Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

Elle danse sa vie

De Séoul à Lausanne en passant par Londres YoungSoon Cho Jaquet s'inspire de ses origines coréennes et des traditions suisses

Elle semble n'avoir pas d'âge, celle qui dévoile son âme d'enfant puis, juste après, celle d'un vieux sage. D'ailleurs, en Corée, le temps qui passe est différent. A sa naissance, le 6 septembre 1973, YoungSoon avait déjà 1 an. Et quelques mois plus tard, le 1er janvier 1974, elle en avait deux. «Tous les Coréens ont 1 an à la naissance et changent d'âge en même temps, chaque 1er janvier. On doit manger la soupe de gâteau de riz. Si tu ne manges pas, tu ne peux pas avoir une année de plus», rit YoungSoon. Son prénom, qu'elle n'aime pas car très désuet dans son pays, lui vient de son grand-père. «Il avait un grand pouvoir à la maison. C'est lui qui m'a baptisée. Ma mère a pleuré, et m'a toujours appelée par le diminutif Young'a... C'est seulement en commençant l'école que j'ai appris que je m'appelais YoungSoon. C'est très vieille mode. Cela signifie «gentillesse» et «bourgeon de fleur»», raconte celle dont l'amour de la scène a aussi éclot à l'école. «Vers 10 ans, on a fait un peu de théâtre. Ma professeure m'a complimentée. Et je crois que ça m'a fait un déclic.» Elle participe alors à tous les spectacles, de théâtre et de danse, suit des cours de jazz, de ballet, de comédie musicale, en douce... «Mes parents ne voulaient pas que je devienne danseuse. Mais à 18 ans, je suis entrée dans une compagnie de jazz-ballet. On avait un grand spectacle. Et j'ai été obligée de les inviter. Ils ont alors compris qu'ils n'allaient pas pouvoir m'arrêter. Et ils sont devenus un grand soutien pour moi.»

Une danseuse en exil
En 1996, à l'âge de 23 ans, YoungSoon part étudier la danse contemporaine à Londres. «Je sentais que le système coréen ne me convenait pas. Trop hiérarchique, trop familial... Ma créativité ne pouvait pas s'exprimer. J'avais même la sensation, très forte à cette époque, que je n'avais rien à faire en Corée. J'ai écouté ce sentiment. Et tout s'est mis en place...» En deuxième année d'études, l'école lui offre une bourse, suite aux problèmes financiers en Corée du Sud qui touchent aussi sa famille. Fraîchement diplômée, sa première postulation sera la bonne. Elle entre alors dans la compagnie Fabienne Berger à Lausanne. Et lors de son deuxième spectacle rencontre son futur époux, chanteur et dramaturge (entre autres casquettes), sur la scène de l'Opéra de Lausanne. «Je suis allée piquer son microphone, et lui s'est mis à danser... C'est une belle histoire.» Depuis, Christophe Jaquet est son plus grand soutien, comme son plus grand critique. «C'est un peu comme un inspecteur. Feu rouge, feu vert. Ce n'est pas toujours facile. Mais tant mieux, comme ça quand je reçois des critiques, ça ne me fait plus rien», sourit YoungSoon, avant d'ajouter: «On est complémentaire.»

Les origines, sources d'inspiration
En 2003, elle crée sa propre compagnie, «Nuna» (grande sœur en coréen), du nom que lui donnait affectueusement son petit frère. Depuis, elle a enchaîné les spectacles pour adultes et enfants. Un travail très personnel autour des origines, des traditions de son pays d'origine, mais aussi de la Suisse, du chamanisme coréen aux chalets. «Avant d'arriver ici, j'avais imaginé les montagnes, Heidi et du yodel partout dans les rues», rit-elle.
Dans son dernier spectacle pour enfants, «Sugungga», YoungSoon reprend la tradition coréenne du pansori, des contes chantés et mimés, et n'hésite pas à y mêler une forme de yodel. «Pour moi, les chants du pansori et du yodel sont très proches car ils font appel aux sons primitifs, aux onomatopées.» La forme qu'elle développe est pourtant totalement contemporaine. Le décor y est minimaliste pour offrir un espace à l'imaginaire. Une structure en bois devient montagne, palais, carapace de tortue, baleines... «J'aime imaginer les réactions des enfants, même si, avec eux, on ne sait jamais quand ils vont rire», lance YoungSoon, mère d'un garçon de 11 ans, qui prend aussi parfois le rôle de dramaturge. De sa maternité, la danseuse dit son bonheur d'avoir pu la vivre pleinement. «Pendant plus d'une année, j'ai fait une vraie pause professionnelle. J'étais à 200% maman. Avec un enfant, on apprend la vie.» Le prénom de son fils, Uri, n'est pas seulement l'homonyme du canton, mais signifie aussi «lumière» dans la tradition biblique et «notre» en coréen.
Ce qui lui manque de la Corée? «La famille, la nourriture. Parfois je ressens de la nostalgie même quand j'y retourne, car des choses ne sont plus là.»
L'artiste n'a pas encore eu l'occasion de se produire devant un public coréen. «Mais j'espère bientôt», souffle-t-elle, des étincelles dans les yeux. Si les racines sont importantes pour cette artiste qui a su faire sa place et vit de sa création, elle aime voyager au point d'embrasser le monde comme si elle le portait en elle. Son dernier périple: une retraite de plusieurs semaines de méditation et de yoga, sources de sérénité et de créativité. «Même dans le stress du quotidien, j'arrive maintenant à être dans cet état méditatif de tous les instants, où le mental devient très fin.» YoungSoon est décidément au-delà du temps...

Aline Andrey

Les spectacles à venir, notamment lors de la Fête de la danse (voir page 8), de la Cie Nuna: www.cienuna.com

 

Le témoignage radiophonique de YoungSoon Cho Jaquet sera diffusé en direct et en public de Pôle Sud, à Lausanne, et sur www.django.fm le mardi 17 mai (podcasts disponibles dès le lendemain).