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Passe d’armes

Revers réjouissant. Le cynique projet d’assouplissement de l’ordonnance relative au matériel de guerre a du plomb dans l’aile. Celui-ci, décidé par le gouvernement, entend autoriser la vente d’armes à des pays déchirés par des conflits internes. Avec des clauses d’exception qui, aussi vagues qu’ambiguës, n’ont pas convaincu.

Dans ce contexte, la Chambre du peuple a mis son holà la semaine dernière. Par 97 voix contre 82 et 11 abstentions, elle a adopté une motion du Parti bourgeois démocratique. Ce texte exige que les règles d’exportation d’armement soient fixées dans la loi. Plus question de laisser au Conseil fédéral la compétence d’édicter des critères. Le Parlement veut se saisir de ce dossier. Et, de facto, permettre à la population de trancher via l’instrument référendaire au besoin. 

Rappelons, pour ceux qui auraient manqué le début de cette vénale histoire, ses épisodes précédents. En juin dernier, le gouvernement annonce sa décision d’alléger la réglementation du commerce de l’armement en ouvrant plus largement le marché aux acheteurs potentiels. Une modification de la pratique défendue par le chef du Département de l’économie, Johann Schneider-Amman, fort du soutien du dernier arrivé au sein du sérail, Ignazio Cassis. La montée en puissance d’une droite sans état d’âme au Conseil fédéral scelle la victoire du lobby des marchands de canons. Qui se plaignent d’une distorsion de la concurrence, de la diminution du volume de leurs exportations et brandissent la menace de  la suppression d’emplois... Le ministre en charge du dossier plaide lui pour le maintien de la capacité industrielle du pays afin de répondre aux besoins de sa défense. Des arguments qui n’atteignent pas leur cible dans l’opinion publique, qui, choquée, tire à boulets rouges contre l’assouplissement prévu. D’autant plus que des grenades helvétiques auraient été retrouvées en Syrie dans les mains de fondamentalistes après avoir transité par les Emirats arabes unis. Et qu’un rapport d’une instance fédérale a souligné le manque d’efficacité des contrôles à l’étranger...

Différents partis et ONG forment ensuite une large coalition en vue du lancement d’une initiative populaire, bien décidés à rectifier le tir et en maintenant toujours la garde. Même le discret CICR sort de sa réserve pour dénoncer la brèche ouverte. Le puissant vent d’indignation souffle jusque dans les rangs du Conseil national pourtant à majorité bourgeoise. Des élus de différents bords fustigent la décision du collège. Tradition humanitaire. Business de la honte. Neutralité et crédibilité de la Suisse dans ses missions de médiatrice... Les raisons sont plurielles et teintées de cœur. Avec, au final, le camouflet infligé au Conseil fédéral. Et en particulier à son ministre sortant contraint, devant le tollé général, de reculer. Et laissant aux mains de son successeur la responsabilité du dossier. 

Une crise de conscience du National bienvenue qui, espérerons-le, trouvera un écho au Conseil des Etats appelé à se prononcer sur la motion en décembre. Et un enjeu, tout au moins symbolique, entre une Suisse promotrice des droits humains et de la paix et une autre, calculatrice, égoïste, cédant aux seuls intérêts de l’économie. Quitte à sacrifier des vies...