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Oui, ça déconne complètement

Un «gouvernement de la honte», c’est ce que dénoncent en France depuis trois semaines les militantes féministes après la nomination de Gérald Darmanin au poste de ministre de l’Intérieur et d’Eric Dupond-Moretti à celui de garde des Sceaux. Le premier est visé par une plainte pour viol en cours d’instruction, après qu’une dénonciation d’une autre femme pour abus de faiblesse a été classée sans suite. Même si le ministre n’est pour l’heure pas inculpé, sa désignation à la place Beauvau ne peut qu’interpeller puisqu’il revient à la police d’enregistrer les agressions sexuelles. En 2019, 52000 plaintes pour ce motif ont été déposées dans l’Hexagone. C’est plus que les années précédentes, semble-t-il, grâce à l’effet «Balance ton porc», mais cela reste certainement bien en-deçà de la réalité. Lui-même accusé, le premier flic de France n’est pas en capacité d’encourager les dénonciations. Quant aux suites judiciaires, les chiffres de 2018 montrent que, sur 34000 personnes accusées de violences sexuelles, à peine 5800 ont finalement été condamnées.

Des «follasses qui racontent des conneries», c’est en ces termes que le nouveau ministre de la Justice a justement dénoncé le mouvement «Me Too» par le passé. Dupond-Moretti avait aussi évoqué un «maccarthysme» dont serait victime le chanteur et meurtrier Bertrand Cantat ou s’était encore élevé contre l’instauration du délit d’outrage sexiste: «Que l'Etat inflige une infraction pour avoir sifflé, on déconne complètement…» Pour compléter ce tableau gouvernemental, fraîchement désignée, la nouvelle ministre à l’Egalité, Elisabeth Moreno, a vanté l’idée d’une «grande complémentarité» entre les sexes. En 2018, alors qu’elle dirigeait HP Afrique, elle avait avoué avoir eu droit dans sa carrière à des blagues sexistes, mais n’en n’avoir pas souffert. «Je ne veux pas que les hommes se sentent gênés, déclarait-elle, les blagues à la machine à café sont très importantes…»

On sait pourtant que les blagues renforcent les préjugés, alors qu’il est nécessaire de lutter contre les préjugés sur le viol et contre la culture du viol, dans les écoles, la police et la justice, auprès des médecins et de l’ensemble de la société. Prenons le cas de ce Français accusé de viol par une douzaine de femmes et poursuivi par la justice étasunienne pour avoir abusé à plusieurs reprises d’une fille de 13 ans qu’il avait soûlée et droguée, il est non seulement laissé en liberté, mais il arrive encore à tourner des films et on va jusqu’à lui décerner la plus grande distinction cinématographique (Polanski). Reste que si Macron, son nouveau gouvernement et la France prêtent le flanc aux critiques, les violences sexistes et sexuelles ne connaissent pas de frontières. Selon une récente enquête de Gfs.bern commandée par Amnesty International, 22% des Suissesses ont déjà subi dans leur vie des actes sexuels non consentis et 12% un rapport sexuel contre leur gré. Mais en 2018, moins de 1300 infractions liées à la violation de l'intégrité sexuelle ont été consignées par la police helvétique.