Attaque contre les chômeurs âgés
Menace contre la rente-pont destinée aux chômeurs âgés. Des membres de l’UDC ont lancé, le 8 juillet dernier, un référendum en vue de torpiller la nouvelle loi adoptée début juin par le Parlement. Rappelons que cette dernière prévoit l’introduction d’une prestation transitoire pour les personnes sans emploi de 60 ans et plus en fin de droits. Son but? Eviter qu’elles ne se retrouvent à l’aide sociale. Et leur garantir, au terme d’une existence de labeur, la possibilité de poursuivre une vie digne. Une initiative pour le moins pertinente sachant la difficulté que rencontrent les seniors pour retrouver une place de travail. Mission souvent impossible avec des employeurs préférant, à ces candidats en fin de carrière, des postulants jeunes, coûtant moins cher. Des employés plus malléables. Peut-être plus rapides aussi quand bien même l’expérience acquise par les travailleurs âgés joue en leur faveur. Si la rente-pont ne résout évidemment pas la question des discriminations à l’embauche en raison de l’âge, elle a au moins le mérite d’en atténuer les conséquences. Un point d’autant plus important dans le contexte actuel: les effets de la crise sanitaire se sont d’ores et déjà traduits par nombre de licenciements économiques. Selon l’Office fédéral de la statistique, pour ce mois de juin, par rapport à la même période en 2019, le taux de chômage des 50-64 ans a augmenté de 41,2%.
Quoi qu’il en soit, ce filet social, déjà revu à la baisse, est aujourd’hui contré par des représentants du parti agrarien. Pour ces derniers, il constitue une incitation aux licenciements. Argument bancal. Comme si les patrons avaient, jusqu’à ce jour, manifesté des états d’âme et s’étaient gardés de remercier leurs plus fidèles et anciens collaborateurs. Bien au contraire. Lors de restructurations, ce sont souvent ceux-ci qui doivent quitter le navire les premiers. L’empathie et la reconnaissance n’ont jamais pesé dans la balance des coûts, contrairement aux volontés d’économiser et de maximaliser les profits. L’exemple du canton de Vaud tord aussi le cou au raisonnement des opposants: en vigueur depuis 2010 dans cet Etat, la rente-pont n’a pas entraîné une augmentation des chômeurs âgés, leur nombre a même diminué.
Les membres de l’UDC engagés dans la bataille dénoncent encore un «achat des voix» alors que la population sera appelée à voter sur l’initiative de limitation de l’immigration du parti, le 26 septembre prochain. Certes, la décision d’introduire une rente-pont propre à rassurer les travailleurs âgés face à la concurrence de la main-d’œuvre européenne est liée à cet objet. Mais elle n’en demeure pas moins indispensable. Et ne suffira évidemment pas à influer sur le choix des électeurs. Le risque d’exclusion définitive du marché du travail de chômeurs âgés sans ressources, après plus de 40 ans d’engagement professionnel, s’avère en revanche bien réel, libre circulation des personnes ou non. Une problématique bien connue des partenaires sociaux qui ont participé à l’élaboration de la nouvelle loi avec le Conseil fédéral.
Dans le contexte de récession, la démarche du comité référendaire constitue une attaque frontale contre les chômeurs âgés. Les détracteurs de cette prestation la remettent aussi en cause en raison de son prix, estimé à 150 millions de francs par an pour 3400 bénéficiaires. Une critique qui sonne particulièrement faux. Le parti auquel ils appartiennent accepte en effet sans sourciller que son ancien chef de file et conseiller fédéral, le milliardaire Christoph Blocher, reçoive 2,7 millions de francs de rente rétroactive. Sans commentaire.