Organisée à l’initiative d’Unia Vaud, une assemblée des cadres de la construction a fait salle comble vendredi. La pression sur les délais et les menaces sur la CN ont été au cœur des discussions
Près de cent personnes ont participé vendredi soir à une assemblée générale des contremaîtres et chefs d’équipe du secteur principal de la construction convoquée par Unia Vaud.
Dans une salle pleine à craquer de la banlieue lausannoise, les cadres de la construction ont d’abord écouté studieusement Maurizio Colella présenter graphiques, études et chiffres montrant une nette détérioration des conditions de travail. Alors que l’indice suisse de la construction a progressé de 50% en vingt ans, la pression sur les délais n’a fait que s’accentuer. «Et nous n’allons pas vers le mieux», a prévenu le secrétaire syndical d’Unia Vaud. La course aux prix bas pousse encore à rétrécir ces délais, alors que la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, qui se fait déjà sentir, va encore s’aggraver. Au cours des quinze prochaines années, la moitié des contremaîtres partiront à la retraite. Tandis que le nombre de nouveaux apprentis dans la construction a pratiquement diminué de moitié en dix ans. «Une pression énorme repose sur le personnel qualifié.»
«Vous êtes entre le marteau et l’enclume, lorsqu’il y a problème, cela retombe toujours sur vous», a résumé, de son côté, Pietro Carobbio. Le responsable construction d’Unia Vaud a pointé le rôle négatif joué par les délais sur la protection contre les intempéries. Dans le canton de Vaud, les partenaires sociaux ont créé en 2016 un Fonds de prévention santé et sécurité indemnisant les entreprises et les salariés lors de fortes précipitations ou de chutes de température. «Nous avons résolu le problème du financement, mais nous peinons à le faire appliquer. La contrainte est telle qu’arrêter le travail seulement une demi-journée peut provoquer un retard impossible à rattraper car aucune marge n’est prévue dans la planification», a constaté le syndicaliste. «Nous commençons parfois avec quinze jours ou un mois de retard, mais la date butoir doit toujours être respectée», a confirmé un participant. «Des gens font des efforts pour faire des heures supplémentaires, mais lorsqu’il y a des intempéries, on leur vole leurs heures», a déploré un autre contremaître. Pourtant, selon les normes SIA, cet ensemble de règles pour la construction, les délais doivent être repoussés lorsqu’un retard n’est pas imputable à l’entreprise. La norme 118 est assez claire sur ce point. «Les maîtres d’ouvrage et les architectes y dérogent, il faut rendre la norme 118 de force obligatoire», a dit un troisième cadre. L’un de ses collègues a aussi relevé la difficulté de la procédure: «Il manque toujours des papiers.» Les participants ont décidé de créer un groupe de travail afin d’élaborer des propositions.
Renouvellement des conventions
Les contremaîtres ont ensuite pris connaissance de l’état d’avancement des négociations pour le renouvellement de la Convention collective nationale de travail du secteur principal de la construction (CN). La première des sept rondes de discussions s’est tenue le 28 février et les représentants de la Société suisse des entrepreneurs (SSE) ont réaffirmé leur volonté d’obtenir plus de flexibilité horaire. «Nous nous sommes retrouvés face à des économistes et des juristes qui n’ont jamais tenu une truelle dans leur main», a rapporté Sébastien Genton, responsable du gros œuvre à Unia Vaud. «En 25 ans dans le syndicat, je n’ai jamais vu autant de velléité de vide conventionnel. Il n’est pas dit que nous parvenions à garder la CN. Si nous la perdons, la situation sera désastreuse. Nous sommes dans une année charnière», a averti Pietro Carobbio.
Certains contremaîtres bénéficient de la CCT des cadres de la construction. Les négociations pour son renouvellement devraient débuter cet automne. La suppression des heures payées, la revalorisation des salaires minimums et l’application de la CCT à toutes les entreprises, et pas seulement à celles affiliées à la SSE, sont les principales revendications des contremaîtres. «Si la SSE démonte la CN, il y aura des conséquences pour la CCT des cadres, il y a une interdépendance», a expliqué Chris Kelley, co-directeur du secteur construction d’Unia. «Il faut d’ores et déjà s’attendre à ce que la SSE s’oppose à nos revendications. Pour des raisons idéologiques, elle refuse d’apporter des améliorations collectives aux contremaîtres. C’est pourquoi il est nécessaire de renforcer Unia auprès des contremaîtres et d’organiser des assemblées comme celle-ci dans toute la Suisse. Vous, les contremaîtres vaudois, êtes organisés et combatifs, vous êtes un exemple pour les autres régions», a lancé le syndicaliste sous les applaudissements.
Les contremaîtres et chefs d’équipe présents ont conclu la réunion en approuvant à main levée et à l’unanimité une résolution appelant à combattre toute détérioration des conditions de travail et à se battre pour le maintien et l’amélioration de la convention collective des maçons.