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Les négociations salariales sur la bonne voie

L'USS et Unia dressent un bilan intermédiaire des résultats des négociations salariales

Pour l'heure, les syndicats ont réussi à obtenir des augmentations des salaires réels dans la plupart des secteurs et entreprises où les négociations annuelles ont eu lieu. En général de 0,5 à 1,5% de hausse réelle, en plus du taux d'inflation. Mais de nombreux accords sont encore en discussion. Pour l'Union syndicale suisse, les entreprises peuvent largement se permettre de conséquentes augmentations grâce aux bénéfices records engrangés en 2008.

Les syndicats ont déjà réussi à obtenir des augmentations réelles des salaires cette année, dans plusieurs secteurs, malgré un taux d'inflation record. Les hausses réelles se situent pour l'heure généralement entre 0,5 et 1,5% du salaire, en plus de la compensation du renchérissement (cf. le tableau ci-dessous. L'inflation est estimée à 2,5% pour 2008). Ce bilan intermédiaire établi à mi-novembre par l'Union syndicale suisse (USS) et Unia se révèle mitigé. «Nous avons obtenu de bons résultats dans certains secteurs ou entreprises, mais il est difficile de généraliser», indique Andreas Rieger, coprésident d'Unia. Toutefois, si la tendance persiste jusqu'à la fin de l'année, 2009 pourrait être la meilleure année en matière de hausse salariale depuis la reprise de l'économie en 2004. Entre 2004 et 2008, les employés suisses n'ont reçu en moyenne que 0,9% d'augmentation du salaire réel sur quatre ans.

Cas exemplaires
Cette année, des résultats tels que ceux de La Poste (3,9%), Sulzer (4%), et le secteur de l'isolation (3,9%) sont exemplaires pour le reste de l'économie. Ils ne manqueront pas de motiver les syndicalistes et les membres des commissions du personnel dans les nombreuses entreprises et secteurs qui n'ont pas encore négocié les salaires. Ceux-ci se battront pour des hausses plus élevées encore, d'autant que la santé de l'économie dépendra de cette mesure en 2009 : «Seul un renforcement du pouvoir d'achat peut en effet empêcher que le marché intérieur suisse ne bascule dans la récession», explique Daniel Lampart, économiste en chef à l'USS. En août dernier, rappelons que l'USS et Unia réclamaient entre 1,5 et 2,5 % d'augmentation réelle...

Arts et industrie
Si ces objectifs n'ont pas été satisfaits, les premiers accords conclus dans les arts et métiers sont plutôt «réjouissants», indique Andreas Rieger. Les paquets négociés prévoient des hausses nominales de 3,2 à 3,9% (soit 0,7 à 1,4% d'augmentation réelle). Dans l'industrie, les premiers résultats «vont eux aussi dans la bonne direction». Les firmes Holcim, Bigla et Biral ont relevé leurs salaires d'au moins 3%. Cette dernière a accordé une hausse générale de 160 francs pour tous les salariés. Ce qui a pour effet d'augmenter proportionnellement davantage les petits salaires (4,5%) par rapport aux plus élevés (3%).
Dans l'industrie horlogère, tous les salariés recevront une augmentation de 140 francs (donc environ 3,5% pour un petit salaire de 4000 francs et 2,45% pour un salaire médian).

Services et construction
Quant au domaine des services, Unia a obtenu un premier résultat positif avec le distributeur Coop qui accroîtra de 3,25% sa masse salariale, avec une augmentation garantie à 100 francs pour les salaires en dessous de 4000 francs... Migros continue pour sa part à s'opposer à toute augmentation générale des salaires, mais a accordé une hausse de 3% de la masse salariale, à répartir individuellement, laissant cependant plusieurs zones d'ombre. Les salaires minimaux ont aussi été rehaussés.
Les augmentations de salaire de l'hôtellerie et restauration et de la construction se situent en revanche en dessous de la moyenne, car elles ont été négociées au printemps, avant que l'inflation n'explose et n'incite les partenaires sociaux à revoir les augmentations de salaire au-delà du seuil de renchérissement. Ainsi, les salaires minimaux n'augmenteront que de 2,5% dans le premier secteur, et la masse salariale ne progressera que de 2,4% dans le second (dont 2% pour tous).

Autres progrès
Andreas Rieger constate aussi avec satisfaction que la plupart des accords prévoient davantage d'augmentations générales que les années précédentes (même hausse pour tous). Ceci rompt avec le système souvent discriminatoire de hausses individuelles - difficilement contrôlables pour les syndicats. De même, l'adoption de montants fixes (100 à 160 francs par exemple) devient plus fréquente et permet de revaloriser les petits salaires au sein des entreprises. Plusieurs accords entérinent aussi une hausse importante des salaires minimaux dans les conventions collectives, qui sont bien trop bas dans certaines branches.
D'ici la fin de l'année, de nombreuses négociations restent encore à mener, en particulier dans l'industrie, l'agro-alimentaire et la chimie-pharma. L'incertitude est de mise, d'autant que le spectre de la récession rôde. Mais selon les syndicats, rogner sur les salaires serait un mauvais calcul pour les entreprises, qui ont besoin d'une consommation soutenue de la part des employés en 2009 pour pouvoir tourner...

Christophe Koessler



Des hausses réalistes et méritées

«Augmenter les salaires ne diminuera pas la capacité concurrentielle des entreprises suisses», explique Daniel Lampart, économiste en chef de l'USS, qui répond indirectement aux arguments patronaux face à la récession qui s'annonce. Les firmes suisses ont fait de très bonnes affaires ces dernières années depuis la reprise de 2004. Et l'année 2008 a été exceptionnelle. «Les entreprises peuvent se permettre, sans difficulté, des hausses importantes des salaires réels. Comme les bénéfices ont fortement augmenté durant la reprise, les caisses de la plupart des sociétés se sont bien, voire très bien remplies», ajoute l'économiste. En outre, la productivité a augmenté plus fortement que les coûts du travail. Au pire (pour les patrons), «une importante hausse des salaires aurait tout au plus pour effet de rendre ces marges (bénéficiaires, ndlr) à nouveau normales», ajoute Daniel Lampart.
Certains syndicalistes ne manquent pas de souligner que ces bénéfices ont été réalisés grâce au travail des employés, mais que ces derniers n'en ont pas vu la couleur ces années précédentes. De même, la croissance de la productivité - obtenue notamment à travers la flexibilisation et la précarisation des conditions de travail - a été réalisée sur le dos des salariés, sans qu'ils en bénéficient eux-mêmes. Jamshid Pouranpir, secrétaire syndical à Genève, signale la très forte productivité suisse par rapport à la moyenne européenne : «En 2005, en une heure de travail, une vendeuse suisse produisait une valeur ajoutée équivalant à 41 francs. Sa collègue européenne parvenait à peine à 26 francs», rappelle-t-il. Pour lui, ces informations révèlent «le degré d'exploitation du personnel et son accentuation au cours des dernières années... »

CK