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Octobre vert

En condamnant l’Etat français pour «carence fautive» dans son «inaction climatique», la justice a pris une décision historique la semaine dernière, qui ravit les défenseurs de l’environnement. A l’image de l’acquittement, en première instance, des douze activistes ayant occupé Credit Suisse de Lausanne en 2019. Dans tous les pays, la prise de conscience de la catastrophe écologique progresse et les initiatives des citoyens, des entreprises, des tribunaux et des Etats fleurissent. Même modestes ou critiquables sous certains aspects – telle la nouvelle Loi sur le CO2 sur laquelle nous voterons cette année – ces mesures semblent aller dans le bon sens. On sent qu’un tournant est pris. Il reste cependant largement insuffisant. Les experts nous le disent: pour limiter à 1,5 °C le réchauffement à la fin du siècle et, donc, l’ampleur des cataclysmes à venir, il faudrait s’engager rapidement dans une réduction massive des émissions. On n’en prend pas le chemin et certains, comme les «collapsologues» Pablo Servigne (Comment tout peut s’effondrer, Le Seuil, 2015) ou Yves Cochet (Devant l'effondrement, Les Liens qui libèrent, 2019), s’y résignent et s’y préparent.

Dans son dernier ouvrage, Que crève le capitalisme, ce sera lui ou nous (Le Seuil, 2020), Hervé Kempf, ancien responsable de la rubrique écologie du Monde et directeur du site Reporterre, appelle, de son côté, à dépasser le fatalisme et à mener la bataille contre la «caste criminelle» qui domine le système. «On ne la convaincra pas, on la contraindra», estime le journaliste. Comment? Hervé Kempf égrène les stratégies, l’action directe sous la forme d’une «guérilla pacifique» restant pour lui une nécessité constante, il se réfère entre autres à Andreas Malm. Dans Comment saboter un pipeline (La fabrique, 2020), écrit avant l’arrivée du Covid-19, cet universitaire suédois envisage sérieusement la solution de la violence matérielle, en rappelant des luttes passées ayant usé d’atteintes à la propriété privée, à l’instar des suffragettes britanniques et de leurs vitres brisées. Malm témoigne de sa participation à une campagne de dégonflage de pneus de SUV en 2007 à Stockholm, qui a provoqué une baisse temporaire des ventes de ce type de véhicules dans son pays. De quoi donner des idées à certains: huit SUV ont été dégonflés un week-end de janvier à Pully (VD), nous apprend la presse. Le hic, c’est que la paralysie de l’appareil de production n’est pas envisagée, alors que, comme le soulignait le journal de Solidarité dans une recension, «le meilleur moyen de saboter un pipeline reste encore de bloquer son fonctionnement».

Après l’expérience de ces derniers mois, Malm juge, dans La chauve-souris et le capital (La fabrique, 2020), que «le temps n’est plus au gradualisme», il évoque cette fois d’impératives «méthodes révolutionnaires»: «Apprendre à vivre sans combustibles fossiles en un rien de temps, briser la résistance des classes dominantes, transformer durablement l’économie, refuser d’abandonner même si les pires scénarios se réalisent, émerger des ruines en usant de la force et des compromis nécessaires, organiser la période transitionnelle de la restauration, habiter le dilemme…» L’anticapitalisme pourrait bien être de retour d’après l’auteur, qui voit dans le socialisme une «banque de graines pour l’urgence chronique». Alors semons à la volée.