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L’EFAS: une pseudo-réforme qui risque de faire beaucoup de dégâts

Avec l’EFAS, les assurés ne risquent pas seulement de voir leurs primes augmenter, mais aussi leur participation aux coûts.
© Olivier Vogelsang

Avec l’EFAS, les assurés ne risquent pas seulement de voir leurs primes augmenter, mais aussi leur participation aux coûts.

Le projet de financement uniforme des soins ambulatoires et stationnaires équivaut à une privatisation partielle de l’assurance maladie de base. L’USS exige que cette révision soit stoppée. Explications

Une longue maturation ne garantit pas nécessairement un meilleur goût: c’est en tout cas ce que l’on peut dire de la révision «EFAS» de la Loi sur l’assurance maladie (LAMal) qui remonte à une intervention déposée en… 2009. Près de 14 ans plus tard, cette révision est de nouveau traitée par la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national. Elle doit impérativement être rejetée.

Le système de santé est aujourd’hui confronté à deux crises majeures simultanées: l’approvisionnement est en grande difficulté et le financement est aux soins intensifs depuis un bon moment déjà. D’un côté, nous avons une pénurie toujours plus criante de personnel et de médicaments; de l’autre côté, force est de constater que de larges couches de la population ne peuvent plus vraiment payer des primes individuelles et des coûts additionnels qui sont déjà trop élevés et ne cessent d’augmenter.

C’est dans ce contexte que le lobby des assurances présente aujourd’hui son projet de «financement uniforme des soins ambulatoires et stationnaires (EFAS)» comme le grand coup de balai qui s’attaquerait aux racines de nombreux dysfonctionnements du système de santé. Si seulement! Malheureusement, l’EFAS est avant tout une pseudo-réforme qui risque de faire des dégâts énormes.

Plus d’argent ni de pilotage

En gros, l’EFAS n’est rien d’autre qu’une privatisation partielle de l’assurance de base: avec ce projet, les quelque 11 milliards de francs d’impôts que les cantons dépensent actuellement pour les hôpitaux seraient simplement transférés aux assureurs. Ceux-ci devraient ensuite répartir les fonds dans tous les domaines des soins par le biais de l’«Institution commune LAMal» – déjà existante, dans laquelle les cantons pourraient siéger, mais seulement à titre consultatif – selon une clé de répartition uniforme au niveau national. Le pouvoir de pilotage des caisses augmenterait donc fortement (qui paie commande!), au détriment des cantons qui en ont pourtant la légitimité démocratique. Pire encore: ceux-ci ne pourraient même pas formuler des mandats de prestations pour tous ces milliards (comme c’est normalement partout le cas dans le service public).

Les principales incitations négatives demeurent

Bien sûr qu’il est absurde d’avoir un financement différent pour les traitements ambulatoires et les interventions stationnaires (les cantons participent à hauteur de 55% au domaine stationnaire et pas du tout à l’ambulatoire). Mais la simple suppression de cette différence ne changerait rien au fait que les systèmes tarifaires existants et inchangés continuent à produire des soins excédentaires coûteux (les interventions lucratives sont rentables) et des lacunes non moins coûteuses dans d’autres soins. Et ce qui nous coûte le plus cher à toutes et à tous, c’est la surabondance de soins dans l’assurance complémentaire: c’est là que les affaires sont rentables, tant pour les caisses que pour les hôpitaux privés, car les bénéfices peuvent être conservés.

C’est pourquoi – et c’est prouvé – on y traite trop et on facture ensuite une grande partie à l’assurance de base. Un scandale permanent auquel l’EFAS ne changerait absolument rien. Au contraire: dans sa première version du Conseil national, l’EFAS ferait même un nouveau cadeau de plusieurs centaines de millions aux hôpitaux privés, puisqu’ils recevraient désormais une indemnisation majorée de 30%.

Soins de longue durée: «far west» et primes encore plus élevées

Autre point totalement incompréhensible: contrairement au Conseil national, le Conseil des Etats a également intégré – en décembre 2022 – les soins de longue durée dans le financement uniforme. Concrètement, cela signifie que le domaine de soins qui connaît aujourd’hui la croissance la plus rapide – en raison du vieillissement de la société – serait désormais entièrement cofinancé par les primes. En effet, le plafonnement actuel de la contribution des primes aux soins de longue durée, qui constitue l’une des rares barrières efficaces contre la croissance galopante des primes, a été complètement supprimé de la loi par le Conseil des Etats. C’est inacceptable. C’est un affront pour les ménages à bas et moyens revenus pour lesquels la charge de primes est déjà chroniquement beaucoup trop élevée et ne cesse d’augmenter encore. Mais c’est aussi un affront pour le personnel de santé et les patients: aujourd’hui, la loi prévoit que les cantons sont responsables du «financement résiduel» des établissements médico-sociaux (EMS) et des services d’aide et de soins à domicile. Et là, les choses ne tournent pas rond. Il est avéré que les cantons paient constamment trop peu, ce que les EMS tentent de compenser par une pression croissante sur le personnel et par des participations élevées – parfois illégales – des patients aux frais.

Mais au lieu de remédier à ces dysfonctionnements et de veiller au respect de la loi, le Conseil des Etats veut purement et simplement supprimer les articles correspondants dans la loi. Le résultat serait une sorte de «far west» dans le financement des soins, et il ne faudrait pas chercher bien loin ceux qui en pâtiraient le plus: ce serait de nouveau les patients et le personnel. Ce qui est perfide dans cette affaire, c’est que les soins de longue durée ont été intégrés dans la réforme, notamment sous la pression des cantons. En effet, les cantons s’en sortiraient financièrement mieux à long terme – au détriment des gens qui paient les primes!

Participation aux coûts en hausse, réductions de primes en baisse

Avec l’EFAS, les assurés ne risquent pas seulement de voir leurs primes augmenter, mais aussi leur participation aux coûts. En effet, d’une part, dans le domaine des soins de longue durée, le texte de loi prévoit explicitement que le plafonnement actuel de la contribution des patients ne s’appliquera plus que pendant cinq ans; d’autre part, en cas d’hospitalisation stationnaire, la totalité des frais de traitement serait désormais facturée en tenant compte de la franchise et de la quote-part (aujourd’hui, c’est à peine la moitié).

De plus, le cœur même de l’EFAS, soit une «clé de financement uniforme au niveau national», signifie que chaque canton devrait adapter sa clé de financement actuelle à la moyenne suisse. Et cela devrait se faire soit par une hausse des primes (encore!), soit en augmentant les dépenses fiscales. Et une croissance des dépenses fiscales pourrait rapidement entraîner à son tour une hausse des primes. En effet, l’un des premiers domaines où les cantons font généralement des économies en cas de dépenses supplémentaires est celui des réductions de primes pour les ménages dans le besoin – le passé l’a suffisamment montré.

Les économies annoncées? Des promesses en l’air!

Pour ne pas avoir à entrer dans les détails des maintes aberrations – nous venons de les énumérer – de la réforme, de nombreux partisans de l’EFAS se contentent souvent d’évoquer les «centaines de millions de francs» que leur projet permettrait d’économiser. Là aussi, il s’agit d’une affirmation totalement creuse, car il n’existe aucune étude et donc aucun chiffre étayé sur les économies possibles grâce à l’EFAS. Si l’on se penche sur les passages en petits caractères, on trouve un peu plus d’honnêteté. En effet, Santésuisse écrit textuellement ceci: l’«EFAS ne résout pas le problème fondamental de l’augmentation excessive des coûts de la santé».

Cette petite phrase en dit long et une chose est sûre: le Parlement doit stopper la réforme EFAS. Et à la place, la politique de santé devrait enfin se concentrer sur l’essentiel et le plus urgent: le renforcement de la couverture des soins (notamment par une amélioration du statut du personnel), des mesures efficaces de maîtrise des coûts (notamment par une baisse des prix des médicaments, une réforme des systèmes tarifaires et la fin de toute forme d’affairisme dans l’assurance complémentaire), ainsi qu’un financement social par des réductions de primes substantiellement plus étoffées.

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