Témoignages
Propos recueillis par la CES
Isidoro Aparicio, victime
«J’ai une série de cicatrices aux poumons. Tous les six mois, je suis examiné à l’hôpital. On ne m’a jamais informé des risques que présentait mon travail. J’ai commencé à travailler dans le métro de Madrid dans les années 1960, tout d’abord comme conducteur et, après avoir réussi un concours public, dans les ateliers du département pneumatiques. J’étais technicien et j’avais un assistant. Nous réparions les systèmes d’ouverture des portes qui fonctionnaient au moyen de courroies en amiante. Pour faire en sorte que l’amiante adhère un peu mieux, nous le mettions en bouche. Une véritable horreur. Toutes ces informations sont restées cachées. Ce qui me met le plus en colère, c’est que l’on ne m’a jamais rien dit, que les personnes qui en sont responsables s’en sortent indemnes et qu’aucune d’entre elles n’a jamais rien voulu savoir à ce sujet. Le personnel médical du métro devait pourtant être aussi au courant. J’ai subi une opération et de nombreux tests ont été faits. Lorsque je suis allé prendre connaissance des résultats, l’oncologue m’a dit que mes poumons étaient atteints. Depuis lors, je suis étroitement suivi. Je remercie les syndicats, leurs avocats, le bureau du procureur et l’inspecteur du travail pour leur aide.
Je suis de plus en plus fatigué. J’aimais faire des randonnées en montagne, mais j’en suis incapable aujourd’hui parce que cela m’épuise. C’est comme une épée de Damoclès. A tout moment, ce qui me ronge de l’intérieur pourrait s’éveiller et je pourrais en mourir. Je souhaiterais aussi que ce genre de situation ne se présente plus jamais. Les politiciens devraient s’excuser, ils n’ont jamais exprimé de regrets pour ce qui nous est arrivé.»
Maria Jesús et Yolanda Masa García, famille de victimes
«Notre père est mort en 1997, à l’âge de 66 ans, d’un mésothéliome pleural, une maladie sans possibilité de traitement et terriblement pénible pour toute la famille. Elle finit par vous étouffer. Lorsque les symptômes ont empiré, les médecins nous ont parlé des liens possibles entre son travail et les membres de la famille proche. Lorsque notre père est mort, ma sœur avait 26 ans, j’en avais 32. Notre mère, Matilde Garcia Lopez, femme au foyer, avait 65 ans lorsqu’elle est devenue veuve.
Nous recevions périodiquement des nouvelles d’anciens collègues de notre père, décédés durant ce temps. En janvier 2003, notre mère a commencé à souffrir de maux de dos qui se sont progressivement aggravés. Nous pensions que cela était dû à des douleurs musculaires ou à une mauvaise posture. Mais les douleurs ont encore augmenté. Après plusieurs examens médicaux à l’hôpital universitaire de Palencia et à celui de Valdecilla, la confirmation est tombée lors d’une visite à la clinique universitaire de Navarre: notre mère a été diagnostiquée comme souffrant d’un mésothéliome pleural en mai de la même année. Ce type de cancer est spécifique d’un contact direct avec l’amiante, notamment avec les vêtements de travail contaminés. Elle est décédée le 24 septembre 2003. Depuis lors, notre famille reste en état d’alerte face à ce terrible fléau qu’est l’amiante.»