagages sur treize est équipée de ventouses, poursuit Yves Mugny. Tous les bagages doivent donc être manipulés à la main...» A savoir qu’en moyenne, un travailleur déplace 700 valises par jour, soit 14 tonnes. «Le record de 22 tonnes de bagages en une journée a été atteint récemment.»

Dans ce contexte, Unia pousse un nouveau cri d’alarme. «Si Dnata a touché le fond, les conditions de travail sont difficiles partout à l’aéroport, souligne le secrétaire syndical. C’est pourquoi la CGAS exige l’ouverture immédiate de négociations pour des conditions-cadres dignes.» Une rencontre avec la direction aura lieu le 4 juin prochain. «Il s’agit de mettre des garde-fous pour tous les travailleurs du site. Si les règles en matière de salaire, de santé, de sécurité et de charge de travail ne sont pas satisfaisantes, n’importe quelle entreprise pourra faire de même.»

Témoignages

Marc*, employé au Tri-Bagages

«Chez Dnata, les employés fixes sont au maximum à 60%, pour des salaires d’environ 2500 francs. Pour espérer avoir un revenu décent à la fin du mois, il faut faire des heures supplémentaires. L’obligation d’être ultraflexibles et de nous tenir en permanence à la disposition de l’entreprise nous empêche aussi de trouver un second travail pour compléter. Quant aux auxiliaires, ils sont tellement nombreux qu’ils doivent se répartir les heures: quand ils arrivent à 2000 francs par mois, ils sont déjà contents. Les absences sont fréquentes, et très rarement remplacées: quand j’ai commencé il y a quatre ans, nous étions entre 5 et 6 rouleurs pour faire le job, aujourd’hui, nous ne sommes plus que 3 ou 4. La répétition des tâches et le matériel vieillissant et mal entretenu causent des problèmes chroniques, notamment du dos et des articulations. Et quand on ose se mettre en arrêt maladie, on subit des représailles à notre retour, en se voyant refuser des heures supplémentaires ou attribuer les tâches les plus ingrates.» K

David*, employé à la Piste depuis 2014

«C’est très mal vu chez Dnata de poser des questions sur nos conditions de travail. Il y a un turn-over énorme, et des gens licenciés du jour au lendemain, sans aucune discussion possible. Quand on veut des explications, on nous répond que c’est Dubaï qui commande! Ils nous font des promesses, mais concrètement, rien ne s’améliore. Nous n’avons aucune fierté à travailler pour Dnata, aucun plaisir, on travaille seulement pour être payé à la fin du mois.»

*Prénoms d’emprunt.

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