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Pour des conditions de travail dignes dans l'agriculture

Le syndicat SIT a protesté pour demander aux patrons genevois de retirer le recours contre le passage de 47.5 à 45 heures hebd.

A Genève, les employeurs de l'agriculture ont déposé un recours au Tribunal fédéral contre la baisse du temps de travail hebdomadaire des ouvriers agricoles, déjà fortement précarisés. Une attitude honteuse selon le Syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs (SIT), qui a manifesté sa colère devant les bureaux d'AgriGenève à Satigny. Le SIT rappelle par ailleurs l'urgence d'élaborer un contrat type national pour réguler le secteur en Suisse.

Mercredi 6 février, munis d'affiches dressées sur des poireaux, une quinzaine de militants et de syndicalistes du syndicat interprofessionnel SIT ont manifesté devant les locaux d'AgriGenève, l'organisation faîtière genevoise des paysans. Le message de cette action de protestation était clair: demander à AgriGenève qu'elle retire son recours, «honteux» selon le SIT, déposé au Tribunal fédéral contre la baisse du temps de travail de 47,5 à 45 heures hebdomadaires pour les ouvriers agricoles du canton. «Nous leur demandons de respecter la décision de la Chambre des relations collectives de travail (CRCT)», a déclaré Boumedienne Benmiloud, secrétaire syndical.
En Suisse, les salariés agricoles travaillent jusqu'à 66 heures hebdomadaires, pour des salaires minimums qui oscillent entre 3170 et 3300 francs. Sans oublier la pénibilité du travail. Une précarité vivement dénoncée par le SIT. «Les ouvriers agricoles travaillent par tous les temps, sans répit. Les heures supplémentaires ne sont pas toujours payées et les accidents du travail liés à l'épuisement sont très fréquents», précise Boumedienne Benmiloud. Selon ce dernier, un salarié sur quatre est accidenté chaque année, et en dix ans, plus de 460 ouvriers agricoles ont perdu la vie au travail.
Dans ce contexte, la CRCT, lors de la révision du contrat type de travail genevois, a concédé une baisse du temps de travail de 2,5 heures par semaine aux salariés agricoles, avec une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2013. Une mesure en adéquation avec la loi genevoise sur la promotion de l'agriculture dont l'article premier stipule l'objectif d'améliorer les conditions de travail. Mais le 1er février dernier, AgriGenève a décidé de recourir contre cette décision, invoquant une concurrence déloyale par rapport au reste de la Suisse. Un faux argument selon le syndicat. «Les paysans genevois exportent 70% de leur production dans les autres cantons, corrige Simon Descombes, secrétaire syndical. Travailler 45 heures par semaine pour 3300 francs par mois, ce n'est déjà pas cher payé! Si l'on veut régler les inégalités entre Genève et les autres cantons, cela doit passer par l'élaboration d'une convention collective nationale.» Ce sur quoi l'Union suisse des paysans (USP), la faîtière des agriculteurs, refuse d'entrer en matière.

«Travailleurs de seconde zone»
Au-delà du recours déposé par AgriGenève, le SIT demande une égalité de traitement pour les ouvriers agricoles. «Ces derniers sont considérés comme des travailleurs de seconde zone», s'indigne Simon Descombes. En effet, cette catégorie de salariés n'est pas soumise à la loi sur le travail, et à Genève, elle constitue une exception législative puisqu'elle ne dépend pas du même régime en matière d'allocations familiales, alors même que ces travailleurs sont les plus précaires. «Un ouvrier agricole touche entre 100 et 200 francs de moins par enfant et par mois qu'une autre famille genevoise, précise Prunella Carrard, députée socialiste. L'égalité de traitement me paraît indispensable.» Le Parti socialiste genevois a, dans ce sens, déposé un projet de loi le 5 février au Grand Conseil visant à aligner les allocations des familles des travailleurs agricoles sur celles de l'ensemble des autres familles genevoises.

Lutter pour une convention nationale
Lors de cette action, les syndicalistes ont remis en main propre une lettre au directeur d'AgriGenève, François Erard, avec qui ils ont pu échanger. «Nous sommes déçus par votre attitude, s'est exprimé Boumedienne Benmiloud. Nous exigeons des conditions de travail dignes pour ceux qui font la richesse de vos entreprises agricoles.» François Erard a de son côté rappelé les difficultés qui touchaient l'agriculture. «Nous aimerions pouvoir mieux payer nos ouvriers, pour autant que cela soit possible.» Selon les patrons, à travers ce recours, il s'agit aussi de dénoncer les disparités nationales. «Nous voulons harmoniser les conditions de travail en Suisse et nous luttons pour obtenir une convention collective nationale auprès de l'USP.» François Erard avait d'ailleurs déposé un projet de texte en 2004, vite balayé par les agriculteurs alémaniques.
Le SIT reste toutefois optimiste. «Face à ce manque de volonté évident de réguler le secteur de la part des patrons, nous espérons qu'AgriGenève mettra réellement sa faîtière sous pression pour édicter un contrat type national», conclut Simon Descombes.


Manon Todesco