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Genève: les commissions paritaires jugées inefficaces

Selon un rapport, le dispositif actuel des contrôles des conditions de travail dans le secteur conventionné est insuffisant

Inquiétant! A Genève, la Commission d'évaluation des politiques publiques vient de publier un rapport sur les contrôles des conditions de travail effectués par les commissions paritaires. L'étude démontre l'inefficacité de la surveillance. Lignes maîtresses, recommandations et entretien avec Jacques Robert, membre du comité directeur d'Unia.

Les commissions paritaires - formées de représentants syndicaux et patronaux - permettent-elles de faire respecter les conventions collectives de travail (CCT) et d'éviter les abus en matière de sous-enchère salariale? Voilà la question sur laquelle s'est penchée la Commission externe d'évaluation des politiques publiques (Cepp) à Genève. Une étude aux conclusions inquiétantes. La Cepp relève notamment que, sur les 54 commissions paritaires ayant participé à l'enquête - sur un total de 63 - 43 d'entre elles, soit le 80%, n'effectuent aucun contrôle dans les entreprises. En d'autres termes, 37427 travailleurs sur les 100337 couverts par une Convention ne sont pas contrôlés par les commissions. Le rapport démontre en outre que les sanctions sont «rares, difficiles à appliquer et peu dissuasives» et que dans bien des cas les commissions renoncent à poursuivre les sociétés en infraction pour obtenir le paiement de l'amende. La Cepp note encore que le secteur du nettoyage se révèle particulièrement vulnérable et que certaines entreprises n'hésitent pas à se mettre en faillite pour échapper aux sanctions.

Des secteurs sans contrôle
Autre constat: une répartition inégale des contrôles. La plupart d'entre eux se concentrent dans trois secteurs, à savoir le gros œuvre, le second œuvre et la métallurgie du bâtiment, regroupant 11738 travailleurs. Les ressources manquent pour exercer une surveillance dans l'hôtellerie-restauration, le commerce de détail et le nettoyage (ndlr: ce dernier secteur, conscient de ces lacunes, vient de se doter d'un inspectorat) qui réunissent pour leur part 48515 employés. «Si la sous-enchère salariale est présente, elle est difficile à estimer tant la question des salaires est délicate et rarement investiguée», précise le rapport. Outre les informations récoltées auprès des commissions paritaires et d'employeurs, la Cepp a également mené des entretiens auprès de 750 travailleurs. 4 à 6% d'entre eux indiquent avoir reçu des consignes illicites de leurs employeurs: mentir aux inspecteurs, se cacher ou fuir en cas de contrôles.

La faute à la déréglementation
Un tableau noir qui ne surprend pas outre mesure Jacques Robert, secrétaire régional d'Unia Genève. Pour le syndicaliste, différents facteurs expliquent cette situation. D'abord une tendance idéologique à la déréglementation, promue par l'UDC, et faisant mouche auprès d'un patronat plus motivé par des intérêts égoïstes que par l'application des CCT. «Il y a une volonté politique derrière cet état de fait. Dans nombre de branches, le partenariat social n'est qu'un alibi. On veut bien des conventions, mais vidées de leur substance, comme on vient d'en faire l'expérience dans le secteur de la construction.» D'autre part, l'intervention de l'Etat dans les secteurs conventionnés reste faussement taboue, alors qu'il a un clair devoir de contrôle (dans les secteurs dont les CCT ne bénéficient pas de la force obligatoire), dont il ne s'acquitte lui non plus pas suffisamment. Le manque de représentativité syndicale est aussi, selon Jacques Robert, une des raisons de l'inefficacité des contrôles. «Pour lutter contre ce phénomène, il faut que davantage de salariés se syndiquent et nous tiennent informés de la situation dans leur entreprise.» Il relève que, si les commissions paritaires ne font pas assez de contrôles, les syndicats sont quant à eux présents sur le terrain et agissent, tant après leurs propres visites que sur la base des informations transmises par les salariés.

Cruel manque de moyens
Jacques Robert met également en cause des moyens financiers largement insuffisants pour mener à bien cette tâche, qu'il s'agisse d'augmenter les contrôles ou de poursuivre les entreprises en infraction. «Pour pouvoir infliger des sanctions à ces dernières, il faut mettre en route tout un appareil administratif et "policier" coûteux. Les ressources font défaut.» Dans ce contexte, le responsable d'Unia estime indispensable de pouvoir s'appuyer sur un plus grand nombre de systèmes de contributions de solidarité professionnelle, à l'image de ceux existant dans le secteur de la construction. Quoi qu'il en soit, Jacques Robert précise tout de même que les contrôles effectués par les 20% des commissions paritaires actives en la matière couvrent les deux tiers de la main-d'œuvre, tous secteurs confondus. «Dans le dernier tiers figure notamment l'hôtellerie-restauration. Dans ce domaine, la commission paritaire est nationale. Un système inopérant. La proximité est indispensable.»

Sonya Mermoud