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Travail nocif

Contraintes sur l’appareil locomoteur, bruit et substances dangereuses, cadences infernales: au lendemain des vacances estivales, comment renouer avec une routine laborieuse sans risquer de ruiner sa santé? Comment s’assurer qu’on ne perde pas sa vie à la gagner? Une question pertinente pour nombre de personnes actives affectées par leur emploi. Selon la troisième enquête européenne sur les conditions de travail menée en 2021 auprès de 71000 personnes et à laquelle a participé le Secrétariat d’Etat à l’économie, près d’un Suisse sur quatre estime que son job menace sa sécurité ou sa santé. Ces risques se révèlent particulièrement aigus dans les branches de la construction, de l’industrie et dans le secteur des soins. Plus de la moitié des travailleuses et des travailleuses (55%) souffrent de douleurs engendrées par des mouvements répétitifs, des positions fatigantes ou encore le déplacement et le port de lourdes charges. Avec notamment pour corollaire des maux de dos et de tête, des douleurs musculaires et, partant, une baisse de la qualité de vie. Si la part des Suisses concernés par ces problèmes se révèle moins élevée que celle de leurs homologues dans les pays voisins, les Helvètes sont en revanche confrontés à des cadences de travail parmi les plus élevées d’Europe. Une information renforçant le cliché de l’Helvète bosseur et dévoué à son activité professionnelle. Mais à quel prix? La pression du temps et des délais soumet aux dangers du stress près de 60% des salariés dans nos frontières contre 49% en moyenne sur le Vieux-Continent. Une situation largement répertoriée sur les chantiers et particulièrement inquiétante pour les ouvriers qui y sont exposés. Plus d’un tiers des salariés (36% contre 29% en Europe) triment par ailleurs en dehors des horaires de travail alors même que le temps hebdomadaire, quelque 42 heures, s’avère déjà élevé. La quête d’une productivité constamment accrue motivée par la course effrénée aux profits dicte ainsi le tempo. Sans égards pour les classes laborieuses qui s’épuisent physiquement et émotionnellement. Et qui ne bénéficient jamais ou presque d’un retour à la hauteur des efforts fournis.

Les employés suisses sont par ailleurs plus souvent sollicités que la moyenne européenne lors de leur temps libre pour répondre à des exigences professionnelles. Qu’importe les congés, les plages supposées être réservées à la famille, aux relations, aux loisirs ou simplement à un indispensable repos régénérateur: nombre d’employeurs n’hésitent pas à réclamer toujours plus de leurs collaborateurs, à bafouer leur droit à la déconnexion; nombre de salariés acceptent de leur côté de prendre sur eux, de courber davantage l’échine et plus longtemps. Par peur de perdre leur place, parce que le travail et la ponctualité sont des valeurs helvétiques cardinales, par sentiment de devoir moral, par besoin de reconnaissance?... Quelles que soient les raisons, elles s’avèrent problématiques puisqu’elles menacent la santé et l’indispensable équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Au regard des résultats de l’enquête, les patrons doivent prendre leurs responsabilités. Aménager des journées et des semaines de travail plus courtes. Mettre un terme aux contraintes physiques et psychosociales. Et consulter les employés sur ces dernières questions, comme le prescrit la loi. Un impératif qui n’est jamais, selon l’étude, respecté pour un tiers des effectifs. En parfaite violation des droits fondamentaux. A l’heure où le pays affronte une pénurie de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs, avec l’arrivée de nouvelles générations d’actifs qui misent sur des postes à valeur ajoutée en termes de conditions de travail, il est plus que jamais nécessaire de repenser les modalités d’emploi. Si tous les salariés n’ont pas la possibilité de s’épanouir dans une profession, garantir leur sécurité et leur santé à leur poste est un devoir des employeurs. Un minimum.