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«De grands pas ont été effectués»

Chantier d'un stade au Qatar.

Grâce à l’intervention des syndicats qui ont mené plusieurs inspections sur place, la santé et la sécurité des travailleurs employés à la construction des stades ont été améliorées. Avec l’aide d’autres partenaires, l’IBB a aussi contribué à l’abandon du système de la kafala.

A seize mois du coup d’envoi de la Coupe du monde de football, l’IBB dresse un rapport d’étape sur son implication en faveur du travail décent des migrants au Qatar. Le point avec Rita Schiavi, déléguée d’Unia au sein de la Fédération

Les fans du ballon rond n’ont plus qu’environ seize mois à patienter avant de pouvoir assister à la grand-messe du football qui se déroulera au Qatar. Cet événement, derrière son caractère festif, a mobilisé l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) inquiète des conditions d’emploi et de vie particulièrement dangereuses et malsaines des migrants attelés à la construction des stades. Des personnes essentiellement originaires d’Inde, du Népal, du Bangladesh et des Philippines. Rappelons que la Fédération syndicale, dont Unia est un membre actif, avait vivement critiqué l’attribution de la Coupe au Qatar. Depuis, elle s’est largement impliquée dans ce dossier: campagnes de sensibilisation, recours juridiques devant les tribunaux jusqu’aux instances internationales, procédures auprès de l’OIT, pression sur la FIFA pour qu’elle use de son influence auprès des autorités qataries, représentation des revendications individuelles et collectives des travailleurs, ouverture du dialogue social, etc. A moins d’un an et demi de l’ouverture de la compétition, l’IBB publie un rapport d’étape sur le travail accompli, les avancées obtenues et les progrès encore à réaliser. Présidente des femmes de l’IBB et déléguée d’Unia au sein de la Fédération, Rita Schiavi en résume les lignes maîtresses.


Pourquoi l’IBB s’est-elle engagée dans cet événement et quels sont les principaux problèmes qu’elle a dû affronter?

Les campagnes de l’IBB lors de Coupes du monde remontent à 2007, la première ayant débuté avec l’attribution de cette manifestation à l’Afrique du Sud, hôte du Mondial 2010. La Fédération syndicale mondiale profite depuis de cet événement pour offrir son soutien aux syndicats des pays concernés et s’assurer que les ouvriers œuvrant à la construction de nouvelles infrastructures de football bénéficient de conditions dignes. La situation s’est révélée particulièrement compliquée au Qatar, les organisations de travailleurs n’étant pas autorisées dans ce pays employant essentiellement des migrants. Quelques chiffres illustrent cette situation: 30000 migrants ont été employés à la construction des huit stades nécessaires à la Coupe. Le secteur du bâtiment compte à lui seul au total près d’un million d’ouvriers étrangers. Sur les 3 millions d’habitants recensés dans cet Etat, seuls 300000 sont des citoyens qataris. A la suite de grandes campagnes internationales aussi menées avec d’autres ONG, l’IBB a pu collaborer avec le Comité suprême. Ce dernier, constitué pour l’occasion et réunissant des autorités qataries, a été chargé de l’organisation de la construction des infrastructures pour la FIFA. La Fédération syndicale a pu, grâce à ce partenariat, procéder à des inspections sur place.

Quelles étaient ses principales préoccupations?

Elles portaient sur la santé et la sécurité des travailleurs. Beaucoup d’ouvriers employés dans le bâtiment ont été blessés, accidentés ou sont morts au Qatar. La chaleur, torride, mais aussi des failles dans la sécurité expliquent cette dramatique problématique. Sur les chantiers des stades, la situation s’est révélée toutefois un peu meilleure, ceux-ci ayant été essentiellement attribués à des entreprises européennes. Un autre problème majeur résidait dans le système de la kafala, en vigueur dans ce pays. Il facilitait l’exploitation des migrants en leur confisquant leur passeport et en leur interdisant de changer d’employeur et de quitter le pays. Une forme d’esclavage moderne apparenté au statut, jadis, de saisonnier en Suisse.

Ce système a donc été aboli? Quels autres pas ont été effectués?

Grâce à notre implication et à celles d’autres partenaires, le système de la kafala a été abandonné il y a un an. En 2020, à titre d’exemple, quelque 150000 ouvriers ont ainsi pu changer de patrons. Les primes que devaient payer les ouvriers pour être recrutés par des agences de placement dans leur pays d’origine sont aussi aujourd’hui prises en charge par les entreprises, évitant la persistance de lourdes dettes. Un salaire minimum a par ailleurs été introduit, ainsi qu’un mécanisme de réclamations en cas de non-paiement. Des avancées majeures même si, hélas, toutes les sociétés n’appliquent pas encore la nouvelle législation.

Sur le front de la santé et de la sécurité, depuis le début de nos contrôles, en 2017, la mortalité sur les chantiers des stades a baissé et il n’y a eu que trois cas d’incidents fatals.

A noter encore que les ouvriers peuvent également désormais élire des comités qui les représentent pour veiller aux conditions de travail et de logement. Nous avons commencé à organiser des cours à l’intention de leurs délégués. C’est un pas important en l’absence de syndicats.

Comment envisagez-vous la suite?

L’IBB continuera à faire pression pour que tous les ouvriers du bâtiment bénéficient des progrès obtenus. La Fédération souhaite parallèlement, avec d’autres partenaires, poursuivre la formation de représentants de travailleurs dans un centre où toutes les questions relatives aux conditions de travail, de recrutement et d’hébergement pourraient être évoquées. L’idée serait de rendre aussi accessible ce lieu à des travailleurs d’autres branches, comme celles de l’hôtellerie-restauration ou de l’économie domestique. Dans tous les cas, nous poursuivrons notre engagement, notre plus grande peur étant qu’à l’issue du Mondial, les autorités reculent et que la nouvelle loi ne soit plus appliquée.

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