Des liens plutôt que du superflu
Alerte rouge, le Black Friday approche. Une poussée de fièvre d’un tout autre genre que celle susceptible d’être générée par le Covid-19 menace. Une fièvre acheteuse qui rendra un peu plus malade encore notre planète, déjà en surchauffe climatique. Mais qui devrait survitaminer les enseignes engagées dans cette vaste opération commerciale. Une entreprise qui se traduit par des promotions «extraordinaires» sur les articles les plus divers. Le 27 novembre prochain, mais déjà les jours précédents cette date, des «rabais à couper le souffle» entraîneront, comme l’ont montré les éditions précédentes, une frénésie des achats. Caddies physiques ou virtuels se rempliront au rythme de prétendus soldes le plus souvent pourtant remis en question par les associations de consommateurs qui en ont identifié les mécanismes. Et franchement, rien de moins sûr qu’on fasse des affaires.
Les annonces publicitaires et les appels du pied divers fleurissent déjà un peu partout pour annoncer ce non-événement hérité des Etats-Unis et caractérisé par une surconsommation effrayante. Certains y verront cependant l’occasion de redynamiser des commerces malmenés par la crise sanitaire. D’autres un bon moyen de faire des pseudo-économies et d’anticiper sur les cadeaux de Noël. Les accros au shopping, un prétexte de plus pour se perdre dans un déchaînement de courses. Mais combien penseront à l’impact écologique dramatique de cette journée sur l’environnement plusieurs fois dénoncé par Greenpeace et d’autres associations comme la Grève du climat ou Extinction Rebellion. Qui, rappelons-le, avaient, lors de l’édition 2019, mené différentes actions coups-de-poing pour dénoncer ces dérives.
Combien s’interrogeront sur le poids social de cette vaste entreprise générant de fortes pressions sur le personnel de vente? L’an passé, Unia s’était mobilisé contre l’extension d’horaires de commerces profitant de cette journée pour maintenir leurs portes ouvertes plus longtemps.
Combien, en faisant chauffer leur carte de crédit sur des sites de commerce en ligne, se représenteront la situation d’employés dans la logistique déjà soumis ce printemps à des volumes de travail hors norme? Selon Syndicom, six fois plus de colis que lors du Black Friday 2019 ont alors été envoyés chaque jour durant le semi-confinement. Les employés ont travaillé à plein régime, jusqu’au bout de leurs limites. De quoi donner le ton de ces prochains jours...
Ce quatrième vendredi de novembre, avant de céder aux sirènes d’une opération commerciale qui n’amènera pas davantage de bonheur, il serait bon de réfléchir aux conséquences environnementales et sociales de ces achats. S’interroger sur le coût réel de ces articles en se souvenant qu’en début de chaîne, à l’autre bout du monde, des travailleurs attelés à leur fabrication vivent avec des salaires de misère. Se demander si l’objet convoité se révèle vraiment indispensable, sachant que l’exploitation sans limite des ressources de la planète nous condamne tous, à court et moyen terme, à un monde invivable. Se rappeler enfin qu’en tant que consom’acteurs, nous avons la possibilité d’agir à notre échelle. De choisir de se montrer responsables ou complices de cette grand-messe du consumérisme aggravant l’état du monde. Bref de privilégier durabilité, créativité et liens sociaux plutôt qu’un superflu creux et vide de sens...