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Biélorussie: des opposants en exil construisent une démocratie digitale

Oublié depuis le début du conflit ukrainien, le peuple biélorusse continue sa lutte pour la démocratie en exil. Des activistes spécialistes des nouvelles technologies créent un proto-Etat numérique, une alternative à la dictature de Loukachenko

Dimanche soir dernier, la Suisse jouait contre la Biélorussie au stade de Saint-Gall. La nation de 9 millions d’habitants située entre la Pologne, l’Ukraine, la Lituanie et la Russie avait fait la une des journaux lors du mouvement démocratique de l’été 2020. Cependant, son sort est passé au second plan depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine.

En soutenant la Russie et en l’autorisant même à utiliser le territoire biélorusse pour lancer son invasion en février 2022, le dictateur Alexandre Loukachenko a consolidé son régime autoritaire. A l’intérieur du pays, la répression contre toute forme d’opposition s’est intensifiée. Les autorités traquent toujours les activistes et même les simples citoyens qui s’étaient soulevés voici trois ans contre la réélection frauduleuse de leur président qui est arrivé au pouvoir en 1994. Le nombre de prisonniers politiques a explosé, passant de 22 en juin 2020 à 1484* actuellement.

«Toutes les organisations liées à l’opposition ou à la société civile indépendante ont été détruites en 2020 et 2021. Nous faisons face depuis le début de la guerre en Ukraine à une répression préventive», soutient le politologue Andrei Kazakevich.

Comme lui, d’autres figures intellectuelles et politiques ont choisi de s’exiler à Vilnius. C’est dans la capitale lituanienne que se trouve notamment l’ex-candidate Svetlana Tikhanovskaïa qui, d’après des rapports indépendants, avait remporté le scrutin présidentiel d’août 2020. Leader du mouvement démocrate, elle tente de faire entendre la voix du peuple biélorusse sur la scène internationale.

Ces trois dernières années, des milliers de Biélorusses sont partis du pays pour des raisons à la fois politiques et économiques. Ils se sont installés principalement en Pologne et en Lituanie, ainsi qu’en Géorgie, en Allemagne ou au Portugal.

L’espoir d’une société nouvelle

L’informaticien et activiste pro-démocratie Pavel Liber entend avec ses collaborateurs (qui restent anonymes) coaliser les Biélorusses de l’étranger et lutter contre l’abattement généralisé de ses compatriotes. «En 2020, nous avons compris qu’il était devenu impossible d’agir en Biélorussie et que les gens émigraient, affirme-t-il, assis dans un café de Vilnius. Notre grand espoir aujourd’hui est d’agréger ces individus et de construire une sorte de pays virtuel où cette société pourra concentrer son énergie pour mettre en œuvre des programmes utiles.»

Baptisé New Belarus, son projet a pris la forme d’une application pour smartphones disponible depuis décembre 2022 sur Android et dans l’Apple Store.

S’ouvrant sur l’illustration d’une femme portant une robe traditionnelle et une couronne de fleurs sur la tête, l’application met d’abord en avant des contenus sociaux et culturels tels des guides pratiques pour s’installer à l’étranger, un agenda d’événements ou encore des quiz historiques.

Embryon de Biélorussie démocratique

Mais New Belarus est en constante évolution et des fonctionnalités plus politiques sont progressivement ajoutées. L’ambition de Pavel Liber est de sensibiliser les utilisateurs au débat contradictoire et aux procédures de délibération collective, et d’ébaucher dans le monde digital un embryon de Biélorussie démocratique.

«Cela fait vingt-neuf ans que nous n’avons pas pu participer à une vraie vie politique, donc nous devons commencer avec des petits pas», ajoute-t-il. C'est dans cette optique que deux commissions ont été créées à l'intérieur de l'application au printemps dernier. Profitant des dispositions fiscales de la Pologne et de la Lituanie permettant de reverser une petite fraction de ses impôts à une association, Pavel Liber a demandé aux contribuables biélorusses basés dans ces deux pays de choisir New Belarus et de décider ensuite de l'allocation de ce budget.

Les résultats de ce processus participatif ont été rendus publics en août: les contributeurs basés en Pologne créeront un site en anglais sur l'histoire de la Biélorussie tandis que ceux vivant en Lituanie vont utiliser leur enveloppe pour ouvrir une bibliothèque en langue biélorusse.
«Il s’agit d’un Etat alternatif, d’un pays alternatif, d’une société alternative, et c’est ce dont nous avons besoin. Loukachenko ne peut pas agir sur l’espace numérique», s’enthousiasme Franak Viatchorka, principal conseiller de Svetlana Tikhanovskaïa qui soutient le projet mais ne le finance pas. New Belarus entend rester indépendant de toute force politique alors que l’opposition à Loukachenko, aujourd’hui active seulement en exil, est divisée.


* Source: prisoners.spring96.org/en, consulté le 12 octobre.

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