Tous au turbin!
Au boulot! Les vieux, les jeunes, les femmes au foyer, les hommes à temps partiel. Fini de se prélasser, de goûter aux joies du temps libre, de la vie en famille, de la nature ou de la musique. Fini la «société du wellness», du bien-être, comme l’a déclaré le radical valaisan Philippe Nantermod la semaine dernière du côté de Berne, alors qu’il venait de déposer une motion s’attaquant aux temps partiels par le biais d’une restriction des subsides aux primes maladie. Bon soldat du néolibéralisme, il s’en prend aux Suisses qui «réduisent leur temps de travail pour pratiquer hobbies et bénévolat, tout en laissant la collectivité en assumer les frais». Cité par le quotidien 24heures, le conseiller national porte déjà le flambeau de l’Union patronale suisse (UPS) qui a dévoilé ses mesures contre la pénurie de main-d’œuvre qualifiée une semaine avant le 1er Mai (voir ici). Provocation ou pas, ces remèdes de cheval sont une attaque en règle contre la législation sur le temps de travail, contre l’âge de départ à la retraite et contre les temps partiels dans une situation où les travailleurs souffrent déjà d’une pénibilité accrue, sans que leurs salaires augmentent. Pire, ces derniers ont régressé de 1,9% en moyenne l’année passée.
Pour l’UPS, la solution à la pénurie de bras et de cerveaux est simple: travailler de jour, de nuit, quand bon nous semble, pourvu que nous fassions nos heures, ou davantage. Repousser l’âge de la retraite de toutes et de tous, et inciter les séniors à travailler encore et encore, jusqu’à 70 ans ou plus. Quant aux plus jeunes, fini le choix d’une formation à leur goût, qu’elle soit professionnelle ou universitaire. Cette formation doit répondre aux besoins du marché. Punkt schluss! Certes, les patrons sont prêts à faire un geste pour davantage de crèches. Mais attention, il faudra montrer patte blanche. Les enfants seront gardés uniquement si vous allez à l’usine ou au bureau. Pas question de prendre du temps pour souffler ou pour s’occuper d’un proche malade.
Bref, les remèdes des patrons helvétiques, c’est bosser, bosser, et bosser encore. Avec des minipauses pour nourrir les enfants, les coucher, puis reprendre le job jusqu’à épuisement. Terminées aussi les petites séances cinéma, ou les soirées télé. Pareil pour l’ouverture d’un bouquin, une balade au soleil ou du temps à rêver et à somnoler. Tout cela est néfaste à l’économie!
Tous les acquis gagnés de haute lutte durant le siècle passé sont à liquider. Trop de vacances, trop de loisirs, trop d’heures libres pour vivre, penser et réfléchir. Les quelques avancées sociales en matière d’accès des femmes à des professions universitaires ou spécialisées sont à jeter aussi. Elles seraient trop nombreuses à travailler à temps partiel après leur formation…
Les propositions de l’Union patronale sonnent comme un fulgurant retour en arrière. Alors que les conditions ne cessent déjà de se détériorer, avec une intensification du travail, un accroissement du stress, des risques d’accident et des épuisements professionnels, les recettes des employeurs n’auront pour effet que d’empirer la situation et de mettre tout le monde au pas de l’économie et du marché. Tout cela, pour le «bien-être» de qui? D’une petite minorité d’entrepreneurs et d’actionnaires…