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Fronde contre les salaires minimums cantonaux

Le Conseil des Etats a refusé que ces minima s’appliquent aux travailleurs détachés, puis a adopté une motion pour que les salaires inférieurs des CCT de force obligatoire priment

L’instauration des salaires minimums cantonaux reste en travers de la gorge de certains politiciens et de certains patrons. De tels salaires, adoptés en votation populaire, existent actuellement dans cinq cantons: Neuchâtel, Genève, Jura, Tessin et Bâle-Ville. Le 14 juin, le Conseil des Etats a pris deux décisions allant à l’encontre d’une application de ces rémunérations à tous les travailleurs.
Les sénateurs ont d’abord, par 26 voix contre 19, renvoyé aux calendes grecques un projet de révision de la Loi sur les travailleurs détachés. Cette révision, présentée par le Conseil fédéral, prévoyait d’obliger les entreprises de détachement venant des pays de l’Union européenne à se conformer aux salaires minimums cantonaux. Cette disposition devait permettre de respecter le principe de non-discrimination contenu dans l’Accord sur la libre circulation des personnes, écrivait le gouvernement lors de la présentation du projet en avril 2021. Ainsi, poursuivait-il, tous les employeurs dont les travailleurs exercent leur activité dans un canton doté d’une loi sur le salaire minimum seraient traités de manière égale. Refusée en première lecture par le Conseil des Etats en septembre 2021, la modification avait été acceptée par le Conseil national le 8 mars dernier. Persistants dans leur opposition, les sénateurs ont enterré le projet en deuxième débat le 14 juin. La compétence d’imposer les salaires minimums cantonaux reste dès lors aux cantons qui peuvent décider de les rendre obligatoires pour l’ensemble des travailleurs actifs sur leur sol ou de prévoir des exceptions.

Motion Ettlin

Dans la foulée, les élus ont accepté, par 28 voix contre 16, un autre objet risquant de peser sur l’application des salaires minimums légaux. Il s’agit de la motion de l’Obwaldien du Centre Erich Ettlin intitulée «Protéger le partenariat social contre des ingérences discutables». Sous couvert de préserver ce partenariat social qui «a assuré la paix de travail en Suisse pendant plus d’un siècle, et devrait continuer à le faire pendant les cent prochaines années», écrit-il, le conseiller aux Etats demande que les dispositions d’une convention collective de travail (CCT) étendue soient prépondérantes par rapport au droit cantonal. Et cible directement les salaires minimums. Rappelant l’arrêt du Tribunal fédéral d’août 2017 stipulant que ces rémunérations priment sur celles des CCT, l’auteur de la motion souhaite balayer cette jurisprudence et donner la primauté aux salaires des conventions collectives, parfois bien inférieurs aux minimums légaux. Une exigence portée par de nombreuses associations patronales, telles que GastroSuisse qui exige que la Convention nationale de l’hôtellerie-restauration l’emporte sur les dispositions cantonales plus favorables aux travailleurs. A la tête d’une alliance de 27 associations professionnelles et sectorielles, GastroSuisse a salué la décision du Conseil des Etats du 14 juin et assuré son soutien à la motion Ettlin.

A Genève, la moitié des bénéficiaires concernés

Réaction totalement inverse à Genève, où la faîtière des syndicats a dénoncé une adoption «contre l’avis du Canton, du Conseil fédéral et de la Commission de l’économie». Pour la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS), la mise en œuvre de cette motion «signifierait très concrètement des baisses de salaires dans les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration, du nettoyage ou encore de la coiffure et des blanchisseries. Soit pratiquement la moitié des travailleuses et des travailleurs à qui ce salaire minimum s’est appliqué depuis son introduction.» Dans son communiqué, la CGAS ajoute que, depuis son entrée en vigueur en novembre 2020, les associations patronales genevoises ont refusé d’adapter les rémunérations des CCT au salaire légal.

Vers un affaiblissement du partenariat

«La bataille livrée aujourd’hui contre le salaire minimum genevois et ceux des autres cantons revient non seulement à un déni démocratique, mais participe d’un non-sens social et d’un projet économique ne visant qu’à satisfaire une minorité patronale au détriment des travailleuses et des travailleurs les plus précaires», note la CGAS. Elle ajoute que cette motion ne renforcera en aucun cas le partenariat social: en cas d’acceptation au terme des débats parlementaires, les syndicats genevois s’opposeront à toute extension dans le canton de CCT ayant des salaires inférieurs au minimum cantonal. «On se dirigerait donc vers un affaiblissement des conventions collectives de travail et du partenariat social.»
La CGAS appelle le Conseil national, qui débattra de l’objet lors d’une prochaine session, à rejeter la motion Ettlin et les associations patronales genevoises à s’en distancier.

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