Le projet de réforme du 2e pilier tel qu’il sera soumis au Parlement lors de la session de printemps revient à puiser dans le porte-monnaie des actifs et à baisser les rentes. Les syndicats s’y opposeront
«Le Parlement a fait de la réforme du 2e pilier un projet de démantèlement pur et simple.» Le constat de l’Union syndicale suisse (USS) est sans appel. Elle réagissait, le 3 février, aux résultats des travaux de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national qui venait de traiter une nouvelle fois la Réforme de la Loi sur la prévoyance vieillesse (LPP 21) et les divergences subsistant avec le Conseil des Etats, les deux Chambres ayant déjà pris position sur le fond l’année dernière. L’USS espérait un revirement et un retour au «compromis des partenaires sociaux», soutenu et présenté par le Conseil fédéral. Or, l’état de la réforme actuelle en est bien éloigné. Ce compromis visait à faire évoluer le 2e pilier vers une meilleure prise en compte des bas salaires et des temps partiels afin que les femmes ne soient plus autant discriminées au moment de la retraite. En raison de leur secteur d’activité, des arrêts professionnels pour se consacrer à la famille et des temps partiels, beaucoup de retraitées ne touchent pas de rentes du 2e pilier ou perçoivent des rentes très inférieures à celles des hommes.
«Arrogance crasse»
Le compromis prévoyait un seuil d’accès au 2e pilier abaissé ainsi qu’une diminution du taux de conversion qui devait être compensée par des suppléments de rentes pour les petits revenus, et les femmes en particulier. Ces suppléments devaient être financés par une augmentation des cotisations (appelées bonifications dans ce pilier), introduisant ainsi une part de répartition dans le système des caisses de pension basé sur la capitalisation. La Commission du Conseil national a rejeté, par deux tiers des voix contre un tiers, la proposition de retour au compromis. Elle a décidé de suivre la version du Conseil des Etats, adoptée en décembre, sur des points importants comme les mesures visant à compenser la baisse du taux de conversion. Cette dernière représente une réduction des rentes de près de 12%. Selon l’USS, avec le projet actuel, cette diminution ne sera compensée entièrement que pour moins de la moitié des femmes et pour un quart seulement de tous les assurés. Une décision «d’une arrogance crasse, souligne la faîtière dans un communiqué. Les femmes devront attendre pendant des décennies encore les améliorations promises, alors que le besoin est urgent et immédiat.»
Perte d’un mois de rente!
L’USS rappelle que les rentes du 2e pilier «sont en chute libre depuis au moins une décennie». Et de préciser qu’après les faibles taux d’intérêt et les baisses extrêmes des taux de conversion, la situation s’aggrave encore en raison de la non-compensation du renchérissement dans les caisses de pension. La conséquence concrète sera que les salariés partant à la retraite à la fin de 2024 perdront l’équivalent d’un mois complet de rente! Et la faîtière d’avertir: «Même une baisse du taux de conversion minimal n’est plus une option.» Pour l’USS, cette révision va «arnaquer» ceux qui travaillent alors que les prestataires, les caisses de pension et les assureurs vie en bénéficieront. Des prestataires qui aujourd’hui déjà prélèvent environ 7 milliards de francs par année pour la gestion du 2e pilier.
L’USS s’apprête à combattre «avec véhémence» un projet de démantèlement de la LPP, qui pour l’heure prévoit une hausse des cotisations de l’ordre de 3 milliards de francs pour des rentes plus basses. Elle annonce d’ores et déjà qu’un tel projet – qui revient devant les deux Chambres du Parlement lors de la session de printemps débutant le 27 février – sera contesté par référendum: «Les gens qui travaillent décideront dans les urnes s’ils veulent verser 3 milliards de francs supplémentaires dans les caisses de pension pour obtenir, au final, une rente moins élevée, ou s’ils préfèrent financer une 13e rente AVS.»