Algérie: syndicalistes indépendants harcelés et emprisonnés
Les syndicats mondiaux demandent une intervention urgente de l'Organisation internationale du travail auprès du Gouvernement algérien
«Il faut que l’Organisation internationale du travail (OIT) intervienne d'urgence pour assurer la sécurité physique et le bien-être des syndicalistes indépendants en Algérie ainsi que la poursuite de leurs activités.» Cet appel lancé par les fédérations syndicales mondiales Industriall, UITA, ISP et par la Confédération syndicale internationale a été adressé le 11 février dernier à Guy Ryder, directeur général de l’OIT. Il découle du constat alarmant des menaces systématiques et des emprisonnements subis par les membres et les dirigeants des syndicats indépendants dans ce pays, et prend appui sur les recommandations adoptées par le Comité de la liberté syndicale de l’OIT, telles que l’exigence de la reconnaissance par les autorités algériennes de la Confédération syndicale indépendante CGATA. En lieu et place de son enregistrement, la CGATA a vu, le 4 décembre dernier, la police poser des scellés sur son siège, en raison, indique le communiqué des syndicats mondiaux, d’«activités non autorisées».
«Représailles féroces»
«Dans les faits, l'activité syndicale est maintenant considérée comme un délit, soulignent les fédérations mondiales. Les syndicats indépendants ne peuvent assurer leurs fonctions sans être harcelés et subir des représailles féroces.» Les organisations listent plusieurs syndicalistes poursuivis ou condamnés. Ainsi, Raouf Mellal, dirigeant du Snateg, syndicat indépendant de la Compagnie publique d'électricité et de gaz et de la confédération nationale Cosyfop, fait notamment l’objet d’un procès en diffamation qui, selon les fédérations mondiales, a été intenté en guise de vengeance par le ministre du Travail à la suite des plaintes déposées à l’OIT. Il a été condamné en novembre à six mois de prison et à des peines d'amende. Le 5 février, la police a fermé et interdit l’accès aux bureaux du Snateg et de la Cosyfop à Alger. Autre responsable cité, Kaddour Chouicha, président du Syndicat indépendant des travailleurs de l'enseignement supérieur. Il été arrêté et condamné en décembre à un an de prison ferme pour avoir critiqué les autorités civiles et militaires. Libéré pour des raisons de santé, il est de nouveau incarcéré le 14 janvier, puis relâché le lendemain. Il a été relaxé le 3 mars lors de son procès en appel, mais un recours aurait été déposé par le procureur. Le syndicaliste Ibrahim Daouadji a été arrêté le 12 octobre, avec son fils de 3 ans. Remis en liberté, il est de nouveau sous les verrous depuis le 3 mars. Une autre militante, Rym Kadri du syndicat des travailleurs de l’éducation, a été incarcérée le 24 novembre pour avoir participé à une grève réclamant la libération des prisonniers politiques. Relaxée après quatre jours, elle reste soumise à un contrôle judiciaire et policier. Le président du syndicat des aides-soignants, Hamza Kherroubi, a lui été écroué en décembre pour son engagement civique et son soutien au mouvement démocratique. Condamné à un an de prison, puis libéré pour des raisons médicales, il a été remis en détention le 21 janvier. Il aurait été relaxé le 24 février.
Attaques médiatiques
De nombreux autres militants font l’objet d’une surveillance policière constante et risquent d’être arrêtés à tout moment, expliquent les confédérations internationales, qui dénoncent aussi les attaques incessantes des médias proches du gouvernement à l’encontre des syndicalistes indépendants. Ces derniers sont qualifiés «d'agents de l'étranger, préparant ainsi le terrain pour une répression encore plus acharnée», souligne le communiqué.
Les syndicats mondiaux appellent le directeur général de l’OIT à insister pour que les autorités algériennes «garantissent la libération sans conditions de toutes les personnes arrêtées pour avoir exercé leurs droits civiques et syndicaux», ordonnent «la réouverture des locaux des syndicats et mettent fin à la surveillance de leurs activités» et «prennent immédiatement des mesures pour permettre l'enregistrement et les activités sans entraves des syndicats indépendants».