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Plus de 12000 personnes à la manifestation des femmes

Les femmes exigent que soit enfin appliquée la législation sur l'égalité salariale

Les femmes continuent à gagner 19% de moins que les hommes, au mépris de la Constitution et de la loi. Ce scandale doit cesser. Plus de 12000 femmes et hommes l'ont affirmé avec force, samedi dernier sur la Place fédérale, à l'appel de 48 organisations emmenées par l'Union syndicale suisse et «Alliance F». Les manifestantes ne se contentent plus de belles déclarations d'intention. Elles veulent des actes. Et rejettent aussi avec vigueur le «plan Berset» qui prévoit notamment l'augmentation de l'âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans.

Plus de 12000 personnes massées sur la Place fédérale: l'ampleur de la manifestation du 7 mars est révélatrice de la détermination des femmes d'en finir avec la discrimination salariale dont elles continuent à être les victimes, en dépit des normes légales et constitutionnelles censées interdire cette dérive. Leur volonté d'enfin voir ancrer l'égalité des salaires dans la réalité s'est exprimée avec force. Elles l'ont répété sur tous les tons, avec banderoles, slogans, coup de sifflets et chansons allégoriques, tout au long des rues de la capitale, dans un cortège coloré, constellé de ballons roses et blancs.
Bon nombre de manifestantes et manifestants ont également fustigé le plan de prévoyance vieillesse du Conseil fédéral, porté par Alain Berset, et dont l'un des points les plus contestés est la volonté de porter de 64 à 65 ans l'âge de la retraite des femmes. La ferme opposition à ce projet était notamment illustrée sous la forme d'une banderole suspendue à des ballons géants hissés sur la Place fédérale par la Communauté genevoise d'action syndicale (Cgas). Et par un important tronçon dans le cortège de milliers de manifestants venus pour beaucoup de Suisse romande. Cette opposition a aussi été relayée à la tribune dans de nombreuses interventions, notamment par les propos de Regula Bühlmann, secrétaire centrale de l'USS: «Nous contribuons suffisamment au fonctionnement de notre société sans que la prévoyance vieillesse doive encore être assainie sur notre dos.»

Front très large
Preuve du grand ras-le-bol féminin face à cette discrimination persistante, la manifestation a mobilisé pas moins de 48 organisations, partis et associations allant de la gauche à la droite modérée de l'échiquier politique, cela sous l'égide de l'Union syndicale suisse et de l'«Alliance F».
Plusieurs oratrices se sont succédé, sous la houlette de Catherine Laubscher, secrétaire régionale d'Unia Neuchâtel. Ouvrant les feux, Charlotte Mosquera, de l'Association suisse pour les droits des femmes, a rappelé qu'en 1928 déjà, les suffragettes réunies dans une marche de protestation se plaignaient des lenteurs politiques dans le domaine des droits féminins. Elles poussaient alors un escargot géant. «87 ans plus tard, l'escargot est toujours là... et nous aussi!». Mais plus question de patienter. «Les femmes en ont marre d'attendre, marre de la lenteur des réformes, marre de savoir que leurs salaires inférieurs déterminent des rentes inférieures, marre d'être traitées injustement, marre de faire la plus grand partie du travail non rémunéré, marre qu'on finance des réformes sur leur dos, marre de penser que les plus pauvres de ce pays riche sont des femmes.» Regula Bühlmann, de l'USS, a pour sa part souligné que le respect des lois sur l'égalité doit désormais passer par des mesures contraignantes et non plus des incitations facultatives. «Nous avons besoin maintenant de contrôles efficaces, pour que nous recevions enfin le salaire que nous méritons.» Car 34 ans après avoir été inscrite dans la Constitution fédérale et vingt ans après son ancrage dans la loi, l'égalité des salaires entre femmes et hommes n'est toujours pas appliquée. Loin s'en faut. Les femmes continuent à gagner en moyenne 19% de moins que les hommes et l'écart a tendance à se creuser. C'est une violation de la loi. Elle est pourtant étrangement tolérée, comme l'a illustré à la tribune Regula Rytz, co-présidente de Verts. «Quand Doris Leuthard veut augmenter de 6 centimes le prix de l'essence, c'est le tollé à travers tout le pays. Mais quand les femmes gagnent 677 francs de moins chaque mois, on ne dit rien. C'est un silence assourdissant.»

Un pas dans la bonne direction
Que penser du projet de loi porté par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga prévoyant d'obliger les employeurs qui occupent 50 personnes ou plus, à effectuer des contrôles réguliers des salaires? «C'est un premier pas dans la bonne direction», a estimé la coprésidente des Femmes socialistes suisses, Yvonne Feri. Et bien que ce projet n'ait rien de contraignant, «le patronat monte au créneau et remet en question l'existence même d'une inégalité salariale.» Une allusion aux intentions de certains représentants de la droite patronale qui veulent geler la question de l'égalité salariale au nom de la crise du franc fort (voir le manifeste ci-dessous).
Kathrin Bertschy, coprésidente de l'«Alliance F» a pour sa part souligné que «l'inégalité salariale agit aussi sur toute l'économie lorsque des talents prometteurs se retirent du marché du travail parce que leurs compétences ne sont pas rétribuées à leur juste valeur».
Au terme de la manifestation, Corinne Schärer, membre du comité directeur d'Unia, a présenté à la tribune la reproduction géante de la lettre que les responsables de la manifestation ont adressé ce lundi au Conseil fédéral réunissant les revendications portées par les manifestantes et manifestants.

Pierre Noverraz



Manifeste du 7 mars
A l'heure où nous mettions sous presse, lundi, près de 5000 personnes ont signé un manifeste en faveur de l'égalité salariale. Ce manifeste, paraphé par de nombreuses personnalités, d'artistes, de conseillers nationaux, de maires et par les anciennes conseillères fédérales Micheline Calmy-Rey et Ruth Dreifuss, s'élève contre les tentatives de la droite patronale de profiter des menaces de crise pour combattre les revendications des femmes. La presse a en effet révélé le mois dernier que des programmes de dérégulation prévoient le renoncement à l'égalité salariale ainsi qu'à une représentatin équitable des femmes parmi les cadres et dans les conseils d'administration. Les signataires n'acceptent pas que l'article constitutionnel sur l'égalité soit ravalé au statut d'article conjoncturel. «Recevoir un salaire égal pour un travail de valeur égale est un droit fondamental.»
PN


Marche mondiale des femmes
Très remarquées dans la manifestation, des femmes vêtues de blanc juchée sur des échasses lançaient un appel en faveur de la Marche mondiale des femmes, dont le but est de combattre la pauvreté et les violences qu'elles subissent sur toute la planète. Cette marche a débuté ce 8 mars au Kurdistan turc et se poursuivra jusqu'au 17 octobre. «Elle parcourra l'Europe sur 17000 kilomètres pour renforcer les liens entre les femmes résistant aux attaques qui, sous divers déguisements, sont partout dans le monde le produit du système patriarcal et capitaliste que nous combattons», a indiqué Carolina Eraso, responsable de ce mouvement. Sous forme de caravane, cette marche conduite par de jeunes féministes cheminera en Suisse du 14 au 25 mai prochains.
PN

Les chiffres de la honte
Dans le cadre de la manifestation, Unia a diffusé les faits et chiffres majeurs qui caractérisent l'inégalité salariale en Suisse.
- A travail de valeur égale, les femmes gagnent en moyenne 19% de moins que les hommes (et la tendance approche désormais 20%).
- 40% de cette différence est uniquement liée au sexe. Donc discriminatoire.
- Cela représente une perte mensuelle moyenne de 667 francs pour chaque femme active.
- Dans le commerce de détail, une vendeuse gagne en moyenne 17,5% de moins que son collègue masculin (944 francs).
- Pour une ouvrière dans l'industrie horlogère, l'écart moyen est de 32% (2400 francs).
- En moyenne, ce sont 8000 francs par année qui sont perdus par les femmes en raison de la discrimination salariale.
- Cela représente 7,7 milliards de francs par année.
Unia, dans un communiqué diffusé à l'issue de la manifestation, réclame un contrôle systématique des salaires dans les entreprises, des sanctions dissuasives en cas de violation ainsi qu'une tolérance zéro en matière d'inégalité salariale.
PN